De l’agneau de pré-salé à Pâques : impossible !
L’agneau pascal ne saurait être de pré-salé !
Surtout quand Pâques tombe en mars, que l’hiver a été froid et que le printemps est lent à démarrer.
Ce qui est justement le cas cette année.
Pourquoi ?
Il faut d’abord savoir que l’agneau est un jeune ovin âgé de moins d’un an. Au-delà, il devient mouton.
La gestation de la brebis dure environ 5 mois (de 142 à 150 jours) et l’agnelage (mise bas de la brebis) a traditionnellement lieu l’hiver, de novembre à fin mars.
On distingue donc plusieurs sortes d’agneaux sur les étals :
– l’agneau de lait ou agnelet, non sevré, abattu entre 4 et 6 semaines. Il pèse de 5 à 10 kg. C’est lui le traditionnel agneau pascal.
– l’agneau blanc ou laiton, nourri au lait maternel, puis de substitution, qui est un agneau de printemps. Il est abattu entre 70 et 140 jours. Il pèse de 14 à 22 kg.
– l’agneau de bergerie, nourri 3 mois au lait maternel, engraissé en bergerie puis fini avec un mélange de céréales, de soja et de foin. Il est abattu vers 4 mois. Il pèse de 18 à 20 kg.
– l’agneau d’herbe, né à la fin de l’hiver, nourri 2 mois au lait maternel, puis fini à l’herbe. Il est abattu entre 4 et 5 mois. Il pèse entre 35 et 40 kg.
– l’agneau broutard : agneau de 6 à 8 mois qui broute avec sa mère dans les pâturages et qui est donc un peu plus lourd.
L’agneau de pré-salé est quant à lui un agneau broutard qui est donc forcément sevré — il a entre 2 mois et 2 mois ½ quand il commence à goûter l’herbe — et qui ne peut être abattu avant d’avoir pâturer 75 (au moins) à 200 jours dans les herbages avec sa mère. C’est donc un agneau d’au minimum 6 mois !
De toute façon, comme tous les agneaux d’herbe, il est maintenu en bergerie avec sa mère jusqu’à mi-mars, début avril. Craignant l’humidité et le froid, il est bien trop fragile pour s’aventurer dans les herbus auparavant.
Si l’on compte bien, cela veut dire qu’on ne peut réellement goûter de l’agneau de pré-salé qu’à partir de juin, mi-mai à la rigueur.
Donc, même si Pâques est une fête mobile (célébrée le dimanche qui suit le quatorzième jour de la lune), elle a lieu au plus tôt le 22 mars et au plus tard le 25 avril. Ce qui est bien trop tôt pour pouvoir manger du vrai agneau de pré-salé.
De l’agneau de pré-salé à Pâques, c’est donc n’importe quoi !
De toute façon, les plantes caractéristiques qui composent la flore saline et iodée des prés salés — on dit aussi « les herbus » ou les « mollières » — et qui communiquent à la chair des agneaux leur saveur caractéristique, seraient encore bien trop chétives avant le printemps pour nourrir tous les agneaux impliqués.
Rappelons que les prés salés sont des étendues naturelles planes situées en bord de mer et recouvertes par la mer lors des hautes marées. Une sorte de frange maritime où pousse une végétation basse qui supporte le sel.
Les herbus de la baie du Mont Saint-Michel sont les plus grands d’Europe d’un seul tenant (4000 hectares).
Parmi ces plantes halophytes — 67 espèces ont été identifiées — citons notamment la pucinellie maritime, la spartine, l’obiome des ports, l’obiome pédonculée.
Ce sont ces plantes dont se nourrissent les agneaux qui donnent ce goût délicieux à leur chair rose vif au grain fin et serré.
Deux appellations d’origine sont protégées par une AOP au sein de l’Union européenne :
– l’AOC Prés-salés du Mont Saint-Michel,
– l’AOC de la Baie de Somme (et de l’Authie), aussi appelé « agneau de l’Estran ».
Il existe d’autres régions de prés-salés en France, mais qui ne bénéficient d’aucune appellation.
En bord de Méditerranée (Camargue), on les appelle « sansouïres » et dans le Bas-Languedoc (plaine de la Crau) « enganes ».
Blandine Vié
lafrancesa
24 mars 2013 @ 10 h 37 min
Merci pour cette mise au point, je vais me marrer quand je lirai le prochain billet pascal avec de l’agneau de pré salé.
Méditerranéité oblige, ma préférence va pour l’agneau de Camargue. Si un jour vous passez à Maussane, il faut absolument goûter la saucisse d’agneau de Charles Serge (oh! trop facile celle-là)