Le gratin dauphinois (le vrai de vrai !)
C’est un grand classique et pourtant presque personne ne le fait selon la tradition ! Même l’emblématique Paul Bocuse — qui y met du fromage — et Philippe Etchebest (dans Top Chef) — qui y ajoute des œufs — se sont fait épinglés récemment pour ces incartades !
Ce qui dans une certaine mesure nous réjouit car cela prouve qu’il y a encore des défenseurs de notre patrimoine culinaire, composé essentiellement de recettes régionales.
Alors répétons-le haut et fort ! À l’origine, le gratin dauphinois se fait avec des pommes de terre à chair farineuse, de la crème liquide, du sel, du poivre et du beurre. Et l’on frotte le plat (en terre) avec une gousse d’ail sans en mettre dans le plat.
En fin de cuisson, les pommes de terre ont complètement « pompé » la crème et sont moelleuses à souhait !
La recette a évolué — ce qui est normal, rappelons qu’une recette ne saurait être figée pour l’éternité — et l’on panache aujourd’hui souvent la crème avec du lait.
Mais les variantes qui intègrent des œufs battus dans le lait ou/et du fromage sont des versions dénaturées, le plus souvent enrichies par snobisme. Les œufs notamment dénaturent la texture du gratin qui doit cuire longtemps et prend de ce fait un aspect grumeleux du plus mauvais effet. Quant au fromage, il domine le délicat goût de noisette de la crème.
Ces dérives ne sont d’ailleurs pas d’aujourd’hui puisque même Escoffier a codifié dans son « Guide culinaire » la variante endimanchée (œufs et gruyère) qui ne l’ennoblit en rien.
Car, comme souvent quand une recette de la campagne arrive à la ville, on la trouve trop simple et on l’affuble d’ingrédients superfétatoires qui ôtent toute délicatesse à un plat simple d’apparence mais intelligemment construit pour mettre en valeur la délicatesse des produits locaux.
C’est également la raison pour laquelle mettre de l’ail dans le plat est dommage. N’en utiliser qu’une seule gousse pour frotter le plat en terre qui va ainsi diffuser lentement son parfum pendant la longue cuisson donne un résultat bien plus subtil que d’en parsemer toutes les couches de pommes de terre. En cuisine comme ailleurs, le trop est souvent l’ennemi du bien !
Le secret de la réussite : il ne faut pas laver les pommes de terre une fois qu’elles sont coupées en rondelles, mais seulement les essuyer dans un torchon (propre) afin qu’elles conservent leur amidon, ce qui va assurer la liaison du gratin.
Les sacrilèges :
• Mettre du fromage (quel qu’il soit) dans le gratin dauphinois !
• Mettre des œufs dans le gratin dauphinois !
• Faire le gratin à la béchamel !
La recette
Préparation : 20 min
Cuisson : 1 h 10 min
Pour 8 personnes
• 2 kg de pommes de terre à chair farineuse
• 1 litre de crème liquide
• 100 g de beurre
• 1 gousse d’ail
• noix muscade (facultatif)
• sel, poivre
Frottez l’intérieur d’un plat à four (de préférence en terre) avec une gousse d’ail pelée, jusqu’à l’user. Enduisez ensuite le plat de beurre, généreusement.
Préchauffez le four à 180 °C/thermostat 6.
Épluchez, lavez et séchez les pommes de terre dans un torchon. Coupez-les en tranches de 1 à 2 mm d’épaisseur, séchez-les à nouveau dans le torchon, mais cette fois sans les laver.
Rangez les pommes de terre par couches dans le plat à gratin, en salant et poivrant légèrement chaque couche. N’ajoutez un soupçon de muscade que si vous le désirez.
Versez la crème par-dessus, en la faisant bien couler dans les interstices : elle doit arriver au ras des pommes de terre qui doivent affleurer et ne pas être noyées.
Parsemez la surface du plat du reste du beurre en petites noisettes.
Enfournez à mi-hauteur. Laissez cuire une heure, puis augmentez l’intensité du four à 210 °C/thermostat 7 pour faire dorer le gratin pendant environ 10 minutes.
Piquez la lame d’un couteau dans les pommes de terre pour vérifier qu’elles sont bien cuites et tendres à cœur : elles doivent avoir « bu » toute la crème.
Servez brûlant au sortir du four.
Un peu de bla-bla
• Choisissez des pommes de terre à chair ferme qui tiennent mieux la cuisson : Bintje, Belle de Fontenay, Monalisa, Nicola ou charlotte.
• Frotter le plat d’ail est facultatif… mais cela donne un petit goût subtil presque imperceptible.
