Au Petit Marguery, c’est la saison du gibier – Paris 13e
Ne boudons pas notre plaisir, sur Greta Garbure, nous aimons le gibier. Du moins le gibier digne de ce nom, chassé éthiquement — ce n’est pas du tout incompatible — et non élevé pour être lâché quelques jours avant la saison de la chasse. Et, de réputation — comme d’ailleurs dans tous les établissements de Pascal Mousset —, le Petit Marguery est une bonne adresse pour être sûr de consommer des produits éthiques.
C’est donc avec une certaine impatience et un bel appétit que, Michel Bridenne* — mon commensal préféré quand Patrick n’est pas Parisien — et moi-même, nous nous mettons à table.
Notre choix se fait assez rapidement. Faute de grouses (ce jour-là), on ne mangera tout de même pas des merles. Michel opte pour une Poêlée de cuisses de grenouilles en persillade (12 €) et moi pour un Petit chou farci aux escargots de Bourgogne, crème à l’ail doux en entrée (9 €).
Les cuisses de grenouilles sont parfaites, moelleuses à l’intérieur et croustillantes à l’extérieur, la persillade tendrement aillée, le jus délicieux, un vrai régal.
Mon petit chou est également très gourmand, C’est amusant d’ailleurs comme les escargots sont revenus en force en restauration après une certaine éclipse, cuisinés le plus souvent de manière gastronomique sans leurs coquilles et non en poêlon par six au beurre d’ail, comme on ne les trouve plus que dans les brasseries.
Les escargots sont très goûteux avec une consistance idéale, ni mous ni caoutchouteux, la farce du chou et sa garniture aromatique (carottes, persil) est souple et leur convient bien. Frais ou en saumure (choucroute), c’est de toute façon un légume qui s’associe bien avec les gastéropodes. Quant à la crème d’ail, elle n’est point violente et créée un lien d’une suavité bienveillante.
Nous voici ragaillardis, Une petite pause en devisant gaiement et en buvant un verre d’Irancy 2017 du domaine Verret qui se révèle épatant (j’y reviendrai) et voici que nos plats arrivent. Michel a choisi des Ris de veau français dorés au beurre demi-sel, tombée d’épinards et jus court au citron vert (39 €) et moi le Lièvre à la royale et conchiglioni (42 €).
Là encore, les ris de veau sont d’une qualité exceptionnelle et leur cuisson menée au juste point : ni trop, ni trop peu. Ça croustille autour, c’est moelleux dedans. Épinards et petits légumes apportent un contrepoint végétal qui ajoute à la délicatesse du plat.
Le lièvre à la royale est majestueux, joliment dressé. C’est la recette façon ballotine vu qu’il y a deux écoles : le lièvre cuit dans sa sauce façon poitevine dite du Sénateur Couteaux, avec ses os (qu’on élimine à la fin), sans foie gras mais avec force oignons, échalotes et aulx, qui mijote jusqu’à ce que les chairs s’effilochent ; et la recette façon Antonin Carême, lièvre désossé (le fond est préparé à partir des os), farci (farce au foie gras et souvent aux truffes) puis roulé et cuit en ballotine. Il est évident que la version de Carême est plus présentable en restauration même si c’est la méhode poitevine qu’avait choisi Joël Robuchon pour son « chef d’œuvre » quand il fit son tour de France des Compagnons du Devoir, et celle aussi que Bocuse servait dans son auberge.
Encore une réussite au niveau du goût et des textures. Le lièvre a une chair corsée juste ce qu’il faut, la farce qui mêle porc et foie gras est fine et délicate, apportant de l’onctuosité à la chair maigre du lièvre. La sauce est équilibrée, veloutée, et l’accompagnement de conchiglioni et de châtaignes très bien trouvé, relayant bien le côté sous-bois sans dominer les autres saveurs. Une belle prestation.
Sur ce joli repas, nous avons donc bu un irancy à la robe rouge rubis, assemblage de 95% de cépage pinot noir et 5% de cépage César (36 € la bouteille, de mémoire), fin, élégant, fruité (sur les fruits rouges), souple avec du tempérament mais pas trop capiteux pour ne pas rudoyer les fumets à la fois francs et délicats des plats que nous avions choisis.
Un petit dessert pour finir en beauté ? Léger alors. Vacherin au chocolat noir et à la chartreuse verte (9 €) pour Michel et Soufflé au Grand Marnier (9 €) pour moi puisque c’est la spécialité de la maison. Oui, on peut dire que le côté aérien de la meringue et le coté nuageux du soufflé, c’était une manière de clore notre repas en douceur. D’autant que ce n’était pas trop sucré.
C’est donc un très beau repas que nous avons partagé — et le mot n’est pas trop fort puisque nous avons picoré chacun dans l’assiette de l’autre — au Petit Marguery rive gauche. Parce que figurez-vous qu’il en existe aussi un rive droite.
En tout cas, Mégane Pivain, chef exécutif en place rive gauche nous a régalés. Sa cuisine se caractérise par une justesse des cuissons contrastées, la maîtrise de ses sauces et jus, la douceur et la délicatesse de ses assiettes. Un joli style, équilibré et savoureux.
Promis, on reviendra un jour où il y aura des grouses !
* Michel Bridenne est un dessinateur de presse et un auteur de bandes dessinées bien connu.
Au Petit Marguery rive gauche
9, boulevard de Port-Royal
75013 Paris
Tél. 01 43 31 58 59
Courriel : contact@petitmarguery.com
Site : petitmarguery-rivegauche.com
Menu :
1 entrée + 1 plat ou 1 plat + 1 dessert (hors boissons) : 25 €
1 entrée + 1 plat + 1 dessert (hors boissons) 32 €
Menu tout compris (entrée, plat, dessert, 37,5 cl de vin parmi une sélection, 1/2 eau minérale, 1 café) = 41,50 €
Invitation de Pascal Mousset, propriétaire du restaurant