Millésime Bio
Comment passer trois jours de rêve quand on est monomaniaque ?
J’ai opté pour le Salon Millésime Bio à Montpellier. Réservé aux pros, s’il-vous-plaît ! Je ne vous aurais pas raconté l’ambiance d’une fête patronale dans un village « in the middle of nowhere » (au milieu de nulle part), cerné par des badauds qui badent. Non, là il y avait de la sélection : du restaurateur intéressé par le vin (si,si,il y en a, pas nombreux, mais y en a), de l’acheteur blasé, de l’acheteur qui achète, du caviste passionné venu de loin, de l’importateur venu d’encore plus loin, du journaliste connu voire très connu, et puis du blogueur inconnu… tiens ! C’est moi, ça !
Parfait accueil des attachées de presse (merci Roxane !), remise des documents indispensables à une déambulation sereine (liste des exposants et bons-pour-déjeuners-gratos), café et pain aux raisins pour ceux qui veulent se détruire la bouche avant d’affronter des milliers de vins à goûter. Et ça coince déjà ! Cette affreuse certitude de ne pouvoir tout déguster. Le doute s’installe : vais-je faire les bons choix, aurai-je le temps de saluer tous les vignerons que j’aime, de rencontrer pour la première fois des jeunes gloires, des stars de demain ? Attention, faudra observer un minimum de discipline : ne pas rester une demi-heure sur le stand d’un copain (domaine de la Prose) ou minauder avec de la belle vigneronne (Laurence, Frédérique, Véro, Fanny, Patricia et les autres…). Mais prendre malgré tout le temps d’évoquer avec Virgile les différences entre le bio-con et le bio-intelligent. Éviter les rosés bruts de cuve qui n’apprennent pas grand-chose et savoir patienter, même fébrilement, quelques semaines encore. Tendre parfois son verre à des bouteilles insoupçonnées venant d’Autriche ou d’Italie. Goûter des vins chics et surtout des vins chocs, ceux qui font taire les bavardages et figent les positions, quand le regard incrédule se concentre sur le vin et devient vite interrogateur : cépages ? Déroulement du cycle végétatif et des fermentations ? Élevage ? Mais aussi tant qu’on y est : nature des sous-sols (« on est bien sur un plateau calcaire, là ? »). Pourcentages de l’assemblage (« Ah 100% mourvèdre, quand même… » ou pire « on sent bien le viognier ! Seulement 5% ? Euh, moi j’aurais dit plus ! »).
Comme on ne pourra pas, la mort dans l’âme aller au Salon des Vins de Loire à Angers, on s’arrête sur quelques valeurs sûres, les sancerres signés Vacheron et les chevernys des Quenioux. Alpagué par Franck et conduit sous la menace, nous tastons de la Savoie et du muscadet et puis, un corbières nous sépare. J’embrasse Caroline pendant qu’Emmanuel n’est pas là.
Il ne faut pas oublier, pour respecter la vérité historique, les litres de vins décevants recrachés très vite, sitôt oubliés. Ils ont un défaut ou sont fermés à double tour, des goûts déviants ou pas de « supplément d’âme ». Mais il faut reconnaître qu’à partir du centième blanc, rosé ou rouge, les papilles ont tendance à se croiser les bras !
Et puis il y a les « off ». Les exposants regroupés ailleurs, dans des châteaux éloignés (aïe !) ou dans un restaurant (des beaujolais de compétition), un bar à vin (incitation à la débouche !), à la mairie même (Vinifilles) dès le dimanche, avant l’ouverture officielle.
Sans oublier le dîner avec Gilles, un négociant somptueux, et les incomparables journalistes Michel et Marc (Jim, David et Hervé n’étaient pas là, mais deux sur les cinq, c’est déjà très bien). Couché tard, levé tôt. Poudre Kontact pour blanchir les dents. Ne pas oublier sa sacoche dans la voiture… Ah trop tard ! Prêt pour commencer une nouvelle journée marathon. Parfois, on serait tenté de se plaindre mais un minimum de décence s’impose : en fait, « c’est que du bonheur » comme on dit dans les émissions de télé-réalité.
Au bout du compte, plein de découvertes, quelques déceptions, et effectivement comme à chaque fois, des cavistes contents, des acheteurs chinois, des blogueurs qui deviennent reconnus, mais surtout des vigneronnes et des vignerons épatants, sincères, courageux, enthousiastes… Alors il faut en parler, leur faire confiance, les pousser en avant dans nos gazettes, blogzines et webmags. Ce sont des héros et leur fréquentation nous rend meilleurs.
Leur humilité est exemplaire, puisse-t-elle être contagieuse.
Ce serait un grand pas pour l’humanité.
PdM