Dry January, la nouvelle injonction pour les moutons

Et c’est parti pour le « Dry January» !
Et avec l’instinct grégaire qui caractérise notre société, tout le monde s’engouffre. J’ai ainsi reçu plus d’une centaine de mails entre décembre et ce début d’année pour m’enjoindre, moi et mes lecteurs, à pratiquer le « Dry January» — qui plus est, il n’est guère de nouvelle mode qui ne soit forcément anglicisée — afin de nous purifier après les fêtes de fin d’année, ce qui, en langage moutonnier ne s’appelle plus « bonne hygiène de vie » mais « détox ».
Donc, en janvier, on ne boit pas le Jour de l’An, ni pour accompagner la galette de l’Épiphanie, et encore moins pour la Saint Vincent, patron des vignerons.
Les gens sont-ils donc si peu autonomes, si peu enclins à avoir des règles de conduite personnelles, et le consommateur est-il si conformiste, si panurgiste pour « obéir » aveuglément au moindre diktat lancé et pour adopter ce suivisme dans lequel les actions sont effectuées sous influence afin de faire… comme tout le monde ? Car c’est tout de même un tiers des Français qui répondrait positivement à ce commandement, et le phénomène semble être à la hausse. Sont-ce là que viennent désormais se nicher nos repères ? Notre monde aime décidément jouer à « Jacques a dit » et, complètement infantilisé, à faire là où on lui dit de faire. Et l’on ne peut malheureusement que constater que le libre arbitre et les choix personnels sont en voie de disparition dans notre société.
Alors, tout d’abord, quelle que soit l’occasion — festivité calendaire ou privée — d’avoir trop festoyé, trop mangé et peut-être trop bu, a-t-on vraiment besoin d’un coach virtuel pour savoir qu’il vaut mieux mettre la pédale douce les jours suivants ? Car ne l’oublions pas, cet « alibi santé » n’est qu’un leurre commercial. De fait, toutes ces marques prescriptrices — rappelons que Coca-Cola est à l’initiative du Dry January ! — qui n’ont aucune légitimité médicale se foutent complètement de votre santé, ils veulent seulement engranger du pognon, toujours plus de pognon.
Ne vous méprenez pas. Des boissons sans alcool, je n’ai rien contre. J’en bois aussi, et pas seulement en janvier. À commencer par l’eau qui est de très loin la boisson que je bois le plus, suivie par le thé. Du vin aussi pour accompagner de temps en temps un bon repas moins frugal que les autres, voire d’un peu plus à un peu trop lors de repas de copains, et même une bière ou deux l’été pour un moment de détente à la terrasse d’un bistrot quand il fait très chaud. Quant à ceux qui ont un problème avec l’alcool, ce n’est pas le supermarché du coin qui va régler leur problème mais le médecin. Celui-là seul est habilité à prescrire des soins appropriés. Cela dit, des pochtrons, il y en aura toujours et ce n’est pas le message « Dry January » qui va les empêcher d’attraper une cirrhose. Mais brandir ce message pour faire peur à tous alors que le but est uniquement de faire vendre, je trouve ça déloyal.
Je tiens à préciser que mon coup de gueule n’est nullement une incitation, à boire ou à s’enivrer, mais pas non plus un commandement à ne pas le faire. Ce qui me dérange dans la société actuelle, c’est la perte des responsabilités (plus que des libertés) individuelles. Ce qui me dérange, ce sont ces gourous manipulateurs (des lobbies la plupart du temps) qui vous poussent à aligner votre vie sur celle de votre voisin (et vice-versa) — le « faire comme tout le monde » — parce qu’on l’a vu à la télé ou lu dans le journal. Tous dans le même moule, c’est tellement plus facile à manœuvrer !
J’aimerais encore ajouter quelques petites choses. D’une part qu’on soit abstème ne me dérange pas du tout, que ce soit pour raison médicale ou par choix de vie personnel. D’autre part, je n’ai absolument rien non plus contre les boissons sans alcool — même si je déplore que nos enfants boivent trop de sodas, ce qui est tout aussi mauvais que l’alcool pour la santé ! — et je ne doute pas une seconde que certaines soient intéressantes et même excellentes. Mais c’est l’exhortation prosélyte que je condamne, surtout sous couvert de l’alibi « C’est bon pour votre santé ! ». Dans ce cas, pourquoi ne pratiquer qu’un mois sur douze ? C’est aussi le fait de diaboliser (en tout cas de nombreux communiqués de presse le font) ceux qui ne se plient pas à ces commandements en forme de sommations. Et c’est aussi la crédulité et le grégarisme du consommateur qui boit comme du petit lait tout ce qu’on lui raconte (pour le plus grand nombre en tout cas) qui permettent ces plaidoiries mensongères surtout motivées par le fric. Comme pour le sans gluten (les ventes de produits sans gluten ont connu une augmentation vertigineuse en quelques années seulement, jusqu’à représenter plus de 25% en grande distribution alors que seulement 1% de la population souffre de la maladie cœliaque).
Enfin, et peut-être surtout, ce que je fustige absolument, c’est, parmi toutes les boissons sans alcool, celle appelée abusivement « vin sans alcool » ! Et je ne comprends pas que la législation n’y mette pas le holà ! CAR UN VIN SANS ALCOOL, ÇA N’EXISTE PAS ! Je ne vous rappelle pas ici pourquoi c’est techniquement impossible mais sans alcool, au mieux c’est du jus de raisin, au pire, c’est une boisson transformée qui ne devrait légalement pas avoir le droit de s’appeler vin.
Bon ! Puisque sur Greta Garbure, l’humour prime, terminons par un fou-rire.
En anglais, « Dry January» signifie « Janvier sec », on est d’accord. Sec au sens de sobre, sans alcool.
Aussi je trouve particulièrement cocasse qu’en français l’expression « boire sec » signifie… « boire beaucoup » ! Isn’t it ?
9 janvier 2024 @ 8 h 48 min
merci