« Basquaise » ou « à la basquaise »
Dans cette rubrique nous voulons défendre l’authenticité des appellations culinaires, si souvent galvaudées, que ce soit dans les manuels de cuisine, sur les cartes des restaurants ou sur internet. Pourquoi cette démarche ?
Parce que ces appellations ont fait la réputation de la cuisine française !
Entendons-nous ! Nous ne sommes pas conservateurs au point de vouloir que la cuisine reste immuablement figée à l’époque de nos grands-mères. D’ailleurs, à cette époque, cette cuisine était elle-même « moderne » par rapport à la cuisine du siècle précédent, elle aussi innovante par rapport à la cuisine médiévale, et ainsi de suite en remontant jusqu’à l’âge du feu qui généra l’invention de la cuisine.
La cuisine évolue avec son époque et c’est normal. Mieux, c’est souhaitable !
Nous n’avons rien non plus contre une cuisine « revisitée », ni d’un point de vue technique, ni d’un point de vue créatif. Nos modes de vie exigent même que les recettes soient plus légères, plus faciles et plus rapides à faire, du moins au quotidien.
Par ailleurs, nous n’allons plus chercher l’eau au puits, nous ne cuisinons plus dans l’âtre des cheminées (sauf de manière anecdotique) et des matériels performants ont remplacé nos cuisinières à charbon. Nous n’allons quand même pas le regretter !
En revanche nous sommes respectueux de notre patrimoine culinaire car c’est un héritage identitaire. Aussi avons-nous envie de lui rendre hommage. Et de garder aux recettes basiques de terroir ou de haute cuisine leurs vraies saveurs d’origine en les codifiant. Comme un devoir de mémoire…
Donc, s’il vous plaît créateurs intempestifs !
Si vous « inventez » une recette qui s’inspire d’une autre… ne l’appelez pas à l’identique ! Soyez créatif aussi pour son intitulé !
N’employez pas des mots qui ont une signification précise même si vous l’ignorez. N’est pas tapenade, pistou ou caviar qui veut !
Qu’on se le dise !
NON ! On ne fait pas le poulet basquaise avec des poivrons !
NON ! On ne fait pas le poulet basquaise avec de l’huile d’olive !
Pourtant, si vous regardez sur internet, vous ne trouverez pas une seule recette qui ne prône pas les poivrons. Quand elle n’inclut pas des ingrédients pour le moins fantaisistes tels qu’olives ou champignons !
Attention, nous ne disons pas que le poulet aux poivrons, ce n’est pas bon ! Au contraire, nous trouvons ça très gourmand… aussi !
Mais ce n’est pas du « poulet basquaise ». Alors pourquoi l’appeler ainsi ?
Nous ne comprenons pas ce que ça lui enlèverait s’il s’appelait « poulet aux poivrons » ou « poulet en poivronnade » ou même « poulet aux poivrons à la provençale » quand il est préparé à l’huile d’olive. Ou « tajine de poulet aux poivrons et aux olives » quand on incorpore ces dernières dans la recette.
À tout le moins, pourquoi ne pas l’appeler « poulet façon basquaise » ?
Traditionnellement, l’appellation « basquaise » implique l’association de jambon cru de pays, de tomates et de piments doux verts (production maraîchère autochtone) dits « piments d’Anglet », plus ou moins forts selon le temps qu’ils sont restés sur pied avant la cueillette (mais toujours avant rougissement).
Ce sont d’ailleurs eux qui donnent leur nom — « pipers », « bipers » en basque — à la… piperade. Ils sont à l’étal de mai à octobre, — c’est donc une recette saisonnière — presque uniquement localement. Une démarche d’IGP « piment doux du Pays Basque et du Seignanx » commence à se mettre en place. C’est pourquoi préparer la piperade avec des poivrons n’est qu’un ersatz, bien que ce soit couramment pratiqué en dehors du Pays Basque.
C’est l’utilisation de cette piperade dans une recette qui autorise son appellation « basquaise » ou « à la basquaise ».
