Fromages frais, fromages à pâte molle, quelques vins : notre saga chèvres continue
Les chèvres frais et les chèvres à pâte molle
Les chèvres frais
On appelle chèvre frais du lait cru (ou pasteurisé pour les fromages industriels) de chèvre qui a été emprésuré à l’aide de ferments lactiques et de présure, ce qui provoque la coagulation ou caillage. Le caillage prend entre quelques heures et trois jours. Les fromages de chèvre traditionnels sont en général peu emprésurés. Le caillé, composé de protéines et de matières grasses, est alors séparé du petit lait (appelé lactosérum, babeurre ou séré en Suisse). Ce dernier n’entre pas dans la la fabrication du fromage.
L’étape suivante est le moulage qui s’effectue généralement dans des faisselles (récipients perforés qui peuvent avoir différentes formes), à la louche ou mécaniquement.
Le caillé est ainsi égoutté — on dit aussi ressuyé — pendant environ 24 heures. C’est une étape majeure puisqu’elle détermine la qualité de conservation.
Vient alors le salage, destiné à relever le goût et assurer la conservation. Le sel est déposé à la volée sur le fromage moulé ou bien directement introduit dans le caillé par brassage.
Les fromages frais peuvent parfois accueillir des herbes aromatiques en leur sein.
Ils sont ensuite emballés sous papier ou enveloppés de feuilles d’arbres (châtaignier par exemple).
Beaucoup de régions ont un fromage frais local qui n’a pas forcément de nom : caillé de chèvre, faisselles de chèvre, palets de chèvre, etc.
Toujours d’un blanc pur, ils ne subissent pas d’affinage.
Ils se dégustent nature, en salé comme en sucré. Ils adorent l’ajout d’herbes aromatiques fraîches, d’un filet d’huile d’olive, de poivre, d’olives noires, de filets d’anchois, de fèves fraîches, en version douce, de miel, de coulis de fruits, de confitures.
Les chèvres à pâte molle
Pour les chèvres non destinés à être consommés frais, la période de maturation commence. Les caillés frais sont déposés sur des clayettes dans un hâloir — une chambre fraîche, ventilée et humide — et retournés régulièrement à la main. Leur pâte s’affermit progressivement et se recouvre d’une fine croûte naturelle qui va du duvet à la peau et prend des couleurs au fur et à mesure de l’affinage : blanche, jaune ou brune.
Les fromages de chèvre à pâte molle ont une croûte blanche et souple, à peine ivoire pour certains, pouvant tirer sur le beige ou le bleuté.
Ils sont ensuite emballés, le plus souvent dans une feuille de papier, en barquettes ou même dans des feuilles d’arbres.
Là encore, chaque région a ses spécialités fromagères caractérisées par des formes différentes : palets, ronds, bûchettes, bûches, briques, pyramides, etc.
Quelques exemples de fromages de chèvre à pâte molle
Les chèvres à pâte molle ont subi un léger affinage (deux semaines maximum). Ils ont une texure crémeuse et un goût tendre de noisette fraîche.
Cabécou du Périgord : même s’il peut être affiné et bien vieillir, ce palet qui fait dans les 5 cm de diamètre et pèse 45 g finit par former une croûte d’un beau jaune pâle aux angles vifs et se déguste aussi en « pâte molle ».
Charolais : fromage au lait cru de chèvre, ce cylindre un peu renflé mesure environ 7,5 cm de haut et 6,5 cm de Ø, et pèse 250 g. Son affinage dure 2 semaines pendant lesquelles sa croûte se couvre d’un duvet, d’abord blanc puis bleuté tandis que sa pâte blanche, souple, tendre et onctueuse s’affirme.
Mâconnais : ce petit chèvre tronconique en forme de bonde de tonneau est fabriqué au sud de la Bourgogne. Il pèse entre 50 et 65 g. Sa pâte est molle, blanche, lisse et ferme ; sa croûte fleurie, de couleur crème ivoire tirant sur le bleuté ; sa texture fine et sa saveur salée.
Rocamadour : fabriqué dans le Quercy, ce palet de 35 g affiné seulement de 6 à 7 jours peut néanmoins continuer à vieillir un peu une fois sorti du hâloir. Il a un goût très doux, crémeux, proche de la noisette. Sa texture est fondante et onctueuse. Quand se développe une fine couche de crème entre sa peau qui reste souple et veloutée et le cœur du fromage, on dit que le fromage « piaule » et c’est à ce moment-là que les amateurs le préfèrent.
