Jolie dégustation au « V » : Château Soucherie
Château Soucherie
(Anjou – Val de Loire) :
j’en veux dans ma cave !
Il y a des jours bénis des dieux même quand on est treize à table !
Vous imaginez : mon ami Olivier Poussier (Meilleur Sommelier du Monde) qui m’invite au George V pour découvrir les vins de Château Soucherie (Anjou – Val de Loire), un domaine que je ne connais pas. Ça ne se refuse pas ! On est en petit comité : lui, Roger-François Beguinot, le propriétaire du vignoble, Thibaud Boudignon, le vigneron maître de chai, et dix journalistes.
Mais posons d’abord le cadre : le « Cinq », le restaurant doublement étoilé de l’hôtel Four Seasons.
Personne n’ignorant plus à quel point j’adore les bistrots, on ne pourra pas m’accuser de flagornerie, mais ce restaurant est vraiment magnifique et je suis sous le charme à chaque fois que j’y vais (3 fois en un an, ce n’est pas non plus ma cantine). Les ors sont discrets, les compositions de fleurs éblouissantes — et, détail qui a son importance, jamais perturbantes pour l’olfactif (ce qui n’est pas le cas partout) —, les tables joliment dressées avec l’apparat des beaux dimanches à l’ancienne. Le tout nimbé par une lumière que les hautes portes-fenêtres voilées donnant sur la cour intérieure rendent blonde. Bref, on est bien.
Mais ce que j’aime particulièrement dans cette maison, c’est l’accueil et l’atmosphère. Éric Beaumard, directeur du restaurant (et sommelier de renom), vous reçoit comme personne, toujours affable et drôle. Il aurait dû être comédien ! Quant au personnel de salle, il est toujours souriant mais avec une vraie bonne humeur jamais forcée. Je le pense vraiment. Ça, c’est dit !
Et bien sûr, pour ce qui est de la cuisine d’Éric Briffard, elle est tout simplement — et j’insiste sur le « simplement » — évidente. Je veux dire par là que le travail du cuisinier — que l’on devine immense — n’altère jamais la vérité du produit. Il y a une réelle créativité, une « patte », mais sans jamais ces fioritures « french-chichis » que beaucoup d’établissements gastronomiques se croient obligés de rajouter pour épater le chaland fortuné. Bon, ça, c’est dit aussi !
Regardons plutôt le menu salivant qui nous a été concocté :
Pour nous préparer le palais, nous attaquons avec un anjou blanc 2011 « Blanc-Ivoire » (cépage chenin) qui va nous être également servi sur les amuse-bouche et la « chair de tourteau ». 2011 étant le premier millésime de la maison qui a été reprise en 2008 par la famille Béguinot. Ce qui me frappe d’emblée, c’est la pureté, la fraîcheur du vin. Sa « buvabilité » dit Olivier. C’est vrai qu’il est désaltérant, équilibré, pas d’une folle exubérance aromatique (donc pas racoleur) pour un vin d’apéritif, mais sa complexité, sa tension, sa précision et j’ai envie de dire sa sobre austérité me plaisent. Je suis agréablement surprise par la patine apportée par le boisé qui me fait fuir quand il est agressif. À table, il dévoile une petite pointe de réglisse sur les préambules que sont la « mousse de melon et de poivron », le « poulpe laqué » et le « poulpe mariné aux petits légumes », puis sur l’entrée, et surtout, une minéralité, une salinité et une légère amertume (sur le tilleul) en fin de bouche que j’adore. Typiquement « mon genre » de blancs ! Et l’accord avec les mets est très réussi. Olivier précise qu’une garde de 10 à 15 ans est possible, ce qui lui apportera de la souplesse en plus de ses qualités actuelles. À mon avis à moi — plus humble évidemment — un grand blanc sec fait pour la gastronomie.
Mais continuons avec le savennières 2011 « Clos des Perrières » destiné à accompagner le « homard pêché au casier des îles de Chausey/Bréhat ». Sa personnalité bien définie malgré sa prime jeunesse — il est déjà mûr, souple, confit — le rend sans doute plus facile d’accès. Son potentiel est de 10, 15 ou même 20 ans ajoute Olivier qui insiste aussi sur l’énergie du vin, son amplitude, sa sapidité, les amers minéraux. La touche de fenouil du plat a été ajoutée pour relayer le vin et c’est vrai que ça fonctionne, comme ça aurait pu marcher aussi avec un risotto à la truffe blanche, des langoustines, des chipirons.
