La bouteille de madiran a 50 ans !
50 ans, l’âge de la maturité dit-on à un auteur à succès, à l’actrice célèbre qui a dû accepter son premier rôle de grand-mère, à l’ancien sportif qui ne met plus un pied devant l’autre.
Ici, c’est autrement plus important : 50 ans que le vin a été mis en bouteille pour la première fois à Madiran et plus précisément au château d’Aydie. Ici la maturité, elle se manifeste tous les ans en octobre et plus tard encore pour les pacherencs moelleux. Tous les ans, les vins sont de là, de ce paysage, de ce pays pas sage mais tellement respectueux de ses enfants. Ils lui ressemblent : francs, généreux, enthousiastes mais aussi polis, fidèles, sensibles.
L’histoire raconte que le grand restaurateur d’Auch (le même qui a « inventé » le magret de canard et qui n’est pas pour rien dans le développement du cépage blanc des côtes de Gascogne, le colombard), André Daguin est venu à Aydie sur le conseil d’un ami. Il a goûté, a aimé, a commandé et payé d’avance 4000 bouteilles. Alors, pour la première fois en 1963, Pierre Laplace a mis le vin en bouteille ! Aujourd’hui la famille au sens large est réunie pour célébrer cet âge de raison : les voisins, les amis, les clients, les employés, les bénévoles.
À notre époque, révoltante ou désopilante selon les humeurs, il est rare de faire partie d’une assemblée aussi disparate et de rencontrer autant de sourires, d’élégances naturelles et de sincérité dans les échanges entre amateurs et pros du vin.
Le temps à peine clément n’a pourtant rien favorisé, c’est le micro-climat habituel du château qui nous réchauffe l’âme et le reste.
Bien sûr, il y a les vins ! Une gamme complète comme on n’en trouve rarement ailleurs :
Les jeunes et friandes côtes de Gascogne signées Aramis, la fraîcheur des étiquettes Laplace, l’Odé d’Aydie qui montre à qui veut bien les voir toutes les valeurs du Madiranais. Et puis les grandes bouteilles du château d’Aydie d’une robe aux reflets presque bleus pareille à une aile de corbeau, des arômes de cassis, de mûres, de myrtilles, des tanins d’une extrême finesse et une grande longueur en fin de bouche. Si l’on devenait subitement raisonnable on les attendrait quelques années de plus. Les pacherencs secs sont précis et leur approche pas racoleuse pour deux sous.
Enfin, il y a les moelleux pour quand vous êtes en manque de cette douceur qui nous fuit parfois. Tout en légèreté à l’apéritif, certains autres ont aussi la vivacité et l’onctuosité qui appelle les tartes aux fruits d’été, les tourtières aux pruneaux ou aux pommes, les gâteaux basques…
Les liquoreux, plus denses, plus concentrés font envie à l’heure du thé. On débouche alors un petit flacon de 50 cl, format idéal pour deux amis, deux amants… L’ivresse restera discrète, n’empêchera rien et autorisera tout !
Mais il n’est pas temps de s’égarer, le programme du week-end est chargé. Dégustations comparatives de millésimes anciens et actuels, repas conviviaux, discussions enflammées et toujours en couleurs. Ici, on chante et on danse quand on se parle mais à pas feutrés et à voix mesurée : on est à la fois de la Gascogne et du Béarn… Le mousquetaire est réservé mais toujours chaleureux, en tout cas dans cette famille exemplaire.
Pierre Laplace est présent dans tous les cœurs et, de table en table, on guette le regard bienveillant qu’il pose sur chacun de nous. Le patriarche a passé la main à ses quatre enfants mais il occupe leurs pensées car il est le gardien reconnu des origines du madiran moderne. Des virages ont été pris, des nouveautés se sont imposées, la maison est plus que jamais solide et fière, après avoir résisté aux périls du temps qui passe, des intempéries et même du feu.
On ne peut s’attarder à ses rêveries comme on le voudrait car il y a encore de l’ouvrage : un grand concours d’assemblage à partir de quatre bouteilles muettes, issues de sélections parcellaires et d’origines diverses de la propriété. J’espère avoir été plus pertinent comme membre du jury que comme winemaker !
Remise des prix, palabres et tertulias, c’est l’heure de passer à table et puis de dormir. Le Maydie, une mistelle de rêve, un raisin mûr muté à l’alcool façon porto, favorise l’endormissement rapide et les nuits complètes !
N’étant pas très sûr d’être libre pour le centenaire, j’ai apprécié chaque moment de communion avec cette terre et ses fruits, ses vins, ses gens qui rendent heureux d’être là !
Patrick de Mari
Jeux de quilles |
20 mars 2014 @ 7 h 05 min
[…] Et puis aussi, les madirans du château d’Aydie : je ne vais pas rabâcher tout le bien que j’en ai déjà dit çà et là : « J’adooore le pigeon ! » (http://gretagarbure.com/2013/02/22/reconnaissance-du-ventre-5/) et « La bouteille de madiran a 50 ans ! » (http://gretagarbure.com/2013/11/23/lieux-de-vie-lieux-du-vin-3/). […]