L’Amicale du Gras
Vous le savez, chez Greta Garbure, le gras ne nous fait pas peur. Bien au contraire, nous le vénérons car c’est lui qui fixe le goût et le goût… c’est la vie !
Aussi ne pouvons-nous que louer une initiative qui lui rend bellement hommage à une époque et dans une société où on le traque comme un ennemi et où l’on voudrait, au nom d’une ingérence moralisatrice toujours plus invasive, nous imposer à coup de messages sanitaires insidieusement matraqués du soi-disant politiquement correct alimentaire, à savoir du toujours plus allégé, du toujours plus light, comprenez du 0% de matières grasses.
Messages qui font pourtant le beurre — du beurre ? quelle ironie ! — des multinationales de l’agroalimentaire et de ses huiles — de l’huile ? quelle ironie ! — et de tous les charognards périphériques qui gravitent autour de cet Eldorado et s’en mettent plein les poches : publicité, marketing, agences de com chargées de nous faire peur, industries pharmaceutiques dont la vocation est de nous vendre (cher) des produits de substitution, charlatans et gourous de la diététique, succédanés de littérateurs qui se font les chantres d’un goût falsifié.
Tout en occultant la longue litanie des gras sournois qui engraissent — engraisser ? quelle ironie ! — bien plus maléfiquement les consommateurs, qui plus est à leur insu, tout en permettant à ces grands manitous de la bouffe de se gaver — se gaver ? quelle ironie ! — et d’engraisser concomitamment — engraisser ? quelle ironie ! — vite et bien leurs comptes en banques en réduisant au maximum les coûts de fabrication par l’introduction de diverses saloperies dans leurs productions.
Oui, toute une bande de manipulateurs aux postes de commandes voudrait nous faire croire que du gras de cochon, c’est bien plus nuisible pour la santé que l’huile de palme instillée dans toutes leurs cochonneries industrielles : cochonneries ? oh ! non ! cochon magnifique, tu ne mérites pas cette prise en otage linguistique !
N’écoutons donc pas ces discours mensongers et revendiquons plutôt le droit au gras. En saluant par exemple cette offensive régalante qu’est l’Amicale du Gras !
C’est le 20 avril 2013 que L’Amicale du Gras, association loi de 1901, a vu officiellement le jour (publication au Journal Officiel de la République Française). Cette association a pour objet « la promotion du goût, de la bonne chair et de la ripaille, sans gêne, sans peur et sans reproche. »
Notons au passage la malice avec laquelle ils écrivent « bonne chair ». Bonne chère nous aurait également contentés mais apprécions l’hommage appuyé à Rabelais.
En réalité, il y a presque 30 ans (en 1986) que l’Amicale du Gras a été fomentée par Frédérick-Ernestine Grasser-Hermé, dite « FeGH », qui se présente comme « penseur en nourriture ». Elle fédérait déjà une bande de copains tous addicts au gras.
De fait, l’Amicale du Gras réunit les amateurs du gras qualitatif, du gras brut, du gras authentique, du gras réconfortant, du gras patrimonial, du gras du lard qui donne son âme à la soupe, du gras qui rend moelleuse la viande qu’elle persille tendrement ou qu’elle protège d’un rempart de douceur à l’instar de l’amour maternel, du gras de cochon de lait qui rissole et embaume, du gras de jambon ibérique qui fond dans la bouche, du gras qui jute de la peau croustillante du poulet, du gras qui donne son identité au confit, du gras d’un poisson qui, sans lui, aurait goût de buvard, du gras qui fait l’onctuosité d’un fromage, du gras foisonné d’une crème délicieusement fouettée, du gras d’une motte de beurre débonnaire ou d’une huile d’olive de qualité, et même de la sensation de gras qu’on retrouve dans un vin et qui le bonifie !
Comme dit la sémillante, l’hyperactive et atypique égérie qu’est FeGH : « Notre matière grise est aussi une matière grasse puisque notre cerveau, qui est l’organe le plus gras dans le corps humain, a besoin quotidiennement de douze grammes de matière grasse. »
Vous imaginez bien que Greta Garbure ne peut que cautionner ce genre d’initiative à la gloire du gras puisqu’il ne s’agit pas de bêtement se bâfrer mais de rendre un hommage qui confine à la philosophie.
L’Amicale du Gras réunit ses membres deux fois par an pour un repas d’anthologie et remet un trophée (sculpté par la talentueuse Annouck Dupont) à un restaurateur partageant cet amour. L’Amicale du Gras a aussi une mascotte : le cochon Jean-Marcel !
Ayant eu l’insigne privilège de participer à ces déjeuners, je ne peux résister à la tentation de vous donner un aperçu du dernier, qui a eu lieu à la « porcherie » Liberté, chez Benoît Castel, un lieu que je vous recommande chaudement (150, rue de Ménilmontant, 75020 Paris).
Le lieu fait aussi boulangerie — le pain y est absolument délicieux ! — et il y a l’intérieur des fours à bois d’une grande beauté :
Et jetons tout de suite un coup d’œil aux pains faits maison :
Mais passons maintenant au menu, qui, comme dit FeGH… est à lire avec suint !
Prenons d’abord l’apéro avec un verre de côtes catalanes « Les Petites sorcières » 2013 d’Hervé Bizeul, ou de Menetou-Salon La Tour Saint-Martin 2013 des domaines Minchin, tout en picorant quelques mignardises plus ou moins cochonnes :
Mais, cochon oblige, poursuivons avec le plat de résistance, des coustous de noir de Bigorre grillés :
Nous avons escorté ces cochonneries d’un festival de légumes-racines délicieusement cuits au four et accompagnés d’un beurre qui pleure et d’un beurre aux herbes savoureux :
Côté glou-glou, deux rouges épatants ont arrosé ces réjouissances : le bourgueil 2011 « Les Perrières » de Pierre et Catherine Breton et le côtes-du-Roussillon 2011 « Le clos des fées » d’Hervé Bizeul, avec des verres généreusement remplis par mes voisins de table :
Enfin l’insolite dessert, élaboré lui aussi avec une touche cochonne (du bacon grillé) par le maître de maison :
Avouez-le, après ce repas cochon s’il en est, on ne peut qu’admirer le travail des artistes :
Et puis, comme il est l’heure de nous quitter, repartons tous avec une petite gâterie : un sablé cochon !
Bon… rendez-vous en octobre !
Blandine Vié
MAYOL
12 mai 2015 @ 10 h 31 min
Bravo pour ce très joli résumé en mots et images d’un déjeuner cochon exceptionnel !!!
VIVE LE COCHON, VIVE LE GRAS, VIVE L’AMICALE, VIVE LA FRANCE !