Et hop ! On fait sauter les crêpes à la Chandeleur !
La Chandeleur ou fête des chandelles est une fête d’origine païenne récupérée par la tradition chrétienne par le Pape Gélase (pape de 492 à 496) qui l’a recyclée en Présentation de l’Enfant Jésus au Temple. Elle est aussi associée à la Purification de la Vierge Marie après ses Relevailles, 40 jours après la naissance du Christ, d’où le symbole de fécondité de la terre… et des femmes.
On raconte que c’est aussi le pape Gélase qui aurait initié cette coutume des crêpes pour récompenser la ferveur des pèlerins fatigués venus en procession à Rome. À cette époque en effet, la date de la Chandeleur ayant été fixée au 2 février, c’était le début des nouvelles semailles et on utilisait volontiers les farines en réserve.
Promesse de richesse et de joie, les crêpes étaient autrefois étroitement liées à la prospérité familiale et de nombreuses traditions y restent attachées, comme de jeter la première aux poules pour qu’elles pondent (en Brie), d’en placer une en haut de l’armoire ou du buffet pour avoir bonheur et argent toute l’année (en Anjou), d’en mettre une sur le fumier de la ferme pour être assuré de bonnes récoltes (dans le Périgord). La première crêpe est de toute façon immangeable car elle prend le goût de tous les aliments qui y ont cuits précédemment !
Presque chaque région de France détient ainsi une recette plus ou moins rustique, sauf peut-être le Sud qui fait plutôt des beignets bien que ces derniers soient surtout friandises de Carême puisque frits à l’huile (toute graisse animale étant interdite)… alors qu’on frotte la poêle des crêpes de lard, de saindoux ou de beurre !
Mais la tradition la plus répandue veut qu’on tienne une pièce d’or dans la main gauche pendant qu’on fait sauter les crêpes, ce qui serait un gage de prospérité pour l’année à venir ! Mais qui a encore des pièces d’or sous son matelas pour assurer la pérennité de cette tradition ?
Rare dessert que l’on puisse autrefois préparer en autarcie avec les produits de la ferme (on n’y mettait rarement du sucre, mais on servait avec de la confiture ou du miel de pays), la pâte est un mélange de farine, d’œufs et de lait qui, comme le préconise déjà le « Ménagier de Paris » au XIVe siècle, ne doit être « ni trop clère, ni trop époisse » !
La farine est en principe de froment (blé, type 45 ou 55) pour des crêpes-dessert, et l’on compte 1 œuf pour 100 g (plus il y en a, plus elles se décollent facilement). Certaines recettes mettent les jaunes au départ et n’incorporent les blancs battus en neige qu’au moment de la cuisson pour les « souffler » légèrement. Quant au liant, le lait est le plus traditionnel car il donne des crêpes très moelleuses, mais il peut être coupé pour moitié d’eau ou de bière si l’on désire des crêpes plus légères, voire totalement remplacé par de l’eau pour des crêpes croustillantes. Le cidre et le yaourt apportent quant à eux une saveur particulière. La pâte doit impérativement reposer pour que l’amidon gonfle et lui donne du corps — ce qui désagrège aussi les éventuels grumeaux —, après quoi elle peut être parfumée (eau-de-fleur-d’oranger, eau-de-vie, liqueur).
Le choix de la poêle n’est pas anodin, la fonte donnant des crêpes moelleuses et tigrées, l’inox à fond épais des crêpes moelleuses, et les revêtements anti-adhésifs des crêpes uniformément dorées, mais un peu sèches.
Et si l’on n’est pas natif de Quimper, la spatule remplace avantageusement le coup de poignet pour les retourner, sauf peut-être à Dax où on ne les fait cuire que sur une seule face ! Enfin, pour arriver sur table, les crêpes peuvent s’empiler (sur un plat tenu au chaud), se rouler en cigares, se plier en éventails, être fourrées puis fermées en pannequets ou en aumônières. Elles peuvent même être flambées.
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Acrostiche
Crêpes
Rondes comme la lune à qui leur forme
Et leur couleur rend hommage.
Poêlées rapidement sur leurs deux faces
Et simplement sucrées ou garnies ou flambées,
Sautez, sautez joyeusement !
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La recette
Préparation : 10 min
Repos : 1 heure
Cuisson : 1 heure (pour 24 crêpes)
Pour 24 crêpes de 18 cm de diamètre :
Pâte : 250 g de farine – 1/2 cuillerée à café de sel – 1 cuillerée à soupe de sucre en poudre – 3 œufs – 50 cl de lait entier – 1 cuillerée à soupe d’huile
Facultatif (au choix ou en mélange : 1 cuillerée à soupe d’eau de fleur d’oranger – 1 cuillerée à soupe d’eau-de-vie au choix (rhum, cognac, armagnac)
Pour la cuisson : 1 petit cube de lard gras frais piqué sur une fourchette (ou 1/2 pomme de terre piquée elle aussi sur une fourchette face plate vers le bas et trempée dans un bol d’huile, ou une feuille de papier absorbant pliée en tampon, à tremper également) – sucre en poudre à volonté
Dans une terrine, mélangez la farine, le sel et le sucre. Creusez en puits. Cassez-y les œufs entiers, délayez peu à peu en incorporant le lait en mince filet (pour ne pas faire de grumeaux) jusqu’à ce que la pâte soit lisse et fluide. Quand elle est bien homogène, ajoutez l’huile. On peut aussi la préparer au robot, ce qui limite les grumeaux. Laissez reposer 1 heure.
Faites cuire les crêpes comme à l’accoutumée, dans une poêle parfaitement chaude et graissée selon la méthode choisie : versez une petite louchée de pâte dans la poêle, en inclinant aussitôt celle-ci dans tous les sens pour que la pâte puisse bien se répartir sur toute la surface. Laissez cuire 1 minute environ sur la première face puis, dès que la crêpe « frise » et que des cloques se forment, retournez-la à l’aide d’une spatule (ou faites-la sauter) et faites-la dorer 30 secondes à peine sur la deuxième face.
Procédez ainsi jusqu’à épuisement de la pâte, sans oublier de graisser la poêle à chaque fois. Disposez-les au fur et à mesure sur un plat tenu au chaud, en poudrant chacune d’elles d’un léger voile de sucre en poudre. Servez tiède.