LES JAMBONS IBÉRIQUES
Les jambons ibériques sont issus d’une race de porcs noirs autochtone du sud-ouest de la péninsule ibérique, ultime descendante de la souche méditerranéenne entrepelado.
De taille moyenne, le porc ibérique a une peau pigmentée tirant sur le noir ou le roux, un pelage peu fourni en soies, des épaules, un dos, une croupe et des jarrets musclés, des pattes fines et résistantes dont les sabots ont souvent les ongles noirs, mais pas toujours, d’où l’appellation populaire trompeuse de « pata negra » :
voir http://gretagarbure.com/2013/10/07/appellations-culinaires-3/
Une fois engraissé, il pèse de 150 à 180 kg (170/180 kg, c’est le top). De par ses conditions de vie naturelles à l’état sauvage, en parfaite symbiose avec l’écosystème de la « dehesa », forêt de chênes verts et de chênes-lièges où il se nourrit de glands, d’herbe, de racines et de plantes aromatiques — nourriture abondante à l’époque de la « montanera », mais parcimonieuse le reste de l’année — le porc ibérique a acquis la particularité génétique de stocker les graisses, son métabolisme favorisant naturellement leur infiltration dans la masse musculaire, ce qui a pour conséquence de le maintenir en bonne santé en période maigre… mais aussi de persiller savoureusement sa chair !
Au moment de l’abattage (vers 18 mois), les jambons peuvent recevoir trois qualificatifs différents en fonction de l’alimentation des porcs dont ils proviennent : bellota (nourri aux glands), recebo (alimentation mixte), et pienso, cebo ou campo (aliment compensé seulement, à l’exclusion de glands).
Ils sont d’abord salés pendant huit jours au gros sel marin, opération qui assure une diffusion lente du sel dans la chair et conditionne la douceur du jambon. Puis, pendant deux à trois mois succèdent des phases de sudation et de ventilation pendant lesquels sa chair mature. Enfin, la longue période d’affinage en cave va lui permettre de concentrer ses arômes tout en perdant jusqu’à 35 % de son volume.
L’élaboration du jambon ibérique suit un processus naturel. Le cycle de production doit débuter par les températures les plus froides de l’hiver afin de pouvoir profiter, pendant la phase de séchage, de l’évolution lente et progressive des températures jusqu’à la fin de l’été.
À l’automne, les jambons sont transférés dans des caves naturelles où ils acquièrent les caractéristiques propres au microclimat de la zone d’élaboration (dénominations d’origine). On en distingue quatre :
– D.O. Guijuelo : jambons élaborés dans la province de Salamanque, dans le village de Guijuelo et les environs. C’est l’appellation la plus ancienne. Le processus de salaison de ces jambons étant accéléré grâce au climat sec et froid plus favorable à cette maturation, ils sont généralement un peu plus onctueux et plus doux que ceux des autres zones du sud puisqu’ils restent moins longtemps dans le sel de mer.
– D.O. Dehesa de Extremadura : jambons élaborés dans différentes zones de montagne de la province de Caceres et du sud de celle de Badajoz.
– D.O. de Huelva : jambons élaborés dans la zone de la Sierra de Huelva, au nord de la province. C’est dans cette province que se trouve le village de Jabugo, raison pour laquelle on dit souvent D.O. de Huelva Jabugo. Mais le mot Jabugo employé seul n’apporte aucune garantie.
– D.O. Valle de los Pedroches : jambons élaborés dans la zone de cette vallée, au nord de Cordoue.
Le séchage des jambons est généralement supérieur à 24 mois, pouvant même atteindre 36 mois — ou même 40 à 44 mois, voire 50 mois pour les plus exceptionnels d’entre eux — période d’affinage pendant laquelle ils se bonifient et acquièrent leur typicité.
Tout comme le « serrano », le jambon ibérique est un jambon qui n’est pas séparé du pied, et c’est donc parce que la rétractation des muscles ne peut pas se produire pendant le séchage qu’il a cette forme allongée et aplatie, plus petite toutefois que le serrano en raison d’un séchage plus long. Le jambon doit avoir une forme harmonieuse et peser 6,5 kg minimum. La forme est plus stylisée que celle du serrano, et l’os plus fin. La couenne est elle aussi taillée en V.
À la coupe, le jambon ibérique est facilement reconnaissable à la veinure de la graisse qui lui donne un aspect marmoréen. La couleur de la chair va de rose à rouge pourpre, la saveur est délicate, douce et peu salée, rappelant la noisette, et la texture est peu fibreuse. Des points blancs ou « motas » affleurent parfois à la surface de la chair. Ce sont des cristaux de tirosine qui sont le signe patent d’un affinage lent et naturel.
