« Sweet Little Sixties », roman autobiographique de Jean-Michel Weil… ou quand la décennie de votre adolescence (les années soixante) détermine vos choix de vie
L’homme
Je vous ai déjà fait l’éloge l’an dernier du roman Help ! qui m’avait beaucoup plu pour diverses raisons que j’expose dans la chronique que je vous propose de retrouver à la fin de cet article.
Eh bien, figurez-vous que Jean-Michel Weil a récidivé avec un nouvel opus qui m’a tout autant séduite et émue. Mais avant de vous en narrer plus, je vous refais un petit topo sur Jean-Michel Weil, véritable homme-orchestre, aussi à l’aise aux manettes d’une caméra, d’une guitare électrique, que lorsqu’il a dans ses menottes des pinceaux ou des stylos. Car pendant une quarantaine d’années, notre homme a non seulement été monteur de longs-métrages, producteur et réalisateur de courts-métrages et de plus de 400 films publicitaires, mais il a aussi publié plusieurs bandes dessinées, écrit un scénario de long métrage, publié un roman satirique sur le cinéma et, à ses heures perdues, peint des tableaux qui lui ont valu d’être exposé dans des galeries normandes en 2017 et 2018. Mais ce n’est pas tout ! Amoureux fou de rock’n’roll, parallèllement à ces activités, il est aussi le leader, chanteur et guitariste du groupe de rock’n’roll Rodéo Drive qu’il a créé voici 31 ans et dont ma plus précieuse amie Brigitte Chamarande — vous la connaissez déjà, elle m’accompagne de temps en temps dans mes escapades gourmandes — est la chanteuse (tout en étant également comédienne). Eh oui ! j’ai des amis d’exception.
Le livre
Né au début des années cinquante, Jean-Michel fut donc « teen-ager » — comme on disait à l’époque — dans les années soixante. N’étant pas ce qu’on appelle un des « premiers de la classe » au lycée (c’est un euphémisme), ses parents décident de l’envoyer passer deux mois dans une famille du Sud de l’Angleterre (à Winchester) pendant l’été 1964. Pour Jean-Michel, c’est le choc, la révélation. Car Geoff, son « papa anglais » comme il l’appelera plus tard, est cameraman pour une chaîne de télévision (notamment l’émission fétiche Ready Steady Go !) et, du haut de sa grue, c’est lui qui filme tous les plus grands rockers de la planète. Et Dieu sait si cette décennie en a connu. Car on est alors en plein avènement d’un style de musique qui va révolutionner non seulement la chanson en imposant le rock’n’roll, mais aussi le style de vie des jeunes qui aspirent à bousculer les années d’après-guerres. [Je mets un S à guerres car c’est toute l’Europe et même les États-Unis qui ont subi des conflits, d’une manière ou d’une autre, et ceux qu’on envoie aux fronts, partout dans le monde, ce sont les jeunes.] La jeunesse — la génération du baby-boom — est en quête de liberté après tant d’années pesantes. En France, c’est la période des Trente Glorieuses qui initie le passage à la société de consommation et qui durera jusqu’au choc pétrolier de 1973.
Jean-Michel va accompagner ce père de substitution dans tous ses tournages à Londres et ainsi découvrir les balbutiements du rock anglais… coté scène, y compris pendant les répétitions ! De quoi exulter pour ce tout jeune homme. Mais plus fort encore, après cette première découverte, il va avoir la chance de retourner six étés de suite dans cette famille anglaise et suivra donc de visu toutes les stars de ces sixties, anglaises et américaines. Il en fera son style de vie.
En quatorze chapitres, Jean-Michel Weil nous raconte avec enthousiasme et émotion sept étés anglais qui vont faire de lui l’homme qu’il est aujourd’hui. Il n’occulte même pas ses amourettes façon « À nous les petites Anglaises ! » et c’est irrésistible. Malicieux, çà et là, il entrelarde aussi sa narration de dialogues imaginaires avec des artistes plus conventionnels (osons le mot ringards) ou des yéyés distillant des bluettes pleines de fadeurs et de fadaises, ou encore des personnages historiques, ce qui lui permet d’envoyer quelques vérités bien senties sur une certaine France de l’époque un peu plan-plan, un peu guimauve. C’est irrévérencieux et drôle. Notons tout de même que les débuts du twist que, trop jeune, notre ado de bonne famille n’a pu voir en live au Golf Drouot, sont épargnés, à savoir Les Chaussettes Noires, les Chats, les Pirates, les Vautours… et Johnny Hallyday et son film « D’où viens-tu Johnny ? ».
Allez, je vous laisse en compagnie des Beatles et des Rolling Stones, de Manfred Mann, Billy J. Kramer, Paul Jones, Helen Shapiro, des Kinks, des Animals, de Roy Orbison, des Who, Herman’s Hermits, Litte Steevie Wonder, The Byrds, Cliff Richard, les Yardbirds, swinging Blue Jeans, Tommy Roe Dusty Springfield et tant d’autres car cette liste est très très loin d’être exhaustive.
Si vous avez connu les années soixante et le début des années soixante-dix (no disco, please !) ou si vous en avez rêvé, vous ne pourrez rester insensible à ce livre qui évoquera en vous tant de souvenirs, d’émotions, et peut-être même des rêves de gloire.
Et si vous êtes plus jeune, c’est un livre de mémoire génial pour qui veut connaître l’histoire du rock and roll vu à la loupe, avec des incursions dans le monde du cinéma et un formidable regard sur la société de l’époque.
Sweet Little Sixties
Jean-Michel Weil
Photos Jean-Michel Weil
ÉDILIVRE
Prix : 17 €
www.edilivre.com
Blandine Vié