Balades bordelaises
Loin de toute tentation de « Bordeaux bashing », tout près au contraire de relations de bon voisinage aquitain, je dois vous rendre compte de deux récentes manifestations, différentes dans leurs organisations mais comparables dans l’esprit.
Enfin, quand je dis « je dois », c’est en fait un plaisir et aussi ma réponse aux personnes qui m’y ont convié. Et puis, c’est l’occasion de faire un point personnel sur ces vins que j’aime tant… et les autres.
Au château Bellefont Belcier, pas très loin du village de Saint-Émilion, le Grand Cercle des Vins de Bordeaux avait mis sur pied pour la presse un tasting du millésime 2011. Pas loin de 220 bouteilles étaient proposées à la dégustation, présentées par leurs propriétaires, directeurs ou maîtres de chais.
J’entends dire par-ci par-là que le handicap principal des 2011 est d’arriver après les deux très beaux voire exceptionnels millésimes 2009 et surtout 2010. Alors, aux propriétaires qui ne baissent pas les prix quand la qualité de leurs vins est moindre, pour des raisons qui leur appartiennent, je souhaite bonne chance ! Pareil pour ceux qui ne les auront baissé que de moins de 20%. Et bravo à ceux qui ont tout vendu à ces prix-là, ils sont fortiches. Pour une consommation rapide (non, pas dans la demi-heure quand même, vous pouvez lâcher votre tire-bouchon !), j’ai noté des références plaisantes et parfois excellentes. Des valeurs sûres mais également de bonnes surprises dans un millésime que j’ai entendu qualifier de « grand » par un commercial facétieux ! And my ass, is it chicken ?
Malgré les efforts unis et complices de certains commentateurs, l’honnêteté commande d’avouer que l’année fut difficile et les récompenses du travail fourni rares et parfois même absentes.
Je suis d’accord pour attribuer des tours de ruedo, parfois même un trophée, mais sûrement pas les oreilles et la queue ou bien juste celle de Mickey sur le manège des vanités. J’ai suffisamment de respect pour les vignerons du Bordelais pour ne pas mélanger les bonnes et les mauvaises années, les bonnes et les moins bonnes bouteilles, à des prix avantageux ou détestables. Les dithyrambes ne peuvent s’adresser qu’à quelques-uns particulièrement méritants mais globalement l’enthousiasme doit être relativisé : modéré pour ne pas laisser espérer de grands vins de garde en 2011 mais respecté pour les consommateurs inconditionnels qui trouveront peut-être des rapports qualité/prix à leur convenance, en cherchant vraiment bien !
Autre exercice à Podensac afin de décerner les « Trophées des Grands Crus de Graves ». Entre les éliminatoires et les finales, environ 85 vins à déguster, commenter, comparer et noter : des rouges 2012 et des blancs 2014, secs et moelleux.
Vu le temps imparti, trop court à mon avis, il ne faut pas lambiner ! On oublie la notion de plaisir personnel pour décortiquer chaque échantillon et juger de ses qualités à un instant t. Il est tentant de parler de ce qu’il deviendra à maturité mais on doit surtout le juger par rapport à l’idée que l’on se fait des caractéristiques de l’appellation. Ainsi, la salinité, un léger fumé et une pointe d’amertume rafraîchissante en finale sont souvent la signature de ces vins qui ont toute ma sympathie.
Les rouges 2012 bénéficient d’un agréable fruité allié à des corpulences moyennes, quand ils ne sont pas dominés par un boisé pas encore fondu.
Les blancs 2014 sont plus explosifs et le niveau d’ensemble permettra de trouver son bonheur parmi les vins sélectionnés.
Rappelons que ces délicieux vins de Graves se trouvent à partir de 6/8 euros, y compris chez les bons cavistes qui vendent aux prix de la propriété.
À Bordeaux comme partout en France, les millésimes se suivent et ne se ressemblent pas, les appellations non plus et c’est tant mieux. Je lis trop souvent des jugements définitifs sur des vins qui ne méritent généralement ni autant d’indignité et de mépris ni d’éloges aussi démesurés.
En tout cas, un ou deux verres de Bordeaux par jour, c’est bon pour la santé, ai-je affirmé lors d’un séjour en Bourgogne. « Évidemment, m’a-t-on répondu du tac au tac, si vous aimez les médicaments…! »