Quant à la graisse (qui contient un pourcentage élevé d’acides gras mono et polyinsaturés, particulièrement de l‘acide oléique à l’effet bénéfique sur le taux de cholestérol dans le sang), elle est brillante et aromatique, d’un beige soutenu (à cause du carotène contenu dans les glands), si fluide qu’elle fond somptueusement en bouche et exprime alors un bouquet d’autant plus savoureux qu’on sait que la graisse fixe les parfums !
C’est dire si, tranché au couteau en fins copeaux (toujours le couper en s’éloignant de soi !) la saveur puissante de sa chair peut être somptueuse ! Oui, mais…
Oui mais car il y a un mais !
C’est un univers très complexe et il y a eu une telle demande depuis une douzaine d’années que de nombreux abus ont été commis.
Pour commencer, il faut un hectare pour faire un cochon (deux idéalement). Et il faut vint-cinq ans pour faire un chêne prolifique. Or, tous les ans la production de cochons augmente dans des proportions considérables… mais pas celle des chênes ! La superficie de la « dehesa » permet d’élever environ 150 000 porcs en liberté… mais près d’un million de cochons sont produits ! Alors même en respectant un cahier des charges et en traitant aussi les épaules…!
Dans les années soixante, toute cette zone située à la frontière de l’Espagne était une zone défavorisée. Le gland ne valait rien, c’était l’aliment qui coûtait. Aujourd’hui il y a de gros propriétaires, mais la zone reste très parcellisée, et il y a de nombreux ganaderos (éleveurs). Et ce qui coûte cher, c’est la nature, pas le pienso (aliment compensé). Alors on loue des fincas, on achète des glands, on traficote. Certaines maisons ont bien un domaine… mais elles achètent jusqu’à 98 % de leur production à l’extérieur ! Les jambons bellotas sont tous censés provenir de porcs ibériques élevés selon des normes draconiennes (race, alimentation, affinage)… mais pour certains peu scrupuleux, ces normes sont très aléatoires, ce qui fait que se retrouvent sur le marché des jambons aux appellations fantaisistes mais aux prix juteux qui peuvent aller du simple au double, voire plus.
Car pour des raisons de rendement, on procède systématiquement à des croisements — un tiers des porcs est de pure race, deux tiers sont croisés, parfois jusqu’à 75 % (maximum autorisé) — avec des races plus précoces qui ne peuvent pas donner la même viande puisqu’ils n’ont pas la même particularité génétique.
En conclusion
Les prix d’un authentique « jamon ibérico » sont élevés, tout comme le sont les produits d’exception tels que le caviar, les truffes noires et plus encore les truffes blanches, le safran, etc., ou encore, comme certains « grands » vins !
C’est donc un produit qui n’est pas accessible à tous les consommateurs.
On peut le déplorer mais le meilleur a un prix.
Or, la majorité de la production se compose de « jamones ibericos » de moindre qualité.
C’est facile à comprendre : un cochon de pure race élevé en plein-air et ne mangeant que des glands, des céréales et du foin sera forcément meilleur qu’un cochon croisé (parfois au-delà du raisonnable) vivant dans un élevage semi-extensif et nourri à l’aliment.
C’est pourquoi il faut être vigilant !
Car de nombreux producteurs et revendeurs prétendent vous offrir un jambon ibérique à moindre coût… ce qui n’est pas possible ! Sachez donc que ces jambons-là sont forcément moins bons — voire beaucoup moins bons — que les autres. Ça peut-être dû à leur poids (trop faible : moins de 6,5 kg) au moment de l’abattage ou après séchage, à leur mode d’élevage, d’alimentation, etc.
D’autres au contraire profitent du flou artistique actuel pour aligner les prix de jambons bas de gamme sur ceux des jambons qui le méritent !
Et là, il y a tromperie caractérisée.
D’où, vous en conviendrez, l’importance d’acheter en connaissance de cause et de ne pas vous laisser impressionner par des mots espagnols qui ne sont en aucun cas garants de qualité, ni par des noms ou soi-disant labels fantaisistes.
Un revendeur digne de ce nom ne profitera jamais de votre méconnaissance d’un produit (qui plus est étranger) pour vous tromper ! Au contraire, il vous proposera un produit authentique et d’une traçabilité parfaite !
ET DEMAIN : REBELOTE !
JE DIRAIS MÊME RE…BELLOTA !
AVEC LE LEXIQUE DU JAMBON IBÉRIQUE
et un récapitulatif des critères à connaître
pour repérer l’identité d’un jambon ibérique.
Blandine Vié
Pascal Medeville
8 octobre 2013 @ 7 h 17 min
C’est pas humain de livrer des billets pareils à la lecture de pauvres bougres comme moi qui sont à quinze heures d’avion du moindre petit serrano… 😀
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8 octobre 2013 @ 9 h 54 min
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