Mais sauf dans le cas du poulet basquaise ou du thon à la basquaise, la piperade se sert rarement en garniture. Elle est plutôt accompagnée d’œufs, soit battus et mêlés à la piperade, soit cassés, soit encore frits à part.
Enfin l’huile d’olive n’est pas la matière grasse « logique » du Pays Basque où, historiquement, on utilise plutôt de la graisse de canard (ou d’oie) et surtout de la ventrèche et du gras de jambon ! On est dans le Sud-Ouest, pas en Provence ni en Catalogne !
Blandine Vié
by acb 4 you
10 mai 2013 @ 9 h 33 min
Et bien j’ai appris quelque chose, merci! Je vais réviser mes appelations!
Stéphane
10 mai 2013 @ 10 h 11 min
» On est dans le Sud-Ouest, pas en Provence ni en Catalogne ! »
Bin oui, si on commençait par respecter les particularisme et les produits des régions pour en faire les recettes, cet article n’aurait même pas besoin d’être publié. Mais il en est tout autrement, les chroniques de Greta Garbure sont d’utilité gastronomico-publique!
Reconnaissance du ventre |
24 septembre 2013 @ 7 h 02 min
[…] Pour l’appellation « à la basquaise », voir notre article : http://gretagarbure.com/2013/05/10/appellations-culinaires/ […]
txomin
17 février 2014 @ 11 h 37 min
En hego-alde (pays basque sud)les cuisinier (e)s utilisent pratiquement que de l’huile d’olive.
Appas5
21 juillet 2014 @ 11 h 30 min
Je partage le point de vue de Blandine les appellations ont toujours été un motif d’énervement pour moi lorsqu’elles sont inexactes. Lorsqu’on soutient devant moi que la « Côte d’Azur » commencerait à Cannes et se terminerait à Menton ; qu’à Hyères se situerait le premier palmier de la « Côte d’Azur » ou qu’à Vidauban on ait pu inscrire Porte de la Côte d’Azur, cela m’est insupportable. Le premier qui ait employé le terme Côte d’Azur était un bourguignon-voyageur de la fin du XIXè qui s’appelait Stéphen Liégeard et qui dans son livre La Côte d’Azur, écrit en 1887, la faisait partir de Marseille et se terminer à Gênes pour une bonne raison c’est que ce littoral bénéficie, grâce au climat, d’un ciel d’Azur. On peut estimer que c’est exagéré, dépassé etc… mais même pour un mécréant comme moi le baptême c’est sacré.
Chez mes confrères restaurateurs combien de « salades niçoises » qui ne sont qu’un mélange plus ou moins heureux de légumes avec un assaisonnement sans huile d’olive ! De pêche Melba où seule la pêche demeure ; de l’aïoli avec des langoustes ; d’une friture de poissons aux seuls éperlans etc… etc… Le fin du fin c’est l’appellation « véritable » ou « vraie » suivi du nom d’un plat : la « véritable » bouillabaisse ; le « vrai » aïoli etc… etc…
Non seulement c’est un manque de culture, mais une aberration et parfois même une tromperie… une publicité mensongère. Pour certains restaurateurs peu scrupuleux on préfère raconter des salades.
Par contre je ne suis pas certain que, comme le dit Blandine, « l’huile d’olive ne soit pas la matière grasse « logique » du Pays Basque », seul un historien pourrait nous le confirmer, mais je pense que l’olivier s’est répandu en Occitanie et en Espagne avant le canard ou l’oie.
gretagarbure
21 juillet 2014 @ 13 h 54 min
Merci pour votre commentaire.
Pour l’huile d’olive, je persiste, en tout cas pour le Pays basque français où il n’y a guère d’oliviers, pas plus qu’en Béarn, d’ailleurs.
Et pour avoir vécu là-bas dans les années 80 et jusqu’au milieu des années 90, l’huile d’olive était d’usage tout à fait anecdotique dans la région, tout comme elle l’était encore à Paris il y a 25 ans !