En revanche, compter une gousse d’ail par personne, voire même une tête entière comme certaines recettes le préconisent, c’est l’assurance de rendre ce plat plus grossier.
• On peut panacher la crème avec le lait pour moitié ou dans les proportions un tiers (de crème), deux tiers (de lait).
• Une variante (dans l’Oisans) consiste à faire précuire les pommes de terre dans le lait pendant 10 minutes — mais les pommes de terre attachent souvent avec cette façon de faire — avant de les verser dans le plat avec le lait et de verser de la crème par-dessus.
• Dans une autre, on fait cuire les pommes de terre au four dans le lait pendant 50 minutes et on n’ajoute la crème qu’au bout de ce temps.
• Certaines personnes réfutent l’ajout de muscade.
Et le gratin savoyard, alors ?
D’aucuns disent que c’est un gratin dauphinois dans lequel on incorpore du fromage. Erreur !
Le gratin savoyard est également un gratin de pommes de terre, effectivement avec du fromage — du beaufort selon la tradition — coupé en lamelles (et non râpé) mais où les pommes de terre cuisent dans du bouillon de bœuf que l’on peut fortifier par un peu de jus de veau.
Quant aux gratins de pommes de terre à la crème ET au fromage (gruyère, emmental, morbier, reblochon, etc.), certains se révèlent succulents, nous sommes bien d’accord !
Mais ce ne sont ni des gratins dauphinois ni des gratins savoyards !
Est-ce si difficile de leur trouver des noms appropriés ?
Tout comme à ceux qui comportent des oignons, des lardons, etc.
Enfin, je ne cite que pour vous faire rire cette perle trouvée sur le net : un improbable « gratin dauphinois… à la provençale » qui ne fait malheureusement qu’illustrer le grand n’importe quoi qui sévit sur la planète food !
Plats mythiques | The fisheye of gourmet food &...
14 novembre 2013 @ 7 h 49 min
[…] Le gratin dauphinois (le vrai de vrai !) C’est un grand classique et pourtant presque personne ne le fait selon la tradition ! Même l'emblématique Paul Bocuse — qui y met du fromage — et Philippe… […]
14 novembre 2013 @ 8 h 45 min
c’est important de codifier les recettes mais sans tomber dans l’extrême conservateur type le comité de défense de la salade niçoise (beaucoup moins ouverts que leurs ancêtres qui ont acceptés les tomates en France 🙂
il n’y a pas d’hérésie culinaire, la cuisine est métissage et dans un même village il y autant de variantes d’une recette que de familles… et en plus quand ces familles se mettent à voyager ou que les étrangers s’y essayent ça bouge…
Alors oui au très bon gratin dauphinois tradi et délicieux et oui à ses variantes … qui sont tout simplement l’expression de l’échange culinaire, la vie… etc.
Brigitte
et bravo pour l’article sur les légumes j’ai adoré
14 novembre 2013 @ 9 h 09 min
Il y a aussi le Gratin dauphinois aux cèpes d’Eric Fréchon.
14 novembre 2013 @ 18 h 10 min
De la même manière, j’ai trouvé sur la toile un cassoulet avec des knackis !
14 novembre 2013 @ 21 h 36 min
entièrement d’accord ! et lol j’ai connu un chef qui mettait des herbes de provence sur tout le dessus !!!!!!!
Plats mythiques | Vins et Saveurs d'Aquitaine, ...
15 novembre 2013 @ 2 h 14 min
[…] Le gratin dauphinois (le vrai de vrai !) C’est un grand classique et pourtant presque personne ne le fait selon la tradition ! Même l'emblématique Paul Bocuse — qui y met du fromage — et Philippe… […]
15 novembre 2013 @ 12 h 06 min
Certes, il ne faut pas sombrer dans l’extrémisme. Mais quelle tristesse de s’attendre à un délice fondant et de voir arriver un machin grumeleux, ou de sentir cette écœurante odeur d’oignon cuit dans le lait ou la crème 🙁
La chronique de Greta Garbure |
1 janvier 2014 @ 0 h 38 min
[…] • 14 novembre : Plats mythiques : Le gratin dauphinois (le vrai de vrai) ! http://gretagarbure.com/2013/11/14/plats-mythiques-8/ […]
Nos mille-feuilles (nos feuilletages de la semaine) |
2 février 2014 @ 7 h 00 min
[…] n’étais pas d’accord car dans le « vrai » gratin dauphinois, on ne met jamais de fromage (http://gretagarbure.com/2013/11/14/plats-mythiques-8/) jusqu’à ce que je lise ce commentaire : « Voici un gratin qui ne mérite peut-être pas son […]