LE CHOCOLAT RYTHME LES TEMPS FORTS DE LA VIE
Ponctuation « gourmette » de notre quotidien sous forme de tablettes ou de friandises, de gâteaux conviviaux ou de desserts endimanchés, le chocolat jalonne notre vécu depuis la petite enfance. Il y occupe même une place importante en termes de souvenirs gourmands — ayons quand même l’honnêteté d’avouer qu’il lui arrive parfois d’avoir à disputer cette place aux confitures — puisque c’est bien souvent le chocolat qui procure la première émotion épicurienne !
Plus tard, sa présence accompagne tout naturellement les premiers pas dans la vie : gâteaux d’anniversaire, goûters d’enfants, kermesses, premières boums… et même premières expériences culinaires sous forme de gâteau (de préférence en forme de cœur) pour la Fête des Mères, cadeau qui, soit dit en passant… vaut largement tous les robots ménagers du monde financés en sous-main par l’intendance familiale !
Plus tard encore, à l’adolescence, le chocolat devient complice des premiers émois, servant alors bien souvent d’exutoire et de valeur-refuge quand on n’est pas trop sûr de soi… et encore moins de l’autre ! Aussi, quand vient l’âge adulte, le chocolat fait déjà très largement partie de notre acquis. Ce qui ne l’empêche d’ailleurs pas de rester un vecteur de choix pour véhiculer les séquences fortes de notre histoire familiale et les fixer dans nos esprits, dans la mesure où, bien des années après, quand la mémoire a décanté la longue litanie des évènements de la vie, c’est parfois l’une de ces images un peu prosaïques qui affleure parmi les souvenirs et témoigne aussi bien qu’une photo d’une fête ou d‘une circonstance solennelle : « Ah ! les bonnes tartines de chocolat râpé que nous faisait Grand-Mère quand on allait en vacances en Bretagne ! » ; « Qu’est-ce qu’il était bon le gâteau au chocolat des 10 ans de mariage de Pierre et Marie ! » ; « Tu te souviens, quand on faisait des truffes au chocolat pour Noël ? » ; « Jamais je n’ai retrouvé le goût des caramels au chocolat de Tante Louise, tu sais ceux qu’elle nous faisait envelopper dans des petits carrés de Cellophane le jeudi après-midi ! » etc. etc.
Temps fort que celui de l’amitié également. En effet, de même que le chocolat aide à fixer notre mémoire et articule à sa façon les dates de notre vie, il contribue aussi à fortifier l’amitié. D’une part, parce que le jour où l’on reçoit ses amis, on met presque toujours les petits plats dans les grands… et qu’un dessert au chocolat est souvent le bienvenu dans ce genre d’agapes ! Mais d’autre part, parce que les recettes au chocolat ont, plus que d’autre peut-être, le pouvoir de circuler de main en main — on se les refile entre bonnes copines, ou même entre collègues — ce qui est une manière comme une autre de perpétuer le rite de la tradition orale, de pérenniser l’époque où les recettes familiales se transmettaient traditionnellement par le gynécée (le plus souvent de mère à fille), jusqu’à la génération de 1968 en tout cas. Il est d’ailleurs curieux de constater — coïncidence ou conséquence, allez savoir ? — que c’est à partir des années 70 que les revues de cuisine ont commencé à proliférer, ciblant justement ces femmes en manque de valeurs culinaires qui avaient refusé de regarder leurs mères touiller dans les marmites et qui, quelques années plus tôt, avaient jeté non seulement leurs soutiens-gorge aux orties, mais aussi leurs casseroles !
BV