Sans cochon, pas de civilisation !
Aux origines du monde, l’homme était nomade. Il vivait de chasse et de cueillette et marchait droit devant lui en quête de nouveaux fruits, de nouvelles baies, de nouveaux gibiers.
Il se déplaçait avec sa famille, sa tribu, son clan, et son seul bien consistait généralement en un petit troupeau qui déambulait avec lui et se composait de bêtes pour la nourriture (chèvres, brebis, chamelles pour le lait), et parfois de bêtes de monture ou de bât (chameaux, chevaux, ânes).
Puis l’homme croisa des cochons sauvages dans les maquis et les forêts où il osa s’aventurer.
Il en chassa et apprécia leur viande, surtout maintenant qu’il avait inventé le feu.
Mais comment les obliger à suivre l’homme errant marchant dans la plaine ? Ni la ruse ni la contrainte n’eurent raison de l’animal dont l’homme comprit vite qu’il avait un caractère de cochon !
Grave dilemme car il avait vraiment pris goût à cette viande succulente dont on pouvait même manger la peau et dont le gras assurait des jours meilleurs aux membres de sa famille.
L’homme réfléchit jusqu’à ce que la bonne solution s’imposât à lui : devenir copain comme cochon avec la bête noiraude ! Mais pour cela, il fallait qu’ils se fréquentassent un peu plus. C’est ainsi que l’homme décida d’arrêter de marcher et de s’établir !
Il choisit un endroit où il y avait à la fois du soleil et de l’ombre, de l’eau à proximité, et il s’y installa.
Ingénieux, il inventa ainsi la cabane pour les siens, puis la crèche où abriter son troupeau, puis l’enclos pour son futur hôte qu’il dût amener sur place par stratagème.
D’abord rétif, celui-ci donna de puissantes charges avant de se faire à son tour prendre en charge par notre homo erectus qui devenait chaque jour plus intelligent.
Quant à notre cochon sauvage, au fur et à mesure de sa domestication, il finit par rosir de plaisir. Pensez donc ! Il pouvait « glander » toute la journée sans même être obligé de fuir ni de fouir pour trouver sa pitance puisque les glands lui tombaient tout rôtis dans le groin !
Bref, c’est le cochon qui a changé le destin du monde.
Car l’homme et le cochon se sont engraissés mutuellement.
Ce que ne manque pas d’attester la symbolique de la tirelire en forme de cochon !
Car, sans lui, l’homme continuerait peut-être à arpenter la terre en tous sens, en quête de provendes.
Alors qu’ayant arrêté son pas quelque part pour engraisser un cochon, puis des cochons, il commença aussi à cultiver un potager, puis à planter de la vigne et des oliviers.
C’est ainsi que, pauvre hère errant, l’homme mis du gras dans sa vie : d’abord un lopin de terre, puis quelques arpents, un jardin, une ferme, des champs, des terres, des cultures, des rêves de grandeur, des châteaux en Espagne. Comme la Perrette de la fable. Et comme tous les autres hommes qui voulurent profiter de cette merveilleuse découverte : devenir sédentaire, puis propriétaire. Avoir toujours plus de cochons, de poules et de biens, et si possible plus que son voisin.
Ce faisant, il acquit des avoirs et devint gras lui aussi. Au sens propre comme au sens figuré.
On peut le regretter mais c’est pourtant comme ça que sont nés des terroirs, des identités, des sociétés, des civilisations.
Et bien sûr le commerce !
Et bien sûr, les cochonneries en tout genre !
Mais comment lui en vouloir à notre suidé ?
Car c’est le cochon qui, le premier, a mis du gras dans la cuisine des pauvres, du lard dans la soupe, des jambons accrochés aux poutres de la ferme, et qui a rendu le quotidien de la paysannerie plus douillet.
Le gras du cochon est en ce sens beaucoup plus emblématique que le gras des autres animaux. Et puis on mange tout dans le cochon !
Donc, le cochon a rendu l’homme indépendant — il n’avait même plus besoin de Dieu pour se consoler de sa misère — tout en étant source d’inégalités.
C’est bien pour ça que plusieurs religions le considérèrent comme impur ! Certes, il nourrissait les pauvres, mais non sans semer un certain trouble dans les esprits. On osait même l’appeler « seigneur » au fin fond des campagnes !
Une diabolisation paradoxale car c’est aussi cette culture agricole, née de l’envie d’un homme de manger du cochon tous les jours, qui a donné naissance à la culture au sens large.
Car une fois établi, ses animaux engraissés et ses champs cultivés, l’homme mit du gras dans son esprit et se cultiva, lui aussi.
Vous me direz, le cochon a bon dos !
Bah oui, justement !
Même que ça s’appelle du lard de bardière !
© Blandine Vié
Les Tasters
11 mars 2014 @ 10 h 07 min
Certains disent que l’aversion religieuse au cochon provient aussi de sa proximité (évoqué ici mais aussi génétique ou corporelle: la peau) avec l’homme.
Il est aussi le symbole de le ripaille ou de la gaudriole comme le cochon en pain d’épice, symbole de la fête foraine à Paris
Jérôme
11 mars 2014 @ 10 h 35 min
Bravo !!!
Stéphane
11 mars 2014 @ 10 h 37 min
Je Connais un Peyo au fond de la vallée des Aldudes qui doit être bien content de lire ce papier, avec du soleil, de l’ombre et de l’eau, pour glander tranquillement et faire copain comme cochon!!! 😉
Un p’tit goût de revenez-y |
12 octobre 2014 @ 6 h 04 min
[…] http://gretagarbure.com/2014/03/11/couenneries/ […]
La chronique de Greta Garbure |
19 janvier 2015 @ 7 h 01 min
[…] Rappelons-nous que : « Sans cochon… pas de civilisation ! », comme nous vous le racontions là : http://gretagarbure.com/2014/03/11/couenneries/ […]