Passionnante histoire de la cuisine !
Passionnante histoire de la cuisine !
Nourritures terrestres et nourritures spirituelles vont délicieusement de pair. Car l’identité d’un terroir — et donc sa cuisine —, ce n’est pas autre chose que la conjugaison de sa géographie et de son histoire.
La France doit ainsi son héritage culinaire à des myriades de savoureuses petites histoires, anecdotiques ou bien illustres.
C’est ce que tentent de nous raconter ces deux livres, chacun à leur manière.
Une exploration à travers le patrimoine gourmand qui devrait mettre en appétit. Mais…
Oui, l’histoire de la cuisine est passionnante !
Mais on oublie trop souvent que littéralement, le mot passion — qui vient du latin passio = je souffre — signifie action de souffrir, souffrance (la Passion du Christ), vif sentiment (qui fait souffrir), vive affection (soulignons qu’une affection est aussi une maladie).
Et disons-le tout net, notre passion nous a un peu fait souffrir lors de ces lectures…
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Il était une fois… L’histoire de nos plats
Valérie Terrier Robert
Éditions Stéphane Bachès
L’auteur nous explique dans sa courte préface que, piochées aux quatre coins de France, les recettes de terroir ont leurs secrets, issus de hasards de naissance, de coutumes locales, de procédés de fabrication jalousement gardés ou même de rencontres avec des grands de ce monde qui ont popularisé malgré eux les recettes auxquelles ils portaient de l’intérêt.
Mais aussi que la cuisine régionale demeure souvent le reflet des conditions de vie en un endroit et à une époque donnés.
Puis elle nous dévoile les recettes et les secrets de recettes pour la plupart mythiques, comme par exemple : la cervelle de canut, les caillettes, le tablier de sapeur, la quiche lorraine, la quenelle sauce Nantua, la cotriade, les tripes à la mode Caen, la bouillabaisse, l’axoa, le coq au vin, la bullinade, la potée auvergnate, le pounti, le kouingn amann, la teurgoule, le pain d’épices, etc. etc.
Cependant, notre œil vigilant a repéré quelques… curiosités.
En effet, un certain nombre d’explications sont édulcorées, voire inexactes : bouchées à la reine, homard à l’armoricaine…
Certaines recettes ont par ailleurs été simplifiées (bouchées à la reine encore) ou codifiées selon des versions modernisées éloignées de la tradition (aligot préparé avec du beurre et de la crème plutôt qu’avec du beurre et du lait). D’autres sont bien récentes pour être considérées comme patrimoniales : tarte aux pralines, tiramisu (sic) de biscuits roses à la framboise.
Passons sur la sempiternelle faute faite à canelés de Bordeaux qui ne s’écrit pas avec 2 N (même si leur nom vient de cannelure… mais de cannelure en gascon qui se dit canelat).
Passons même sur notre recette fétiche, la garbure, pour laquelle nous aurions préféré que soit donnée la recette originelle, c’est-à-dire la garbure béarnaise, toutes les autres recettes n’en étant que des déclinaisons.
Mais nous avons surtout été déroutés par ce qui nous a paru être de véritables ovnis comme cet étonnant « tajinoffe » (variante de baeckeoffe) ou ce surprenant kougelhopf aux fraises Tagada, recettes dont nous réfutons absolument qu’elles puissent faire partie de notre patrimoine culinaire !
Dommage parce qu’avec ses recettes manuscrites qu’on dirait chipées dans des cahiers de grands-mères, ses notes, ses photos, ses cartes postales, ses souvenirs et autres petits trésors de ménage, la maquette est plutôt réussie et la présentation façon « scrap book » attractive.
Il était une fois… L’histoire de nos plats
Valérie Terrier Robert
Éditions Stéphane Bachès
Prix : 24,50 €
Des Plats, des Hommes dans l’Histoire de France
Sylvain Caruso
Éditions Mines de Rien
Le parti-pris de ce livre est plus original et plus ludique puisque, passionné à la fois d’histoire de France et de cuisine, Sylvain Caruso, comédien de son état, rompu aux célébrités qu’il incarne en prêtant sa voix à des personnages réels ou fictifs lors de doublages de films — c’est la voix de Donald —, est parti de 30 personnages historiques ou célèbres et leur a concocté des recettes en fonction de leurs époques et de leurs personnalités.
On est donc ici dans le jeu et non dans la vérité historique.
Au moins c’est annoncé.
De Charlemagne au général de Gaulle, en passant par Jeanne d’Arc, Henri IV, Louis XIV et quelques autres monarques, mais aussi l’abbé François Bérenger Saunière, Eugénie Brazier, Raymond Oliver ou Lino Ventura, l’auteur nous dépeint succinctement les mœurs culinaires de l’époque et nous livre pour chacun des élus une recette sortie tout droit de son imagination, fantaisiste ou non.
Nous n’aurions pas forcément fait les mêmes choix, mais c’est rigolo. Et au moins, ça sort des sentiers battus.
Bon, juste quelques petites remarques :
– Nous avons désespérément cherché les écrevisses dans la recette du poulet Marengo ;
– On dit cuisseau quand il s’agit d’une viande de boucherie (cuisseau de veau) mais cuissot quand il s’agit de venaison (cuissot de sanglier) : pages 21 et 119.
Des Plats, des Hommes dans l’Histoire de France
Sylvain Caruso
Préface de Paul Bocuse
Illustrations de Michel Janvier
Photographies de Pascal Rabot
Éditions Mines de Rien
Prix : 20 €
Pascal Rabot
30 janvier 2013 @ 8 h 40 min
Bonjour Blandine,
Tout d’abord merci pour cet article, effectivement c’est le côté ludique que nous avons mis en avant. Par contre si je peux me permettre un lien pour le poulet Marengo : http://www.napoleon.org/fr/magazine/plaisirs_napoleoniens/a_table/files/469879.asp?onglet=0
Amicalement
Pascal
gretagarbure
30 janvier 2013 @ 9 h 06 min
Mon cher Pascal.
Il y a des milliers de livres de cuisine… et des milliers de bêtises écrites dedans.
Le livre auquel vous faites référence est un vieux livre de « cuisine de ménage » — ce qui n’est pas péjoratif, le but de la cuisine étant d’abord de régaler les gens pour lesquels on la fait — pas d’historien.
En plus, dans la recette que vous citez, on incorpore aussi des truffes… au mois de juin (date de la bataille), alors que l’appertisation en était encore à ses balbutiements.
Moi je veux bien, mais ça me fait sourire…
Cela dit, à Marengo en 1800, nous n’y étions ni vous ni moi, ce qui relativise les choses.
Mais ce n’est pas parce que c’est écrit dans un livre ou qu’on l’a entendu à la télé que c’est vrai.
Bien cordialement.
Pascal Rabot
30 janvier 2013 @ 9 h 35 min
Effectivement, je suis bien d’accord, mais comment faire ?