LES HERBES DU JARDIN
Autrefois l’apanage des marchandes de quatre saisons qui vendaient les « fines herbes » au milieu de quelques salades et légumes primeurs ramassés chez les petits maraîchers de la banlieue parisienne — les transbahutant sur les marchés grâce à leurs voitures à bras — les herbes fraîches n’ont véritablement conquis la gastronomie française que depuis quelques décennies.
En effet, auparavant elles ne voyageaient guère et, à l’exception de ces herbes dites « fines » (persil, cerfeuil, estragon, ciboulette) utilisées principalement pour les sauces verte, tartare, gribiche et ravigote, les autres n’étaient guère utilisées que localement, dans des recettes régionales bien spécifiques : basilic et fenouil en Provence, cousinète (petite mauve) en Béarn, menthe en Corse et dans le Labourd (province du Pays Basque), « herbillettes » (mélange d’herbes dont la ciboule, le cerfeuil et l’hysope) en Poitou, « affaires » (pas moins de 14 variétés d’herbes) en Flandre pour les fameuses anguilles au vert.
Ailleurs, seules les fines herbes et le bouquet garni étaient d’usage courant, la cuisine bourgeoise utilisant parfois quelques-unes d’entre elles pour quelques grands classiques comme la sauce béarnaise, la poularde ou le poulet à l’estragon ou le fricandeau à l’oseille (plante considérée comme une herbe, tout comme l’ortie). Même le persil n’était connu que sous sa variété frisée (persil double), il est vrai très décorative, alors qu’on lui préfère aujourd’hui très nettement la variété simple (ou persil plat), beaucoup plus aromatique.
Car par tradition, les herbes — au même titre que les tisanes — étaient d’abord « médicinales », et faisaient donc plus partie de l’herboristerie que du patrimoine gastronomique. C’est d’ailleurs pourquoi c’est surtout dans les bien nommés « jardins de curés » des couvents et des monastères que les religieux (moines principalement) cultivaient les herbes… héritage des herbes de la Saint-Jean et des herbes amères de la Bible ! Raison pour laquelle également les grandes liqueurs à base d’herbes comme la chartreuse sont presque toujours des créations monastiques.
Aujourd’hui bien au contraire, grâce aux congés payés qui firent d’abord découvrir les cuisines régionales, puis les cuisines exotiques, grâce aussi aux immigrés qui apportèrent dans leurs bagages leurs traditions culinaires et des herbes comme l’origan des pizzas et la menthe nord-africaine, les herbes tiennent une place importante dans notre culture gastronomique, de grands chefs étoilés s’étant même faits les chantres d’une cuisine « herbacée » jusque dans ses desserts ! Ce qui est loin d’être une mauvaise idée puisqu’elles ont souvent des vertus apéritives ou digestives et sont comme la ponctuation subtilement aromatique de notre nourriture !
Bien les conserver
Les herbes aromatiques fraîches se fanent rapidement, aussi faut-il prendre soin d’elles dès le retour du marché. Si le persil peut éventuellement se conserver dans un verre d’eau comme des fleurs (guère plus de 2 ou 3 jours), la meilleure technique de conservation à court terme pour garder les herbes fraîches est de déficeler les touffes ou bottillons, d’ôter les élastiques ou brins de raphia qui meurtrissent les tiges et d’éliminer toutes les branches, brins ou feuilles qui ne seraient pas d’une impeccable fraîcheur.
Ensuite il faut ranger les herbes individuellement (sans les laver) dans des sacs fraîcheur microperforés (en polyéthylène basse densité) munis d’une fermeture à zip. Entreposez les sacs dans la partie basse du réfrigérateur (bac à légumes) ou dans la zone de froid positif. Ainsi protégées, les herbes se conserveront 8 à 10 jours sans problème.
À défaut, n’utilisez pas de sacs en plastique alimentaire ordinaire où les herbes noircissent très vite, mais roulez-les dans des feuilles de papier absorbant ou dans un torchon. N’oubliez pas de les laver avant utilisation. Certaines herbes particulièrement fragiles comme le basilic peuvent être conservées à l’huile : lavez-les, séchez-les, pilez les feuilles avec une pincée de gros sel (pour la couleur) et baignez d’huile d’olive ou préparer un pistou en pilant également de l’ail et en montant la sauce à l’huile.
Pour une conservation à plus long terme, deux procédés peuvent être utilisés : la dessication et la congélation. La dessication est à réserver à quelques herbes qui ne perdent pas leur arôme en séchant : sauge, marjolaine ou origan, et bien sûr les herbes de garrigue comme le thym, le serpolet, le romarin et la sarriette. Il suffit alors de les ficeler et de les suspendre tête en bas dans un endroit sec et ventilé. Attention toutefois car au bout de quelques mois, ces herbes sèches n’ont plus qu’un goût de foin !
La congélation donne de bien meilleurs résultats : dans ce cas, lavez et essorez soigneusement les herbes, ciselez-les feuille à feuille, rangez dans des petites boîtes hermétiques et placez au congélateur. Il n’y a plus qu’à utiliser au fur et à mesure des besoins. Ce procédé conserve aux herbes un réel goût de frais.
ESchon
10 juin 2013 @ 8 h 45 min
Très intéressant comme article (comme d’hab me direz vous). Je me demandais justement ce WE comment je pouvais conserver au mieux ces herbes qui se perdent tellement vite quand on y fait pas attention.
Bernard Pichetto
10 juin 2013 @ 21 h 08 min
Bonjour,
Je crains qu’il ne nous manque, dans le sens où elle ne s’est pas transmise, la connaissance des végétaux utilisés dans les cuissons journalières du menu peuple, de cette immense majorité rurale qui ne faisait pas l’opinion, mais savait…
Il semble établi que longtemps perdura « ta nourriture est ta meilleure médecine » et que la connaissance empirique des plantes environnantes ou installées à demeure, comme le montre bien, l’observation des végétaux subsistant alentour des habitats anciens, ne se limitait pas à leurs usages médicinaux, comme certains le prétendent encore, mais également à des apports gastronomiques, dans le vrai sens de Brillat-Savarin.
La nourriture en millieu rural autrefois pouvait être frugale certes, mais certainement plus riche gustativement que l’on ne l’imagine…
Amicalement,
Bernard.
Reconnaissance du ventre |
21 mars 2014 @ 7 h 01 min
[…] les « herbes du jardin » l’an dernier, où nous vous expliquions comment les conserver : http://gretagarbure.com/2013/06/09/reconnaissance-du-ventre-19/ Cette année, nous allons passer les plus courantes en revue pour inventorier leur […]