La tête de moine
Avec sa robe de bure
sans la moindre guipure
ni la plus petite fioriture
ni même le soupçon d’une parure,
sans non plus la marque d’une cambrure,
voire d’une échancrure,
elle semble si minérale et si dure,
si guindée dans sa posture,
qu’on la dirait raidie par une armature,
presque moulée dans sa sépulture.
Elle a l’air d’une épure,
tout en architecture :
colonne sans cannelures,
cylindre sans ciselures,
fût droit sans tavelures,
câble sans épissures,
tronc sans nœuds ni boursouflures,
arbre sans chevelure,
cierge sans coulure,
improbable sculpture.
En tout cas, rien n’augure,
à la voir si pure,
qu’il s’agit en fait d’une créature
lascive à la chair mûre
sous son armure.
Une esclave d’Épicure,
qui n’aspire qu’à la luxure
et rêve de finir en raclures,
chiffonnée comme une roulure.
Bref, une imposture.
Pour cela, sans demi-mesure
il faut la décalotter aux entournures,
autrement dit lui faire une tonsure.
Ainsi lobotomisée sans bavures,
elle offre l’ivoire de sa chair et sa souple texture
à la virolle (ou girolle), cet instrument de torture
qui va la froncer jusqu’à la démesure
sans qu’elle éprouve la moindre courbature
à ce jeu de plissures.
Elle est masochiste, je vous l’assure.
S’offrir comme une fleur la transfigure.
Pensez : tout ce bon lait de vaches de pâture
élevées dans les monts du Jura suisse, au bon air pur !
Du lait cru, entier, ensemencé à l’extrait sec (genre de présure).
Du lait chauffé qui ne sera mature
que transformé en pâte pressée mi-cuite, séchage à la dure,
deux mois et demi en cave obscure
sur des planchettes d’épicéa fleurant bon la nature.
Au final : finesse et douceur de la texture,
arômes délicats et subtils de fruits mûrs.
Une cabocharde à la tête dure
bien remplie sous la croûte de son galure.
Faites-en donc une petite cure !
© Blandine Vié
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Et un scoop pour les fêtes !
Pendant tout le mois de décembre, la « tête de moine » sera vendue sous forme de rosettes présentées en coffrets :