La drôle de bobine des petits pâtés de Pézenas
Les petits pâtés de Pézenas © Greta Garbure
En France, on aime bien les légendes autour des produits du patrimoine. Il est vrai que ça les ancre dans la tradition, dans l’Histoire (avec un grand H). C’est un héritage important qui nous raconte une histoire (avec un petit h). Et puis, ça fait vendre !
C’est le cas pour les « petits pâtés de Pézenas », ces mini-pâtés en croûte sucrés-salés qui ont la forme d’une bobine et se dégustent en une seule bouchée.
Aux dires de tous ceux qui ont colporté l’anecdote depuis le XVIIIe siècle, cette spécialité serait due à Lord Clive, baron de Plasey, vice-roi et gouverneur des Indes venu séjourner en France pour se soigner à Montpellier et se ressourcer dans la capitale des États du Languedoc aux alentours de 1770. Accompagné de son chef hindou, ce dernier aurait inventé cet amuse-bouche aux parfums exotiques inspirés par son pays d’origine.
La tradition orale rapporte encore que Lord Clive aurait pris ses quartiers au château de Larzac pendant deux mois. Et la fable racontée aux touristes va même jusqu’à montrer le four où auraient été cuits les premiers petits pâtés.
Mais balivernes que tout ça ! En réalité, des archives ont permis de replacer les choses dans leur vrai contexte puisque la découverte du journal de Lady Margaret, épouse de Clive, atteste d’un séjour au château de Saint-Martin situé sur les coteaux de la rivière Hérault et appartenant au marquis de Graves.
Quant au cuisinier, c’est surtout dans le répertoire traditionnel écossais qu’il a puisé son inspiration, les mince pies étant des petits pâtés farcis à la viande d’agneau et à la graisse de rognon mêlés d’épices et de fruits secs confits car à cette époque, et depuis le Moyen-âge, on aimait les épices et la cuisine sucrée-salée.
Toujours est-il que les petits pâtés de Pézenas ont l’étrange forme de bobines de 5 cm de haut et de 4 cm de large. Leur pâte est dorée et craquante et leur farce se compose toujours de viande d’agneau et de graisse de rognon hachées cuites avec de la cassonade et parfumées avec de la cannelle, de la muscade et du citron (en lieu et place de cédrat autrefois). C’est une farce brune de la consistance d’une confiture. Ils sont d’ailleurs assez difficiles à préparer lorsqu’on n’a pas le coup de main pour façonner la pâte et cela reste une pâtisserie communément faite par les pâtissiers et les traiteurs. Il paraît même qu’il faut un couteau et un morceau de manche à balai avec une encoche pour bien les réussir… ou plus exactement un bâton du nom de « bistourtier ».
Malgré — ou à cause — de son originalité, la recette de ces petits pâtés a perduré à travers les siècles jusqu’à devenir la spécialité de la ville. On la sert volontiers sur les tables piscénoises les beaux dimanches en famille.
De Béziers jusqu’à Nîmes dans le Gard et à Gruissan dans l’Aude, d’autres villes de la région ont également une recette fétiche de petits pâtés, généralement garnis d’une farce à la viande beaucoup plus compacte et plus proche du pâté en croûte. C’est notamment le cas des petits pâtés biterrois. À Nîmes, on les décline avec des farces très variées, allant du canard au gibier en passant par les cèpes ou la brandade de morue.
À Pézenas, Patrick et moi en avons goûté plusieurs. Mais comme il faut les déguster tièdes et que la farce, très confiturée, devient carrément coulante avec la chaleur, mieux vaut les mettre entiers dans la bouche, à la manière d’un cromesquis, afin d’éviter les dégoulinades. Raison pour laquelle nous n’avons pas pris de photo d’un petit pâté ouvert.
Une chose nous étonne quand même : natif de Pézenas, Bobby Lapointe ne nous a jamais troussé une petite chansonnette à sa façon sur cette spécialité locale. Greta Garbure va réparer cet oubli !
P’tits pâtés, p’tits pâtés !
(Sur l’air syncopé et approximatif d’une chanson de Bobby Lapointe : plusieurs fonctionnent.
Le dernier vers de la première strophe et les trois derniers vers de la dernière strophe sont parlés.)
À Pézenas, Pézenas
— une ville qui n’est pas nase —
Je n’sais pas si vous l’savez
mais on fait des p’tits pâtés, p’tits pâtés.
Ils ont une drôle de bobine, de bobine,
comme la tronche de ma cousine, ma cousine.
Il faut se les farcir (ma cousine aussi, c’est vrai !)
d’une bouchée, d’une bouchée,
autrement ça dégouline,
p’tits pâtés, p’tits pâtés !
Ma cousine aussi ? Non, ça, c’est pas vrai !
Ils ont une farce à la viande, à la viande,
mais pourtant un goût sucré,
— si, c’est vrai, demande à la marchande ! —
p’tits pâtés, p’tits pâtés… fourrés !
Ma nana, ma nana,
elle n’est pas de Pézenas, Pézenas.
Bah non puisqu’elle vient du pays des ananas, ananas !
Elle aime bien tout c’qu’est sucré, c’qu’est sucré,
alors elle en a becqueté
jusque-là, jusque-là !
Ma sucrée, j’l’ai embrassée, embrassée.
Mais ses baisers n’étaient pas sucrés, pas sucrés,
ils avaient un goût d’pâté, de pâté !
Bah ça alors !
J’en suis resté tout épaté !
Pas toi ?
blwavocats
26 octobre 2015 @ 13 h 30 min
Vous n’auriez pas la recette ?…par hasard ?
gretagarbure
26 octobre 2015 @ 13 h 40 min
Non, seulement les composantes qui sont dans l’article. Après chaque boulanger interprète à sa façon.
Paule N
30 octobre 2015 @ 12 h 48 min
Blandine, ça fait plusieurs jours que je ne reçois plus rien dans ma boîte mail. J’ai voulu me réabonner, mais on me dit, évidemment, que je le suis déjà…
gretagarbure
30 octobre 2015 @ 13 h 10 min
Paule, si c’est un problème informatique, il est lié à WordPress et nous n’avons malheureusement pas la main.
Mais peut-être est-ce simplement parce qu’avant nous publiions quotidiennement (week-end compris) alors qu’aujourd’hui, nous ne publions plus que trois articles par semaine environ car nous nous sommes aperçus qu’ils étaient lus avec assiduité (et des chiffres à la hausse) quand ils restaient plusieurs jours en place.
Évasion (balades) |
19 novembre 2015 @ 7 h 02 min
[…] avant de déguster à l’apéritif les petits pâtés dont nous vous avons déjà parlé ici :http://gretagarbure.com/2015/10/26/reconnaissance-du-ventre-57/puis de déjeuner à la Maison Conti que nous avons trouvé épatant […]