« Brèves d’étoilés »
Jean-Marie Gourio a engrangé pour notre plus grand bonheur des « Brèves de comptoir ».
Dans le même esprit, il faudrait pouvoir (appel à sponsors !) accumuler aussi des « Brèves d’étoilés » !
Pour la petite histoire, l’anecdote, la cerise finale, le bouquet sur le gâteau de notre déjeuner d’hier au restaurant Laurent : http://gretagarbure.com/2013/06/14/bonne-table-ou-evi-table-4/
Un dos large, une nuque solide et un verbe haut à l’adresse de son commensal, c’est l’essentiel de ce que je perçois de mon voisin le plus immédiat qui, dans les bonnes maisons comme « Laurent », est quand même à un bon double-mètre de notre table. Durant tout le repas, j’ai eu la curiosité de noter le résultat de leurs discussions animées avec le sommelier Ghislain Mahieu et des commandes argumentées par les deux convives.
Après l’apéritif qui m’a échappé, ont donc défilé à cadence appropriée :
D’abord un clos Rougeard blanc « Brézé », sans doute un des plus formidables vins blancs secs de la Loire. Ce saumur d’exception est issu d’un hectare 50 de sol argilo-calcaire planté de chenin. Les frères Foucault sont des stars et leurs vins sont distribués au compte-gouttes sur allocations.
Puis vint un Ermitage de Jean-Louis Chave « cuvée Cathelin », une des 2500 bouteilles produites en 2003. Une rareté dans ce qui peut être la plus grande appellation du monde. (C’est mon opinion et je la partage).
Plus tard, le chef barman dut répondre à une demande pressante : il dégota aussitôt un vieux rhum Damoiseau (Guadeloupe) de 1953, mis en bouteilles en 1984. Ses effluves sont arrivées* jusqu’à nous ! Les alizés ?
Et c’est après avoir suivi d’une oreille de moins en moins distraite (ni discrète) ces agapes impressionnantes que nous avons entendu cette sentence légèrement emphatique mais si inattendue qu’elle nous fait encore hurler de rire aujourd’hui : « Bon, eh bien je pense qu’il est maintenant grand temps de faire baisser notre taux d’alcool dans le sang ! Apportez-nous, cher ami, une bouteille de château d’Yquem ! »
L’immense François Mauss venait juste de quitter la salle, sinon il aurait sûrement dit : « It makes my day ! ».
Mais c’est Blandine qui éclata d’un rire qui sembla communicatif !
L’amphitryon de circonstance nous convia alors par un charmant : « Souffrez de faire un déplacement somme toute raisonnable et rejoignez-nous devant cette bouteille qui ne vaudra ainsi que par son partage avec vous…! »
Ce qui fut dit fut fait ! Cet Yquem 1997 n’est pas encore un monstre de complexité mais des fruits jaunes et du miel explosent au nez comme en bouche. Franc comme l’or dont il aura la couleur dans quelques années.
Et croyez-le ou pas, nous ne nous quittâmes qu’après la mort d’une DEUXIÈME bouteille d’Yquem 1997…!!!
* Nous nous souvenons d’avoir appris à l’école que les mots « amour, délice et orgue » étaient masculins au singulier et féminins au pluriel. Néanmoins, Flaubert et Hugo féminisaient également le mot « effluves », et il se trouve que nous sommes assez souvent d’accord avec eux !!!