L’hommage de deux amoureux des bistrots à la Mère Lapipe, l’originale bistrotière du Mans qui restera dans nos mémoires
Pierrick Bourgault nous avait déjà régalés avec le récit de « la Mère Lapipe dans son bistrot » paru en 2020 aux Ateliers Henry Dougier (voir ma chronique du 12 janvier 2022) : l’inénarrable histoire de Jeannine, arrière-grand-mère au caractère bien trempé qui fumait la pipe et dont le bistrot situé à un coin de rue du Mans près des rives de la Sarthe était exclusivement décoré avec des posters et des photos de Johnny et son comptoir avec… des briquets ! Inénarrable je vous dis et pourtant Pierrick a réussi à nous faire rire et à nous émouvoir à chaque page. Quant à Jeannine, pendant trente sept ans (depuis 1985), elle a animé la vie de ce quartier ouvrier avec une vraie vocation de bistrotière qui est d’écouter toute une galerie de personnages plus délirants les uns que les autres car pour une population humble, aller au bistrot, c’est un peu comme aller à confesse, surtout après quelques verres. Mais la mère Lapipe, surnommée ainsi à cause de sa bouffarde, n’était pas seulement une oreille compatissante. Elle animait ce lieu improbable — il fallait traverser son appartement pour aller aux toilettes —, d’abord parce qu’elle tenait son bistrot de main de maîtresse, n’hésitant pas à virer les importuns et à pousser des coups de gueule, mais faisant aussi chanter et danser ses clients et peut-être surtout faisant danser sa propre vie. Un bistrot joyeux où l’on boit du « pet-pet », où l’on vient par tendresse oublier sa solitude et ses problèmes pour trouver réconfort et amitié. Car plus encore que de la gueule, la mère Lapipe avait du cœur, si tu te montrais digne de faire partie de la famille.
Mais la mère Lapipe nous a quittés octogénaire en 2022, privant désormais le quartier de son lien le plus fédérateur.
Le vide et les orphelins qu’elle a laissés ont donné aux deux compères Pierrick Bourgault — auteur de nombreux livres dont celui dédié à la mère Lapipe évoqué ci-dessus — et à son compère Gab, dessinateur de presse (pour de nombreux médias) au talent fou et à l’humour hilarant de se concerter pour lui redonner vie à travers un petit livre-album qui est bien plus qu’un hommage, sa vie rembobinée dans toute sa générosité, sa gouaille et l’acuité de sa bienveillance, celle d’une mère presqu’au sens maçonnique (sinon maternel) du terme, une belle âme qui ne peut qu’égayer le ciel de ses volutes bleues, comme celles de sa pipe. Et il faut dire que le duo Pierrick-Gab — que j’ai la chance d’avoir tous les deux pour amis dans la vraie vie — a parfaitement fonctionné, les illustrations de Gab venant sublimer les textes de Pierrick avec une subtilité réjouissante.

Que vous dire de plus sinon de courir vite l’acheter, ce qui vous donnera l’impression d’avoir vous aussi connu la mère Lapipe et d’avoir la nostalgie de ce bistrot atypique ?
Foi de Greta Garbure, vous ne le regretterez pas !
La Mère Lapipe au Café du coin
Textes Pierrick Bourgault
Dessins Gab
Éditions Ouest-France
Parution : 4/4/2025 en librairie
Poids : 368 g
Prix : 17,90 €