Le tourteau (ou dormeur)
Le tourteau fait partie de la grande famille des crabes et, plus généralement encore, des crustacés. Les crustacés sont des animaux recouverts d’une substance cornée, la chitine, qui se durcit plus ou moins selon les espèces, formant une carapace. N’étant pas extensible quand elle est devenue rigide, les crustacés doivent s’en séparer périodiquement par mue, se dénudant alors totalement et apparaissant avec un nouveau revêtement de chitine déjà formé sous l’ancienne carapace, mais encore mou. L’animal grandit à ce moment relativement vite, avant que la chitine ait durci.
Quelle que soit leur coloration naturelle, les crustacés possèdent un pigment rouge insoluble alors que les autres disparaissent à la cuisson, ce qui explique pourquoi ils semblent rougir.
La grande majorité des crustacés appartient à l’ordre des décapodes, nom ayant été donné parce qu’ils possèdent, outre les pattes nageoires, cinq paires de pattes ambulatoires terminées par une griffe ou une pince. Toutes les espèces de cet ordre ont le corps divisé en deux parties :
— le céphalo-thorax, à la fois tête et thorax, partie baptisée « coffre » avec deux paires d’antennes de part et d’autre du « rostre » ou bec pointu, les yeux, la bouche, les pattes ambulatoires qui y sont rattachées ;
— l’abdomen, composé de segments articulés dits « queue », chacun d’eux portant une paire de pattes nageoires. Celles du dernier segment, le « telson », sont élargies en forme de palettes.
Les gastronomes différencient gustativement les mâles des femelles.
Les crustacés décapodes sont subdivisés en deux groupes importants : ceux qui ont une queue bien développée comprenant les macroures marcheurs avec pinces (homard, langoustine, galathée) et les macroures marcheurs sans pinces (langouste, cigale), et ceux qui ont la queue atrophiée ou brachyoure (crabes).
Tourteau est le nom vernaculaire de plusieurs espèces de crabes du genre Cancer, c’est-à-dire de la famille des Cancridae. Il comprend six espèces actuelles mais beaucoup d’autres fossiles.
Il a une carapace lisse, ovale, souvent plus large à l’avant. La dernière paire de pattes se termine par un segment étroit, pointu et noir. Sa taille moyenne va de 10 à 20 cm — il ne peut être vendu s’il fait moins de 13 cm — mais il peut atteindre 40 cm et peser jusqu’à 5 kg !
On le trouve aussi bien en mer du Nord que dans l’océan Atlantique et parfois même, mais plus rarement, en Méditerranée ou dans l’Adriatique, sur les fonds rocheux et caillouteux de la côte (où se trouvent les plus petits), jusqu’à plus de 100 m de profondeur.
Le « rouge » (partie coraillée) apparaît chez la femelle dès le printemps, se transformant en œufs jusqu’à l’été. La saison du tourteau pêché en France sur les côtes bretonnes et normandes va de mai à octobre.
En cuisine
Si on ne l’achète pas cuit — ce que je vous conseille car c’est toujours TROP cuit ! — il faut acheter le tourteau vivant.
Ce qui signifie qu’il faut le faire cuire dans les 12 heures qui suivent.
Il faut le choisir lourd et plein en sachant qu’un tiers de son poids environ est consommable.
La femelle est souvent plus pleine et présente du corail. Sa chair est plus fine.
Le mâle a une saveur plus prononcée et des pattes plus grosses.
Avant cuisson, il faut toujours vérifier si toutes les pinces ou pattes sont présentes car si l’animal est mutilé, il se vide pendant la cuisson. Si vous constatez l’absence d’un membre, bouchez son emplacement avec de la mie de pain frais triturée entre les doigts pour colmater toute fuite.
Leur cuisson se fait par pochage au court-bouillon, ce qui s’effectue par plongée à ébullition. Attention aux éventuelles éclaboussures pendant cette opération. On compte environ 15 minutes de cuisson par kilo.
Cuits au court-bouillon, refroidis et coupés en deux par le travers, les demi-tourteaux garnissent rituellement les plateaux de fruits de mer. S’ils sont présentés seuls, il en faut un moyen par personne.
On déguste le plus souvent les tourteaux accompagnés d’une mayonnaise. Celle-ci peut-être additionnée d’une pointe de curry. Quelquefois, on présente de la macédoine de légumes en même temps.
Il faut encore savoir que « le rouge » (partie coraillée) est tout à fait délicieux, de même que « le jaune », substance crémeuse qui se trouve entre la carapace et la chair. Si vous ne voulez pas les manger tels quels, vous pouvez les incorporer à la mayonnaise.
On peut aussi décortiquer les tourteaux pour préparer des salades composées ou les servir dans des coupes avec une sauce cocktail.
On le sait moins mais les tourteaux peuvent se déguster chauds, braisés, coupés en quatre à cru, saisis avec des oignons et mijotés 5 minutes avec de la crème et du safran, plus une pointe de cayenne si l’on aime. On peut même les flamber avant de les crémer, « à l’américaine » ! Ou encore, les cuisiner en curry.
Et pour finir — une fois n’est pas coutume — petite séquence émotion personnelle !
C’était l’un des plats préférés d’Amélie, ma grand-mère maternelle, mais aussi de Clémence, ma maman.
J’ai hérité de cette même prédilection.
Enfant et jeune fille, je faisais l’admiration de la tablée familiale parce que décortiquais ma bestiole entièrement avant de la déguster ! Je suis moins patiente aujourd’hui…
Cuizinalau
16 mai 2014 @ 13 h 16 min
Merci pour cet article! Comment reconnait-on le mâle de la femelle?
stefb06
16 mai 2014 @ 18 h 48 min
Belle synthèse très instructives.
Qui va encore vous attirer des foudres moralisatrices… Il parait que ces braves bêtes souffriraient de leur plongeon dans l’eau bouillante, alors que dire de leur consommation à cru (à vifs ?)