Avec l’« Échine de cochon ibérique grillée teriyaki, oignon roussi et cèpes caramélisés », nous passons au vin de pays du Val de Loire « Rouge Carmen » 2012 (50% gamay, 25% grolleau, 25% cabernet-franc) dont le pulpeux du fruit, la jutosité, la sensualité et les notes poivrées de la finale me séduisent immédiatement. Un vin de plaisir, non filtré, tout en rondeur et qui épouse parfaitement le contenu de nos assiettes. Thibaud Boudignon en dit que « c’est plus un esprit de vin qu’un assemblage » ! Moi je vous dis : on s’encanaille, on s’encanaille ! On dirait du velours qu’on caresse à rebrousse-poil ! Tout ce que j’aime !
C’est pas tout ça mais nos agapes ne sont pas terminées. On poursuit avec une « noix de ris de veau de lait et des girolles étuvées à l’abricot » et un coteaux du Layon Chaume 2010. J’avoue que l’accord est somptueux (avec le ris et les abricots) et moi qui n’ai pas une appétence particulière pour les moelleux, j’en apprécie la bouche suave mais sans excès de sucre, l’amplitude et surtout sa tension acide qui lui donne du caractère et évite le côté « mou » que je n’aime pas dans ce type de vins. Je suis bluffée.
Pour clore cette symphonie, voilà une « arlette caramélisée aux fraises des bois » sur laquelle nous buvons un cabernet d’Anjou 2012, un vin dont généralement je me détourne à toutes jambes. Eh bien là encore, jolie surprise : presque perlant, très aromatique, complètement sur le fruit rouge, délicieusement croquant, il est d’une grande fraîcheur et se laisse boire avec beaucoup de plaisir. Je n’en reviens pas !
Maintenant, faut que je vous parle du domaine : une propriété de 36 hectares située sur un coteau schisteux orienté au sud et abrité des vents du nord, à la limite de Beaulieu-sur-Layon, et qui bénéficie donc d’un micro-climat. Un domaine entièrement restauré avec des matériaux d’origine et qui propose aussi des chambres d’hôtes, plusieurs espaces dédiés aux événements privés et professionnels, un atelier dégustation, une boutique cadeaux, etc.
Thibaud Boudignon précise que c’est une propriété « à la bordelaise », en ce sens que 24 ha de vignes sont répartis autour du château, « ce qui nous permet d’être très réactifs quand des traitements s’avèrent nécessaires ». 4 ha représentent le vignoble de Chaume et 2 ha la parcelle « Clos des Perrières » en Savennières (surnommée le « Jardin »).
Les vendanges sont toutes effectuées à la main afin de préserver la qualité des raisins. Et comme dit le passionnant maître de chai : « Les vignes sont préparées dès la taille à certains vins. » Il considère aussi que : « au moment de la cueillette, il y a 100% de potentiel et 90 % au moment de la mise en bouteilles, chaque opération étant soustractive. » Thierry Boudignon est également captivant quand il parle d’avoir un parc à bois cohérent sur une propriété. Il aime particulièrement les fûts de 500 hectolitres : « une contenance que je comprends ». « Notre philosophie globale est de faire travailler des petits artisans tonneliers qui viennent goûter sur place. Et pour la chauffe, on préfère une température très basse, mais très longue (3h). Un fût, on l’accompagne pendant 3 ans, il se patine. »
Bon, je ne vous explique pas la fabrication du cabernet d’Anjou mais j’ai tout compris !
Enfin, quand je vous aurais dit que les prix de ces vins (à la propriété) sont tout doux : 9,90 € l’anjou « blanc-ivoire », 18 € le savennières, 9,90 € le « Rouge Carmen », 25 € le chaume et 6 € le cabernet d’Anjou, je crois que je vous aurais presque tout dit ! Sauf que si j’avais la place, j’en commanderais tout de suite 2 caisses de chaque !
Bon, j’entends le ricanement vengeur de mon partenaire de jeux textuels (qui n’était pas présent) : « De toute façon, tu n’as pas de cave ! »
Et non… hélas ! Ce qui est bien dommage.
Mais comme nous a joliment dit l’un des serveurs en nous apportant nos assiettes alors qu’en discutant avec mon voisin et moi, nous l’entravions dans sa démarche : « Excusez-moi, je suis porteur de bonnes nouvelles ! », j’espère moi aussi avoir été porteuse de bonnes nouvelles !
Merci Roger-François Beguinot, Merci Thierry Boudignon, et bien sûr… merci Olivier Poussier !
Blandine Vié
Domaine de la Soucherie
49750 Beaulieu-sur-Layon
Tél : 02 41 78 31 18
www.soucherie.fr
Mag à l'eau
18 septembre 2013 @ 18 h 32 min
J’ignore si j’apprécierais le décor, mais les assiettes et les vins me font bigrement envie.
Qui plus est, face à un barbu pas dégueu à regarder… heum, pardon, je m’égare.
sarorene
20 septembre 2013 @ 7 h 25 min
Bravo pour cet article de la part d’un humble amateur de vin et de bonne chair je me rend compte de ce que la gastronomie est tellement vaste et remplie de surprises les plus agréables les unes que les autres merci.