Un restaurant tout pourri ! Première Partie
Quand l’honnête aubergiste se prend pour un chef multi-étoilé…
Quand le tord-boyau trompe et se trompe…
Quand la gastronomie se conjugue au « pas si simple » !
Bref, quand la prétention fait mijoter plus haut que son Kub® !
Il y a ceux qui se voudraient resto Ducasse et qui ne sont même pas resto du cœur.
Certains mériteraient que l’on fasse un détour pour les découvrir, d’autres pour les éviter ! Mais ça, on le sait après…
La façade vous incite à passer votre chemin ou à passer le seuil.
Dès l’entrée, et selon la date des dernières mises aux normes, vous êtes invité à tirer ou à pousser, deux encouragements pourtant bien différents alors qu’on est juste venu se sustenter !
Grâce à la caricature signée Bigard qui nous a déjà régalé de quelques jolies constatations, on sait que l’accueil est souvent annonciateur des péripéties à venir.
Alors que vous auriez souhaité un minimum de discrétion, un tonitruant « Bonjour Messieurs-Dames » fait tourner toutes les têtes et lâcher les couverts. On vous installe avec force prévenance en vous désignant un guéridon branlant qu’on vous calera vers la fin du repas avec un sous-bock de bière. Et puis, vous attendez pendant un bon quart d’heure qu’on vous apporte les cartes. Les voilà qui arrivent et on vient maintenant toutes les 45 secondes s’enquérir de votre choix. Oui, vous avez trouvé l’équilibre entre votre gourmandise et votre raison, votre faim et vos désirs. C’est à ce moment que, malheureusement, » on vient de vendre le dernier navarin d’agneau » mais qu’en revanche, « il reste deux plats du jour, deux très bons tronçons de turbot » dont on ne vous avait évidemment pas parlé auparavant… Bon bah, va pour le turbot mais vous aimeriez changer l’entrée et le vin qui ne s’accordent plus avec le poisson. Alors, l’exaspération du maître d’hôtel commence à poindre… Il range son carnet et son stylo et tourne les talons.
Ça y est, vous vous êtes décidé… Il suffira d’accrocher son regard en gesticulant comme un sémaphore. Encore une légère attente devant… rien et on accepte aimablement de vous apporter… le pain. Enfin, la bouteille de Meursault arrive… mais pas dans le millésime initialement prévu ! Quand vous le faites remarquer, le garçon vous explique d’un air entendu que : « C’est quand même une bonne année ». Ah bon ? 2003 ou 2007, c’est pareil ? « C’est très bon ! » vous assène-t-il en retour. Là, vous sentez que ce n’est pas le moment de lui demander des verres décents plutôt que ces verres ballons aux bords grossiers. Un grand classique ! Sans même demander si Madame souhaite goûter la première, il en verse une larme à Monsieur. Alors, vous lui expliquez : si le vin vous convient, vous boirez et paierez cette bouteille et si elle est bouchonnée, il devra la remplacer. Dans les deux cas, inutile de mégoter pour quelques centilitres de plus ou de moins. Versez donc suffisamment pour que le client puisse se faire une idée juste de ce qui l’attend, autrement qu’en s’humectant le bout de la langue. En revanche, la température… Ça vous vaudra de déjeuner dans une marre de flotte causée par la condensation du seau à glace, presque rageusement posé sur la nappe.
C’est bientôt le moment d’écouter en silence le laïus débité par le chef de rang qui vient interrompre sans ménagement votre conversation futile, forcément futile. Attention : il vous indique l’ordre dans lequel vous devez appréhender, sans commettre une irresponsable et indigne faute de goût, l’œuvre d’art qu’il a posée devant vous. Il vous en donne l’intitulé ainsi que la liste quasi exhaustive des ingrédients qui la composent. On sent qu’on échappe de peu au pedigree complet du personnel en cuisine. Vous vous dites que si vous applaudissiez (un coup de chaleur ?), vous auriez peut-être droit à la photo dédicacée du plongeur ! On vous souhaite une « bonne dégustation » alors qu’avec candeur, vous pensiez seulement déjeuner.
Un serveur dévoué remplit votre verre à chacun de ses passages devant votre table. Au début, vous le trouvez prévenant, puis un peu trop zélé. Au moment où vous tentez de calmer ses ardeurs, la bouteille est vide alors que vous n’avez pas encore fini vos entrées. En levant les yeux au ciel, il vous confirme qu’il n’y a pas de demi-bouteille… Les cheveux, pas attachés, de la serveuse, menacent de tremper dans la bisque alors que son pouce s’y complaît déjà. Heureusement, vérification faite, elle n’a pas de panaris !
Les petits stagiaires de l’école hôtelière du coin vous ont déjà demandé huit fois : « Ça vous a plu ? », comme si c’est auprès d’eux qu’on allait critiquer une cuisson ou un assaisonnement…
« Bonne continuation ! » Grrrr…! Et à chaque nouveau service : « Vous avez fini ? », « C’est terminé ? » alors que vos assiettes sont clairement vides, saucées, limite léchées ! Comme les cuisines à la mode sont maintenant ouvertes, vous pouvez constater que le parfait ordonnancement de vos plats se fait avec les doigts de tous, sans gants bien sûr. Vous vous prenez à espérer que les dessins sur le beurre Bordier ne sont pas faits avec le peigne du commis !!!
Sitôt avalé le café, rarement potable, vous réglez sans satisfaction mais sans surprise non plus, l’addition qui vous a été prestement apportée et quittez l’établissement dans l’indifférence générale. Mais vous avez déjeuné chez « Untel » et vous pourrez donc vous en gargariser durant les prochains « dîners en ville ».
Prochainement, un autre documentaire vous sera proposé qui mettra en scène une espèce aux comportements et coutumes tantôt divertissants, tantôt révoltants : les clients !
Patrick de Mari
P’tit billet d’humeur |
12 mars 2014 @ 7 h 00 min
[…] par le maître d’hôtel ne cache rien de la composition du plat (comme déjà relevé : http://gretagarbure.com/2014/01/28/le-coin-du-donneur-de-lecons-4/). Moi non plus, je n’aime pas qu’on me raconte la fin du film ou qu’on donne le […]
Nat
3 juin 2015 @ 12 h 46 min
Oh my God ! Je viens de lire exactement tout ce que j’ai pensé du dernier étoilé dans lequel nous sommes allé. Le millésime, les stagiaires, le pouce qui trempe……
Merci d’avoir si bien écrit ce que je pensais