BISTROSCOPE, un livre épatant de Pierrick Bourgault : L’histoire de France racontée de cafés en bistrots
Quel beau livre !
Beau parce qu’il se présente comme un album très documenté avec une très belle iconographie et qu’on a envie de le feuilleter rien que pour regarder les images.
Mais beau aussi parce c’est un livre au sens noble de par son contenu enrichissant qui nous raconte comment bien des épisodes de notre histoire de France se sont fomentés dans des bistrots, des auberges, des cafés, des tavernes, des cabarets, des échoppes, des estaminets, autour d’une table en buvant un verre de vin, de bière, de cidre, d’alcool ou en sirotant un verre d’absinthe.
Et même quand on est féru d’Histoire — celle avec un grand H —, toutes ces petites saynètes nous la rendent vivante, proche, presque comme si nous étions nous aussi attablés avec eux, le verre ou la chopine en main. Un voyage dans le temps qui fait de nous des témoins et non plus seulement des lecteurs.
C’est enfin un livre instructif puisqu’il nous dévoile des séquences insoupçonnables de notre histoire patrimoniale d’un point de vue historique mais aussi l’évolution poulaire de notre société au fil des époques, et ce depuis l’Antiquité.
Ainsi, peut-on se promener (même au hasard) dans ce livre et découvrir des scènes mythologiques, philosophiques, épiques, mystiques, pénétrer dans des auberges médiévales à l’atmosphère de polars où l’on ne rechigne pas à s’égorger si besoin est et où la police, officielle ou secrète, espionne et tend des traquenards ; où l’on apprend que plusieurs de nos poètes — tel François Villon — se sont rendus coupables de grivèlerie ou que les moines — qui ont par ailleurs tant fait pour l’histoire du vin — n’étaient pas les derniers à s’enivrer ; que le protestantisme est peut-être bien né dans une taverne car le commerce des fausses reliques s’y faisait couramment — y compris la fausse relique du groin de cochon de Saint-Antoine, ha ! ha ! une anecdote qui ne pouvait échapper à Greta Garbure — et que, s’indignant de ce commerce de la crédulité, méthode abusive de l’Église romaine, Martin Luther envisagea de la réformer ; que Paris s’enticha des cafés au siècle des Lumières et que beaucoup d’idées politiques ont incubé dans les cafés littéraires ; que la naissance des restaurants changea à jamais la donne ; que les cafés se firent artistiques au XIXe siècle avant de devenir cafés concerts ; que c’est dans les bistrots qu’apparut le jazz américain en 1917 ; que les brasseries alsaciennes firent florès ; que finalement, les bistrots parisiens furent conquis par la disapora d’Auvergne… et mille autres choses encore tant ce livre foisonne de récits et de péripéties. Bref, il raconte tout ce qui fait nos particularités françaises, au plus intime de nos mœurs.
C’est donc un livre touchant, drôle, passionnant, émouvant même car il nous met en mémoire le quotidien de nos ancêtres avec tendresse et humour.
Parallèlement à tous ces petits secrets et anecdotes qui ont façonné, voire changé le destin de notre pays dans l’ombre des salles et arrière-salles, Pierrick Bourgault nous raconte aussi la petite histoire des boissons alcoolisées depuis l’âge des cavernes. Et c’est passionnant.
Plutôt que de faire un inventaire, je vous invite à vous procurer le livre de toute urgence. Je vous conseille même de le commander en plusieurs exemplaires car c’est le cadeau parfait à mettre sous le sapin ou à offrir en guise d’étrennes.
L’auteur
Inutile de vous le cacher, Pierrick est un ami de longue date. C’est un homme de culture sensible, discret, passionné par les arts et les lettres, toujours en alerte, fouineur impénitent. Journaliste et photographe, il a publié une quinzaine de livres sur les bars, buvettes, estaminets et brasseries dont les Guides Paris 200 bars-concerts.
Sans doute cette passion pour les lieux de boissons lui vient-elle parce qu’ « il a vécu son enfance dans le café de son grand-père, à écouter les histoires racontées par les clients, pêcheurs à la ligne, artisans ou poilus de 14-18. Il a hérité d’une tendresse inépuisable pour ces petits lieux de parole aux portes largement ouvertes, ces bouillons de culture qui révèlent leur monde, leur époque ».
Son site : www.monbar.net
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BISTROSCOPE, L’histoire de France racontée de cafés en bistrots
Pierrick Bourgault
Chronique Éditions
Prix :29 €
Format : 22 x 28,5 cm
192 pages
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Un autre livre de Pierrick que j’affectionne
Alors qu’avec l’invasion des téléphones mobiles, se pratique aujourd’hui la religion du selfie, Pierrick Bourgault qui, rappelons-le, est aussi photographe, nous invite dans cet essai à une réfléxion quasi philosophique sur le fait de prendre des photos comme on le fait aujourd’hui, inlassablement. Des photos numériques si nombreuses que cela les rend éphémères — où sont passés les albums de photos de famille d’antan que l’on regardait de temps à autre devant un bon feu de cheminée ? — et par conséquent anodines.
Pire, cela court-circuite nos propres souvenirs car nous avons perdu l’habitude de regarder directement avec nos yeux, notre perception des êtres et des paysages se faisant dorénavant à travers ce nouveau membre de notre anatomie qu’est le téléphone portable — bientot greffé ? — et notre lecture de ces images à travers un écran. La mémoire de notre ordinateur est vive mais la nôtre n’est plus vivante. Il n’y a même plus de nostalgie, seule la capture de l’instant présent compte, même s’il est aussitôt oublié au profit du suivant.
À offrir sans faute avec tout portable !
No photo
Photographions moins pour vivre mieux !
Pierrick Bourgault
illustrations de Christine Lesueur
Éditions Junod, 2018
Prix : 12,90 €