« La Rose d’Aimée » 2021, un tavel bio de charme pour quelle Saint-Valentin ?
Certes, la Saint-Valentin est devenue une fête commerciale alors qu’à l’origine, c’est une belle histoire qui, comme le chante Michel Fugain, peut commencer sur l’autoroute des vacances, mais plus sûrement encore, remonte à l’Antiquité, comme je vous l’ai narré dans ma chronique d’hier. Mais avec une fin triste, ne l’oublions pas.
Comme je vous le raconte aussi depuis plusieurs années, le côté profusion de cœurs rouges bien saignants pour les midinettes — tiens ! il n’y a pas de masculin pour les amoureux transis et le wokisme n’a pas encore frappé ! —, de jouets sexuels pour les amateurs de performances assistées, de gadgets idiots pour les acheteurs compulsifs, de tee-shirts ou de pyjamas roucoulants de messages dégoulinants de bons sentiments pour les cuculs-la-praline, ou encore, de cadeaux griffés pour rendre ostentatoire son attachement (vrai ou devenu virtuel) à l’autre — montre pour lui, bague ou bracelet pour elle —, voire un voyage (de préférence à Venise), ce n’est pas la tasse de thé de Greta Garbure. Et même si l’on a déjà fait un long parcours ensemble et que l’on peut se permettre des familiarités, offrir une boîte de petites pilules bleues à Monsieur ou une cure de thalasso à Madame, ce n’est guère délicat.
Allons, restent les fleurs, à condition qu’elle ne viennent pas de Hollande par containers — le mimosa, c’est bien aussi — et le vin, meilleur ami de toutes les fêtes et de toutes les joies, et capable même de consoler les tristesses.

Un vin qui présente bien
Pour initier cette semaine où je vais vous présenter des vins agréables à boire à deux, j’ai choisi ce Tavel « La Rose d’Aimée » 2021 des Grandes Serres car il n’y a pas que le champagne. Je n’irai certainement pas jusqu’à dire « Qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse », citation tronquée de ce goujat d’Alfred de Musset dans La coupe et les lèvres (1831) dont on n’a retenu que le second vers — déjà peu digne d’un épicurien — mais qu’il faut lire dans sa complétude pour en mesurer l’odieuse muflerie (pauvre George Sand) :
« Aimer est le grand point, qu’importe la maîtresse ?
Qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse ? »
La bouteille est jolie, avec une étiquette un peu surannée — la guirlande qui entoure le nom de la cuvée n’est pas une guirlande de roses, c’eût été redondant — mais justement capable de plaire aux amoureux de 7 à 77 ans. Ce nom de cuvée, « La Rose d’Aimée », incline tout de suite à l’amour, on s’interroge sur cette Aimée et on la confond fantasmatiquement avec sa partenaire. Quant à sa couleur de lèvres gourmandes, elle fait déjà penser au baiser. C’est une bouteille qui fait voir la vie en rose, qui suscite l’espoir, la promesse.
•
Qu’est-ce qu’elle cache sous sa jolie robe ?
(pour les amoureux inquisiteurs qui posent toujours trop de questions)
Son origine : ce n’est pas forcément la première question à poser à l’autre, ça fait quand même très inspection des Renseignements Généraux. Mais pour un vin, il n’y a pas crime de lèse-majesté, alors allons-y. Située entre Avignon et Châteauneuf-du-Pape, l’AOP Tavel ne produit que du rosé. Élaboré depuis des siècles, le Tavel était le vin privilégié du roi Philippe le Bel et des papes d’Avignon. À l’époque, il était même qualifié de « roi des rosés ». Le climat de la zone est typiquement méditerranéen : les pluies sont minimes et l’ensoleillement exceptionnel, avec une présence très marquée du mistral qui balaye fréquemment les pentes douces des coteaux et les plateaux qui accueillent le vignoble de Tavel. Un cadre engageant pour une belle rencontre.
Sa chair : c’est un assemblage des cépages grenache et syrah, issu d’une sélection de parcelles des trois terroirs de l’appellation, à savoir des galets roulés, des lauzes calcaires et des sables. Et comme c’est la norme à Tavel, c’est un rosé issu de macération et de pressurage avant d’être assemblé. C’est cela qui donne à Aimée sa robe vermillon aux reflets chatoyants, une transparence brillante.
Les parfums dans son sillage : une fois dépucelée et versée dans les verres, on commence par la caresser du regard. La belle dévoile un nez charmeur, gourmand et fruité qui suggère des fruits rouges rafraîchissants comme les graines de grenade. Aimée a la cuisse* légère (ce qui normal pour un rosé issu de macération courte), elle dévoile facilement ses charmes.
* « Cuisse » est un terme un peu désuet pour nommer les traces transparentes qui se forment sur les parois intérieures du verre quand on fait tourner le vin dans le verre. On dit aussi jambes ou larmes.
Le baiser : le premier baiser donne de l’émoi car il est très aromatique (plus que ne l’annonce la couleur rose brique), franc (Aimée n’est pas farouche) et frais, oscillant entre fruits rouges (où l’on retrouve la grenade) et agrumes. Le vin est plus vineux qu’il n’y paraît (il titre 13°). On se promène dans un jardin andalou, à Grenade justement, où la fraîcheur des bassins et des jets d’eau nimbe le charnu des fruits d’une fine rosée. Quand on prolonge le baiser, l’acidulé continue de tempérer la fougue du charnu, ce qui donne un baiser gourmand, charmeur, d’une jolie rondeur soyeuse, qui se termine sur des notes délicates de pétales de rose et laisse un souvenir d’épices douces en bouche. C’est un vin qui se bécote avec plaisir. Bref, c’est un vin consensuel.
•

