Au resto… y a pas photo !
Quelques restaurateurs veulent interdire à leurs clients de prendre des photos de leurs assiettes. « Ils mangent froid ! » « C’est ma propriété artistique ! » « On peut être imité, copié ! » Il y a du vrai si le chef est persuadé qu’il a fait œuvre de création. En revanche, si on veut faire parler de son restaurant sans donner d’images, c’est un retour à des méthodes de communication vieilles comme mes robes et qui ont montré leurs limites.
On peut regretter l’époque bénie où les critiques gastronomiques n’étaient rien avant 30 ans de métier ! Ils régnaient à 4 ou 5 sur l’ensemble de la presse nationale, faisaient et défaisaient les réputations, au gré de leurs aigreurs, au fil de leur fiel. Ils avaient le pouvoir de remplir ou de vider un établissement. Mais évidemment, c’est plus difficile aujourd’hui. Alors, il faut s’y mettre à plusieurs ! C’est d’ailleurs dans la logique des choses puisqu’il y a infiniment plus d’animation dans le microcosme, avec des ouvertures et des fermetures hâtives, des déménagements claironnés et des changements d’enseignes répétés.
L’existence d’internet avec des images, des blogs, des tweets, peut toujours être discutée mais pas niée ! Qu’il s’agisse ou non d’un progrès, c’est a minima une évolution difficilement réversible. On ne va quand même pas nous refaire le coup des poumons comprimés par la vitesse vertigineuse du chemin de fer naissant !
En fait, les photos d’assiettes ne me semblent pas faire grand mal, sauf à l’ego de quelques chefs déjà reconnus. D’ailleurs, l’argument selon lequel elles enlèveraient l’effet de surprise voulu par le magicien des fourneaux tombe dès lors que la lecture de la carte suivie de la description emphatique et parfois un peu scolaire par le maître d’hôtel ne cache rien de la composition du plat (comme déjà relevé : http://gretagarbure.com/2014/01/28/le-coin-du-donneur-de-lecons-4/).
Moi non plus, je n’aime pas qu’on me raconte la fin du film ou qu’on donne le nom du coupable quand je suis encore dans la file devant le cinéma. Pourtant, lorsqu’ils sont (très bien) payés pour (ne pas) écrire un livre de recettes, ils acceptent sans trop de scrupules la divulgation des photos leurs chef-d’œuvre… Et ils ont raison car sans elles, le livre ne se vendrait pas !
Où est l’heureux temps où le petit salé aux lentilles était juste composé de petit salé et de lentilles ?!! On ne se croyait pas obligé de révéler l’incroyable présence d’oignons, de carottes, de laurier, de clous de girofle, de sel, de poivre, etc. etc.
Les bons artisans en devenir devraient ressentir une certaine fierté, voire de la reconnaissance envers leurs mitrailleurs amateurs ou semi-professionnels qui font leur pub gratuitement.
Il en irait bien différemment si caméras et smartphones pénétraient dans les cuisines et montraient des brigades entières en train de recoiffer sans cesse leurs cheveux non attachés et longs, trop longs, tout en dressant les assiettes avec leurs doigts pas ragoûtants, aux ongles de deuil. On a envie de leur chanter : « Où sont les toques ? » Et la couleur des tabliers renseignerait encore mieux qu’un cliché de pâté en croûte, fut-il celui d’un créateur génial.
Ne pensez-vous pas ?
Et vous ? Êtes-vous pour les photos… chopées ?
Stéphane
12 mars 2014 @ 9 h 59 min
Si le chef fait œuvre de création, son plat ne doit être réalisé qu’une seule fois!
Après c’est à chacun d’en apprécier la valeur…