L’été, c’est chocolat chaud !
Sexe et chocolat, vertus aphrodisiaques et fantasmes ordinaires
Le chocolat est certainement l’aliment qui symbolise le mieux le péché de gourmandise et la notion de tentation dans notre culture occidentale. Mais cette symbolique existait déjà du temps des Incas où les rites de la culture du cacao étaient intimement liés à des pratiques sexuelles. Ainsi, on demandait aux récoltants d’être chastes les jours précédant la récolte, alors que le dernier jour autorisait au contraire toutes les orgies.
Dès les origines aussi, le chocolat eut la réputation d’être aphrodisiaque et plusieurs chroniqueurs espagnols, au nombre desquels Hernan Cortès, rapportent d’ailleurs que l’empereur aztèque Moctezuma en consommait tout au long de la journée pour pouvoir honorer les femmes de sa virilité. Mais cette réputation qui a perduré dans le temps était plutôt le fait à l’époque de toutes les épices qu’on lui adjoignait, notamment le poivre et le piment qui ont une action vasodilatatrice au niveau de la région génitale et qui, pour cette raison précisément, majorent également les potentialités d’érection. Cela n’échappa guère aux Conquistadors qui créditèrent aussitôt le chocolat d’une réputation sulfureuse, surtout les prêtres, omniprésents dans ces contrées à évangéliser. Ainsi, il était mal vu que les femmes en boivent et il y eut des tentatives pour l’interdire aux hommes d’église sous prétexte qu’il échauffait la chair et favorisait la luxure.
Cette réputation survécut au fil des siècles, même quand la vanille et le sucre remplacèrent le poivre et le piment. Au XVIIème siècle, le chocolat est « la » boisson qui accompagne les joutes amoureuses des romans libertins — Casanova et Sade ne manquent pas de faire allusion à son efficacité — et des tableaux licencieux, où il laisse échapper des volutes fumantes et explicites sur les tables de nuit des alcôves.
Message subliminal : il est à la fois incitatif avant… et revigorant après ! Au XIXème siècle, sa popularité a baissé — on n’en boit plus à la Cour puisqu’il n’y a plus de Cour — et ce sont les pharmaciens qui vont le réhabiliter, en le parant à nouveau de vertus aphrodisiaques au demeurant toutes virtuelles ! Car aucun argument scientifique ne permet d’avaliser sérieusement cette assertion.
Mais par-delà même cette réputation historique — ou peut-être même à cause d’elle — le chocolat cristallise tous les fantasmes. D’une part parce que toute forme de nourriture se prête de toute façon dès la petite enfance — dès le sein de la mère — au jeu de l’ambiguïté et du rapport affectif. Manger — ou refuser de manger — c’est d’abord une pulsion affective, pour plaire ou déplaire à sa mère. Puis c’est un acte social, d’intégration avec ses pairs, ou au contraire de marginalisation (anorexie, boulimie). Enfin, c’est un acte d’amour, de séduction, un prélude amoureux.
Et si le chocolat est si consensuel, c’est parce qu’on établit très vite avec lui une relation de plaisir, un lien charnel. Car avant tout, le chocolat suscite le plaisir et flatte les sens : le chocolat est une caresse au palais. Il charme, mais console aussi. Il séduit tout en sachant répondre aux frustrations affectives. Mais deux techniques, que dis-je, deux philosophies s’affrontent : celle des suceurs et celle des croqueurs. Soit on croque à belles dents (l’amateur de chocolat noir), soit on laisse fondre voluptueusement sur la langue jusqu’à ce que mort s’ensuive (l’amateur de chocolat au lait) !
Les publicitaires l’ont bien compris qui jouent tous sur cette ambigüité et emploient pour leurs slogans un double langage avec un premier et un deuxième degré pour transgresser le péché de gourmandise.
Le premier à exploiter ce filon fut Milton Hershey qui inventa la première barre chocolatée pour reconstituer les forces des G.I. américains. Dans son slogan « Hershey’s kisses are delicious » le chocolat se substituait aux baisers des bien-aimées abandonnées. Les « bacci » (baisers) italiens et les « Mon Chéri » de Ferrero sont de la même veine. Forme de caresse et d’absorption simulée, le chocolat est perçu comme un substitut d’amour…
Ainsi, dans « Le chocolat d’Apolline », Michel Cyprien fait prendre un bain de chocolat fondu à son héroïne, jeune femme qui vit plutôt dans la misère affective et qui attend désespérement le bonheur.
Les chocolats au piment ont également fleuri ces dernières années, qui ne font pas qu’exalter la saveur du chocolat mais aussi l’imagination des goûteurs sinon leurs désirs. Il est amusant d’ailleurs de noter qu’à la dégustation, les femmes décèlent la présence du piment environ 30 secondes plus vite que les hommes !
D’autres slogans ont fleuri au cours des dernières années : « Noir désir », « La volupté à l’état brut », « La caresse d’un lait subtilement sauvage » (Côte d’Or), « Rythmer vos nuits au goût du noir » (Nestlé), « C’est où il veut quand il veut » (bouchée Suchard), etc. etc. Jusqu’à ce spot publicitaire tourné par Gotainer pour Thuriès avec Rocco Siffreddi en vedette :
« – Rocco Siffreddi : Alors, heureuse ?
– Réponse de la dame : Oui… mais ça ne vaut pas un chocolat Yves Thuriès !
– Voix off : C’est 20 cm de plaisir par tablette… »
Pour la même raison sans doute, on pratique de plus en plus des massages au chocolat dans certains instituts de beauté.
Quant au badigeonnage de mousse au chocolat ou de pâte à tartiner au chocolat ou body frosting — on se tartine et on se lèche mutuellement avec volupté — n’a plus rien d’un fantasme et fait fureur aux États-Unis… et ailleurs. Car le chocolat est un plaisir physiologique et culturel où le goût et la symbolique se mêlent, tout étant question de transfert… et de sensualité ! Par sa si voluptueuse longueur en bouche tout en rondeur harmonieuse, qui rappelle à la fois le plaisir de la succion chez le nouveau-né, la tétée, la fellation, bref le plaisir de l’oralité, il peut aller jusqu’à faire fondre — mourir, diront certains — de plaisir ! En somme, de par sa chaude sensualité gourmande, le chocolat est une réponse immédiate à toute question existentielle !
© Blandine Vié
Chocolat show | Épicier, Caviste & C...
9 août 2013 @ 7 h 15 min
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La chronique de Greta Garbure |
1 septembre 2013 @ 7 h 04 min
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