Foireux vins d’automne
FOIREUX VINS D’AUTOMNE
Fantaisie caricaturale
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Avertissement
Oyez ! Oyez ! Cette chronique est évidemment parodique !
Parce que le rire est le propre de l’homme — et par ricochet grammatical de la femme, il va sans dire, je ne voudrais pas m’attirer les foudres de quelques féministes enragées, à moins bien sûr qu’il ne s’agisse de foudres remplis de vin —, Greta Garbure accueille aujourd’hui dans ses pages la chronique un rien déjantée d’Anne Onim, célèbre chroniqueuse sévissant dans les meilleures revues spécialisées. Pour Greta Garbure tout spécialement, elle nous confie quatre de ses récentes dégustations pendant les foires aux vins : un rouge, un blanc, un rosé et un champagne.
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Vieux Château du curé, vin rouge offensif de la vallée du Rhône méridionale
Sa robe: purpurine aux reflets violacés, elle est si dense et si sombre qu’elle ne laisse apercevoir aucun jupon par transparence, comme un taffetas (tissu n’ayant ni envers ni endroit ses deux faces étant semblables) lourd et sans nuances. Une robe empesée, donc.
Son nez: c’est un vin à fort tempérament qui a du poil sous les bras et ça se sent. On y renifle le caillou chaud, la garrigue sèche qu’un vent brûlant a violentée de sa torride haleine tout le long de la vallée méridionale du Rhône, et jusqu’à la sueur des vignerons qui ont cueilli les grappes sous le soleil de Satan.
Sa bouche: assemblage des 8 cépages rouges autorisés — c’est pas sage ! — cette cuvée en a aussi dans le pantalon, au point peut-être d’entraver la marche du liquide à travers le gosier, je veux dire le glougloutement. Sa trame est en effet serrée à la clé de 12 et ses tanins capitonnent les muqueuses comme un enduit prépare un mur avant des travaux de peinture. Il décape tout sur son passage et dès le troisième verre, il décalamine toute la tuyauterie. À déconseiller comme vin de messe malgré son appellation.
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Vin de pays du Languedoc cépage chardonnay, blanc consensuel
Sa robe: la belle dame a mis une jolie robe couleur de temps, en l’occurence d’un clair soleil de fin de matinée, comme une topaze aux reflets verts. On la dirait assortie aux soieries satinées tendues dans le manoir fin XVIIe siècle autour duquel d’obstinés ancêtres ont eu l’audace de planter des vignes de chardonnay loin de la Bourgogne et dont, de descendance en descendance, elle est issue.
Son nez: franc, aromatique et généreux, il ne manque pourtant pas de délicatesse. Il fleure tout un bouquet de fleurs blanches : acacia, aubépine, chèvrefeuille s’ouvrant après la rosée. Il est subtil.
Sa bouche: elle a de la trogne et de la noblesse. Certes une noblesse de campagne qui sent son terroir mais que l’on a su pourvoir de qualités et de beaux atours. Fille de hobereau, elle parle à la fois patois et beau langage. Sa jolie fraîcheur en fait un vin de restauration très digne à la palette large.
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Petite cagole, rosé de Provence aguicheur
Sa robe: elle est couleur de rose fanée, comme celle d’une jeune fille étant allée au bal des vendanges la veille au soir avec une robe fraîche et pimpante mais qui, après trop de tournoiements et trop de verres, a fini par valser dans les bottes de foin d’une grange, robe retroussée par d’abominables créatures, puis demoiselle troussée par d’abominables créatures (on pense qu’il s’agit des mêmes). « Et rose, elle a vécu ce que vivent les roses l’espace d’un matin. », comme nous le narrait François de Malherbe au XVIIe siècle dans un joli poème. Un rose flétri donc, mais aucunement tavel-é.
Son nez: retroussé lui aussi, impliquant du fait même des arômes volatils très mobiles, s’évaporant facilement, quasiment évanescents. À peine échappés déjà disparus, comme pour la lampe d’Aladin… mais sans le génie.
Sa bouche: contrairement à la couleur anémiée et au nez bouché, elle est offensive, presqu’agressive. Très sirupeuse, elle hésite entre le bonbon anglais, la barbe à papa et la crème de rose. Bref, la demoiselle est racoleuse mais peu faite pour un mariage, fût-il culinaire.
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Champagne Veuve Bubulle, Dom qui rote zéro dosage,
champagne d’apéritif et de gastronomie
Sa robe: fines et caracolantes, ses bulles sont dissipées et chevauchent à la manière d’une Rossinante indisciplinée. Elles fusent comme des étincelles, donnant un aspect scintillant à sa robe d’or blanc tirant sur le platine, comme le ferait un jeu de lumière sur un miroir.
Son nez: il est vif et impertinent, démarrant sur des notes légèrement briochées qui évoluent sur la poire mûre, puis sur les agrumes, citron et pamplemousse. Il chatouille et picote comme une promesse sensuelle, un délicat pré-en-bulles.
Sa bouche: elle est aristocratique, ne se dévoilant que peu à peu — on est dans le monde, on ne s’effeuille pas tout à trac comme une gourgandine — avec une élégance qui dit sa race. Le zéro dosage empêche toute mièvrerie superfétatoire — on ne fait pas sa sucrée — car on sait depuis l’enfance que point n’est besoin de porter tous ses bijoux à la fois.
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© Blandine Vié
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et au Code de la propriété intellectuelle (CPI)).
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