« La Marée », spécialités de poissons à Paris 8ème : clacissisme et tradition
Situé au cœur de ce qu’on appelait entre les deux guerres « le quartier russe » car de nombreux émigrés s’y étaient réfugiés après la révolution de 1917, le restaurant La Marée occupe le rez-de-chaussée d’un immeuble art déco signé Labro à l’angle des rues du Faubourg Saint-Honoré et de la rue Daru (à deux enjambées de l’église orthodoxe). Le restaurant a été ouvert en 1963 par Marcel Trompier et a acquis très vite une certaine renommée. Et, pour rester dans le style à la fois de l’immeuble et des établissements chics du quartier des Champs-Élysées, il a été décoré avec des boiseries, des vitraux, des tapisseries, dans un style particulier très cossu. Plusieurs salles en enfilade divisent l’espace bien qu’à peine cloisonnées, le dernier segment étant occupé par une cuisine ouverte — une curiosité dans les années soixante — et il y a deux salons dont l’un au sous-sol. Un grand tableau d’Yves Corbassière (né en 1925) orne la salle principale pour rappeler que malgré ce cadre précieux, on est ici dans une ambiance marine et iodée même si les embruns sont discrets.
Repris il y a quelques années par Pascal Mousset, passionné de gastronomie possédant plusieurs établissements dans Paris, le restaurant La Marée a gardé tout son prestige et sa réputation d’excellence. Il faut dire que Pascal Mousset est signataire de la charte Ethic Océan, association qui milite, avec de grands chefs, pour la préservation des océans et de leurs ressources. Ce qui explique évidemment la qualité des produits même si, bien sûr, on doit au chef Christian Bochaton le joli talent de savoir les mettre en scène.
Comme souvent maintenant, je suis accompagnée par le dessinateur de presse Michel Bridenne, un ami de longue date qui ne dédaigne ni l’assiette ni le verre. Je suis donc en bonne compagnie.
Aussitôt notre choix fait quant à notre menu, nous préférons déguster tout de suite un verre de vin blanc plutôt qu’un apéritif, d’autant que nous avons opté pour un bourgogne blanc, le magnifique chablis premier cru « Forêt » 2015 de François Raveneau, un domaine que j’adore (82 €).
Tendu et harmonieux, sur des arômes de poire et de miel, c’est un vin riche et puissant qu’une bonne acidité équilibre, avec une très belle minéralité, bref d’une fraîcheur cristalline très agréable et une finale subtile et délicate, presque aérienne. Un vin qui nous réjouira tout le long du repas. La carte des vins est d’ailleurs très belle et cinq vins au verre (3 blancs, 2 rouges) sont proposés chaque jour avec les plats du jour, à la carte ou au menu.
Une petite mousseline de haddock à se partager en amuse-bouche nous emporte sur-le-champ — encore qu’on devrait plutôt dire sur-le-sable — au bord de l’océan.
Pour les entrées, notre choix s’est arrêté sur des « Œufs brouillés à la truffe noire tuber melanosporum » (25 €) pour Michel et des « Noix de Saint-Jacques de Normandie rôties, velouté de châtaigne et huile de noisette » (22 €) pour moi. La truffe était généreuse sur les œufs, brouillés comme il faut, ni trop, ni trop peu et les saint-jacques d’autant plus agréables à mon palais que j’en avais encore très peu mangé cette saison. Et la châtaigne est un accord qui lui va remarquablement bien. Quant à la petite mousseline à l’huile de noisette, elle relayait parfaiement le goût intrinsèque de noisette propre à la saint-jacques de Normandie. Bon début, donc !
Pour les plats, après moultes hésitations, mon comparse s’est finalement décidé pour un « Poulpe poêlé, polenta crémeuse, sauce vierge » (36 €) et moi, à défaut de « Filet de sole, mousseline de pommes de terre à la truffe noire » (46 €), suggestion du jour qu’il n’y avait déjà plus, je me suis rabattue sur une « Sole entière (500 g tout de même) à la plancha, mousseline de pommes de terres » (79 €) : la cuisson de ce plat classique en était parfaite, les filets charnus et iodés, cuits juste pour que la chair se détache en feuillets mais sans excès, ce qui aurait remplacé sa souple fermeté (oxymoron que je revendique) par une désolante sécheresse qui aurait alors annihilé les saveurs océanes de ce poisson noble.
Mais, sans conteste, le plat qui nous a le plus impressionnés, c’est le poulpe (photo sous le titre). Des tentacules de belle taille cuits là encore à la perfection, conjuguant une belle fermeté à l’extérieur eu du moelleux à l’intérieur alors que trop souvent hélas, faute d’une cuisson adéquate, le poulpe se révèle caoutchouteux. De surcroît — j’ai failli dire de suroît —, la garniture de polenta crémeuse lui apportait un contraste de textures très plaisant. Un plat magistral que j’aimerais regoûter à l’occasion.
Sole meunière 500 g, à la plancha © Greta Garbure
L’usage étant de terminer par une douceur, Michel choisit d’emblée une « Mousse au chocolat noir grand cru, citron et gingembre» (12 €) et moi une « Île flottante aux agrumes, crème anglaise » (12 €). Nous n’avons plus assez faim ni l’un ni l’autre pour « L’éclair La Marée aux marrons (14 €) qui m’aurait pourtant bien tenté, ni le « Généreux mille feuille La Marée » (15 €), spécialités de la maison. Eh bien, ne regrettons rien, la mousse, très dense et veloutée était exceptionnelle et mon île flottante avec une crème anglaise maison très goûteuse. Jolie point d’orgue, assurément.
Ce fut donc une parenthèse très agréable que ce repas, une balade vivifiante en bord de mer qui a rechargé nos accus comme il fallait en cette période de grèves.
Une adresse sans nul doute parmi les meilleures à Paris pour déguster poissons, coquillages et crustacés de qualité bien apprêtés.
Notons encore que si vous accompagnez des amateurs de produits de la mer mais que vous-même préférez la viande, il y a quelques belles pièces à la carte (bœuf et agneau).
Enfin, même si les prix sont corrects eu égard à la qualité des produits, surtout dans un quartier où de très beaux établissements se côtoient presque à touche-touche, La Marée vous propose des menus à 31 € (1 entrée + 1 plat ou 1 plat + 1 dessert), à 37 € (1 entrée + 1 plat + 1 dessert) et à 29 € (1 plat + 1 verre de vin (12 cl) + 1 café. Valable uniquement du lundi au vendredi le midi.
Et puis, comme nous sommes encore en période de fêtes, je vous joins un aperçu des menus de la Saint-Sylvestre et du jour de l’An. Réservations évidemment obligatoires.
La Marée
258 rue du Faubourg Saint-Honoré ou 1 rue Daru
75008 Paris
Tél 01 43 80 20 00 (réservations)
Ouvert du lundi au dimanche de 12 h à 14 h 30 et de 19 h à 22 h 30
Courriel : contact@lamaree.fr
Site : www.lamaree.fr
Invitation du propriétaire