Quelques accords subjectifs (et non exhaustifs) avec des vins
Sur les fromages frais
• Un Faugères blanc Allegro 2019 du domaine Ollier Taillefer qui panache 50% roussanne et 50% rolle (vermentino), ce qui lui donne ce petit accent du sud propre à émoustiller la bienveillante neutralité des fromages frais. Ravigotage auquel le terroir de schistes sur lequel poussent les vignes apporte son soutien de cariatide. Un duo qui met le fromage en valeur sans toutefois le dominer. Le nez évoque la poire avec des notes de fleurs blanches et de citronnelle qui vont bien aux virginales pâtes blanches, de même que la bouche ronde, riche sans en faire trop, fraîche et minérale.
Bref un beau prétendant languedocien pour une ribambelle de sages spécialités caprines comme par exemple un pélardon frais.
Les chèvres frais agrémentés d’huile d’olive, d’olives noires et/ou de quelques filets d’anchois y perdront leur virginité avec un partenaire à la hauteur.
Pour ceux que ça intéresse, la vendange est manuelle dans ce domaine familial situé sur des terrasses schisteuses de 250 à 350 m d’altitude et tout le vignoble est certifié Bio Ecocert.
Prix : 13 € au domaine
Domaine Ollier Taillefer, vignerons éleveurs à 34320 Fos
Tél. 04 67 90 24 59 – www.olliertaillefer.com
• La cuvée Parallèle du champagne premier cru extra-brut de chez Colin
Eh oui, c’est un accord à oser absolument ! Ne croyez pas que les fromages paraissent trop fades ni que le champagne y perde son âme ! Au contraire, ils vont se renvoyer mutuellement la balle et la bulle lors d’un match où chacun trouvera gustativement son compte. Un match fair play, sans agressivité, plus ping pong que tennis.
Cette cuvée 100% chardonnay a une jolie robe couleur or pâle, comme lorsque le soleil point dans la fraîcheur d’un petit matin et son effervescence est délicate. Le nez révèle un bouquet de fleurs blanches, comme un bouquet nuptial, expressif et droit, à même de séduire des créatures fromagères encore jeunettes, un rien timides, qui ne demandent qu’à être croquées avant que jeunesse se passe… les coquines ! La bouche est gourmande, prête à donner un baiser (avec la langue). Elle est ample, minérale, tendue avec des nuances biscuitées qui vont chiffonner les robes immaculées des jolies caprinettes, voire les déniaiser par une vivacité apéritive qui ne manque ni de structure ni de charme ni de rondeur. Un flirt élégant qui augure de nouveaux rendez-vous à venir.
Mention spéciale pour certaines recettes où les tendres pâtes ont revêtu leurs plus beaux atours, comme par exemple des fleurs de courgettes farcies à la brousse de chèvre.
Prix : 27 € chez les cavistes et sur la e-boutique www.champagne-colin.com/boutique
Champagne Colin
101 avenue du Général de Gaulle, 51130 Vertus
Tél. 03 26 58 86 32
www.champagne-colin.com
Sur les fromages à pâte molle
• Un coteaux-d’aix-en-provence Éole blanc 2019 du domaine d’Éole
Oui, je sais, c’est la troisième fois que je vous parle de ce domaine en peu de temps mais c’est bien normal d’avoir le vent en poupe quand on s’appelle Éole ! Après le rouge sur l’agneau et le rosé Souffle, voici le blanc 2018 pour compléter la trilogie des couleurs. Il a tout bon, lui aussi.
Il est composé des cépages rolle (60%) et grenache blanc (40%) plantés en altitude sur un terroir aride et caillouteux, ce qui lui donne du tempérament.
Sa robe est lumineuse, d’un blond subtilement doré par le soleil, comme un léger hâle sur la peau d’une jeune fille qui serait assez raisonnable pour se contenter — au sens d’être contente — d’un teint de brioche plutôt que de vouloir à tout prix un teint surfait de pain d’épices. Subtilité toujours au nez avec des notes légères de fleurs et de fruits blancs qui, aériennes, s’envolent au vent par la fenêtre, faisant concurrence aux fragrances d’un jardin sous le soleil. Mais derrière la haie du jardin, c’est la garrigue avec ses senteurs prégnantes qui confèrent aussi à ce vin des notes épicées bien de son terroir.
Cela donne un vin ambivalent à l’attaque vive, pure et tendue, avec une fraîcheur qui perdure jusqu’en finale, mais avec une délicatesse sous-jacente qui correspond tout à fait à la nature des chèvres à pâte molle : douceur et onctuosité, finesse, mais par-delà le velouté au moment de la morsure dans le fromage, se révèle — se réveille — un caractère affirmé qui n’outrepasse pourtant pas les bonnes manières. Un mariage d’attirance de peaux et de raison. Ce n’est pas si fréquent.
Prix : 14,50 € chez les cavistes, au domaine et sur www.domainedeole.com/nos-vins
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Demain tout savoir poétiquement sur la brousse, y compris celle de chèvre et après-demain sur le brocciu corse.