La course à l’échalote
Tout comme la cuisine qui évolue avec le temps — car nous ne vivons plus comme au XIXe siècle, ni même comme au XXe et n’avons plus les mêmes rythmes de vie ! — il est normal que la langue dite « de Molière » évolue elle aussi.
Après tout, on n’est pas non plus au XVIIe siècle même si les messieurs Jourdain, les Tartuffe et les Précieuses ridicules sont toujours d’actualité et pullulent sur les réseaux sociaux, et que relire Jean-Baptiste Poquelin (Molière pour les intimes) est toujours un régal !
MAIS DIOU BIBAN, L’ÉVOLUTION N’OBLIGE PAS À ÊTRE ICONOCLASTE NI À RENIER SON HÉRITAGE !
Alors, je veux bien qu’il y ait des réformes de l’orthographe — pardon, disons plutôt des révisions puisqu’il paraît que le mot réforme est impropre ! — et qu’on simplifie à outrance pour une génération qui ne sait plus ce que sont l’étymologie, les racines grecques et latines ni l’orthographe usuelle.
Une génération qui ne sait donc pas que le mot « orthographe » signifie « écrire selon la règle », du grec orthos = droit, exact, et graphein = écriture. Même s’il y a eu corruption de ce mot en cours de route puisqu’il devrait théoriquement s’écrire « orthographie » pour être tout à fait correct.
C’est ce que je disais en préambule : chemin faisant, un mot peut avoir des fluctuations, des dérapages voire même des inversions. Mais c’est le fait de sa généalogie et c’est justement ce qui est passionnant.
En revanche, décider de modifier l’orthographe de certains mots parce que le niveau d’apprentissage d’une société est en recul, c’est désastreux. C’est renier son identité c’est-à-dire son origine, son passé, son histoire, ses particularités… ce qui revient à abâtardir son avenir !
Aujourd’hui, on préfère uniformiser à l’intention des mal comprenants et surtout de ceux qui ne veulent faire que peu d’efforts pour comprendre ou s’approprier une culture qu’ils regardent pourtant avec bienveillance quand il s’agit de jouir de ses avantages.
Certes, on nous rebat les oreilles pour nous dire que ce ne sont que des suggestions, que ce n’est pas obligatoire, que tout ça a sa raison d’être et que l’usage prévaut. Bien !
Alors je m’étonne que cette « réforme » de 1990 qui a mis 25 ans pour être appliquée tant elle était saugrenue n’ait pas avalisé le mot ÉCHALOTE avec 2 T, comme cela s’écrit À TORT sur 95% des cartes de restaurants et des ardoises des primeurs !
Bon, je ne vais pas dire que je suis déçue par le fait que ceux qui ont pondu cette réforme aient « oublié » cette perle, mais je voudrais dire que la richesse de la langue française est telle — sans même parler des vocabulaires corporatifs, vernaculaires et de la langue verte qui l’enrichissent encore — que l’amputer de quelques lettres ou de quelques accents pour la rendre plus accessible, ça me paraît d’une démagogie douteuse. Diou biban !
Au fait, ça vous intéresse de savoir pourquoi on dit « la course à l’échalote » ?
Même si l’expression est d’origine inconnue, le mot échalote est ici à rapprocher d’oignon — non, je n’écrirai pas ognon ! — mot qui, en argot, désigne l’anus ou, plus euphémiquement les fesses. Et ce, d’autant que l’échalote s’est longtemps appelée « oignon d’Escalon ».