Confitures, marmelades ou gelées ? (1)
Les confitures, c’est de saison !
Mais ne vous trompez pas d’appellation…
Contrairement à une idée reçue parfaitement logique, les arbres poussant à la campagne, la tradition des confitures n’est pas un héritage du monde paysan – qui vivait en autarcie et, n’ayant pas accès au sucre, denrée rare et chère, conservait plutôt les fruits en les faisant sécher – mais bel et bien des mœurs bourgeoises du XIXe siècle quand, grâce à l’industrialisation, le sucre devint à la portée de cette classe en pleine expansion, qui jouissait, en outre, d’une main-d’œuvre domestique bon marché.
Auparavant, les confitures n’étaient guère populaires, même si elles furent inventées dès l’Antiquité en Orient, où l’on connaissait déjà le sucre, et qu’elles connurent une certaine faveur au Moyen Age – chez les commerçants bourgeois toujours – grâce à Nostradamus qui publia l’un des premiers traités sur le sujet.
Mais plus que tout, ce qui fit leur succès, ce fut leur charme, tant il est vrai que les confitures « faites à la maison » se parent d’une charge affective incontestable et symbolisent, mieux qu’aucun autre aliment peut-être, la gourmandise et l’enfance.
À cela plusieurs raisons : d’abord il est vrai que les confitures faites à la maison sont souvent plus savoureuses et plus fruitées que les confitures industrielles, affadies par la forte proportion de pectine qu’elles contiennent (voilà pour la gourmandise). Ensuite, cette impression enchanteresse vient sans doute aussi du fait que les confitures se font surtout avec des fruits qui poussent en été et que le temps des confitures coïncide avec celui des vacances, toujours fertile en petits bonheurs.
Et surtout parce que cette tradition se perpétue par les femmes qui, en se penchant ainsi sur leurs chaudrons, empruntent un peu aux fées et aux sorcières !
La technique
Au départ, la confiture n’est qu’une méthode de conservation des fruits par le sucre. Ce dernier a en effet un pouvoir antiseptique des plus efficaces lorsqu’il atteint une certaine concentration, qui s’obtient justement lorsque l’eau contenue dans les fruits s’évapore pendant la cuisson.
Mais le secret d’une bonne confiture dépend aussi de l’équilibre entre sucre, pectine et acidité. Car un autre phénomène se produit pendant la cuisson : la gélification, qui dépend essentiellement de la teneur en pectine des fruits qui, en se transformant en acide pectique d’aspect gélatineux, confère sa texture – et donc sa tenue – à la confiture. Le problème est que tous les fruits n’ont pas la même richesse en pectine, c’est pourquoi il faut parfois leur ajouter un peu de gelée de pomme ou de groseille pour que la confiture prenne.
Quant à l’acidité, elle est indispensable à l’osmose entre fruits et sucre et, dans le cas de certains fruits pauvres en acidité (comme la pomme), il faut pallier ce manque en ajoutant un peu de jus de citron.
Une fois ce principe établi, il faut encore savoir quelle sorte de résultat on veut obtenir car confitures, marmelades et gelées correspondent en fait à des préparations bien distinctes :
- Les confitures s’obtiennent avec des fruits entiers ou en morceaux cuits rapidement dans un sirop de sucre, toujours sur feu assez vif. Après cuisson, les fruits restent donc identifiables.
- Les marmelades sont également réalisées avec des fruits entiers ou en morceaux, mais ces derniers sont préalablement macérés dans du sucre, ce qui a pour effet de les désagréger totalement pendant la cuisson.
Il est à noter que dans certaines marmelades (agrumes notamment), on peut cependant ajouter des zestes hachés ou finement taillés (marmelade d’oranges à l’anglaise).
- Les gelées se préparent quant à elles à partir du jus de certains fruits suffisamment riches en pectine, soit qu’il ait été exprimé directement (fruits rouges), soit qu’il ait été obtenu par cuisson préalable (fruits durs), cuit ensuite avec du sucre, sans aucune présence de pulpe. C’est d’ailleurs avec cette pulpe résiduelle que l’on prépare les pâtes de fruits.
Il va sans dire que confitures, marmelades et gelées doivent être préparées avec des fruits parfaitement sains, cueillis de préférence un peu avant maturité pour certains (fraises, framboises, abricots, pêches, poires), ou juste à point pour quelques autres (cerises, prunes).
Les fruits meurtris peuvent cependant être utilisés pour les marmelades, après épluchage rigoureux.
Une fois parés et débités en quartiers, cubes ou lamelles, les fruits doivent être aussitôt mis à macérer ou à cuire. Selon les recettes, il peut être judicieux d’ajouter un peu d’eau ou de vin, voire du vinaigre !
Il est également malin de ne pas faire cuire plus de 2 à 3 kg de fruits à la fois pour une bassine, et 1 kg seulement pour une cocotte. Bien entendu, la cuisson doit se faire sous haute surveillance car la moindre distraction peut être fatale à la confiture !
D’une manière générale, une cuisson trop courte donnera une confiture instable et liquide (à tout le moins sirupeuse), et une cuisson trop longue donnera une confiture où le sucre (voire le caramel) dominera le fruit. Pas de meilleure méthode donc que le test de l’assiette inclinée (où quelques gouttes de confiture doivent figer instantanément) pour savoir si la confiture est à point !
Il ne reste plus alors qu’à les mettre en pots préalablement ébouillantés et séchés, de préférence à chaud pour les confitures et les marmelades, et impérativement à froid pour les gelées.
Il faut ensuite étiqueter les pots et les ranger dans un endroit sombre, sec et frais, le placard à confitures de nos grand-mères étant idéalement conçu.
Et savoir encore ceci : contrairement à ce que l’on croit souvent, les confitures sont faites pour être conservées deux ans… et non pas seulement d’une année sur l’autre ! Pourquoi ? Parce qu’il faut bien que les arbres se reposent après avoir donné et que, selon la tradition, les années de fruits à pépins alternent toujours avec les années de fruits à noyaux !
Blandine Vié