Alors, pour quelle Saint-Valentin ?
Consensuel ? J’ai dit « Consensuel ? comme c’est étrange !
Le beau mot pourtant que consensuel, du latin consensus qui signifie consentement, accord — ce qui, avouez-le, est plutôt de bon augure pour un jour de Saint-Valentin —, mot qui dérive lui-même de sensus, sens, qui a donné aussi sensuel. Un vin qui est déjà un aveu.
Mais avec qui le boire ?
Cette Rose d’Aimée est un vin qui se décline :
Rosa, rosa, rosam, rosae, rosas, rosa
Rosae, rosae, rosas, rosarum, rosis, rosis
Il peut donc se boire avec toutes sortes de partenaires potentiels.
Mais…
• Si c’est Valentin qui invite Valentine : il pourrait tabler sur une salade d’avocat aux crevettes agrémentée ou non de grains de grenade, et des grenadins de veau avec une purée de potimarron (encore de saison). S’il n’est pas doué en cuisine, il pourrait se rabattre sur des bouchées à la reine achetées chez le traiteur ou des chinoiseries (nems, rouleaux de printemps, raviolis vapeur, poulet au curry, bœuf aux oignons, etc.).
• Si c’est Valentine qui invite Valentin : elle pourrait porter son choix sur un osso buco et son risotto milanaise ou sur un curry d’agneau ou de volaille. Succès toujours garanti.
• Si c’est Valentin qui invite un autre Valentin : au menu, le choix est plus large : thon rouge, poulpe grillé, magret de canard, rognons de veau ou de bœuf, araignée de cochon ou paleron de bœuf grillé. On reste entre hommes. Mais même si c’est un joueur de rugby, il faudrait tout de même éviter la côte de bœuf qui risquerait de provoquer une querelle d’amoureux car l’accord entre viande et vin relèverait alors du rapport de force. Éventuellement, prévoyez deux bouteilles.
• Si c’est Valentine qui invite une autre Valentine : si elle est cuisinière, un curry de crevettes pourrait faire l’affaire. Et si elle ne cuisine pas, ce sera plateau de sushis acheté au Japonais du coin.
• Si Valentin ou Valentine invitent IEL (un/e transgenre ?) : soyez créatif, l’originalité ne lui (luel ?) fera pas peur. Et puis, tant qu’iel ne rebaptise pas le vin Tav…iel !
•
Encore trois petits conseils, tous sexes confondus :
• En fonction des personnalités, des tempéraments et des goûts de chacun-chacune,
il va sans dire que ces catégories sont interchangeables.
Toutefois :
• Pas de tomates-mozzarella en entrée, ce n’est pas de saison.
• Pas de chocolat en dessert ! D’une part, c’est trop banal, et d’autre part,
la belle Aimée n’apprécierait pas.
Choisissez plutôt un dessert meringué (type Pavlova ou avec des pralines)
ou tout simplement des mignardises.
•
Enfin, ne me remerciez pas de ne pas vous l’avoir écrit en écriture inclusive,
y a des limites à mon ouverture d’esprit.
•

Prix : 12,10 €
En vente au domaine et chez les cavistes.
Grandes Serres
Tél. 04 90 83 72 22