Dîner de chasse au Biondi, restaurant argentin Paris 11e ou la jolie promenade en forêt
C’est la saison du gibier qui va si bien avec les saveurs maraîchères de l’automne et certains restaurateurs ne se privent pas d’en mettre à leur carte. C’est la cas de Fernando De Tomaso, chef argentin qui s’est installé à Paris dans le 11e, à l’enseigne Biondi. Spécialiste des viandes — Argentine oblige — et des cuissons à la braise, il s’est allié à Michel Brunon, boucher bien connu du marché d’Aligre qui a des viandes d’excellente qualité et un art consommé du tranchage (c’est un vrai spectacle). En outre, Michel Brunon est un passionné de chasse et il est devenu non seulement le fournisseur de viandes de Fernando De Tomaso mais aussi son pourvoyeur en gibier. En cette saison donc, le duo met en exergue une cuisine qu’on peut qualifier de chasse, même si, bien sûr, tout dépend de ce que le chasseur a attrapé.
Toujours est-il que j’ai été conviée à diner en petit comité (une dizaine de journalistes) pour déguster un menu « dîner gibier » proposé cette saison parallèlement à la carte habituelle panachant toujours viandes rouges, agneau, très souvent poulpe (un dada du chef), foie gras (de saison, aussi) cuit à la braise avec cèpe, botternut et figue (ça fait envie), un poisson (par exemple le maigre), etc.
En hors d’œuvre, voici donc la « terrine de chasse » de Michel Brunon que nous nous partageons en amuse-bouche avec un verre de blanc dont je vous parlerai plus loin. À base de cerf, elle a de la mâche (ce qui décuple les arômes) et du goût, assaisonnée juste comme il faut pour ne pas être fade et ne pas non plus dominer plus la viande. Une petite salade l’émoustille.
En entrée, on nous propose maintenant des tacos de gibier avec une mayonnaise aromatisée et une petite salade d’herbes. Les tacos ne sont pas mis en scène ici parce que c’est tendance dans une certaine forme de restauration mais parce que c’est l’une des signatures culinaires de l’Amérique du Sud, ne l’oublions pas. C’est original et bon : l’équation tacos—gibier à poil—mayonnaise aromatisée—salade d’herbes conjugue le charnu goûtu (gibier), le craquant (tacos), le doux (mayonnaise) et une pointe d’acidité bienvenue (le vinaigre de la salade) qui donne un résultat composite équilibré en bouche, comme une petite symphonie.
Pour nous reposer le palais avant le plat principal, c’est au tour maintenant d’un plat que j’ai adoré : une crème de châtaignes avec une petite garniture de dés de potimarron fondus, de la ventrèche de sanglier encore grésillante et une tranche de pain grillé comme une tuile dentelle. Là, ce n’était plus seulement de la douceur mais de la volupté grâce à l’harmonie des saveurs et des textures.
Bon, j’ai tellement aimé que je vous remets la photo de la ventrèche de sanglier en gros plan. Je la trouve presque érotique.
Passons au plat servi en majesté — c’est plus beau que « plat de résistance », non ? —, un filet de cerf à la braise accompagné de gnocchi et de cèpes en petite fricassée (voir la photo en tête d’article). Que de la bonté, encore et toujours ! Le cerf est cuit parfaitement, la braise lui apportant un petit supplément d’âme, les gnocchi sont doux et moelleux, les cèpes à la fois charnus et fondants. On se croirait en forêt. Je n’ai qu’un seul mot : superbe !
Après ce fastueux repas, on se partage une petite planche de fromages avec un peu de pâte de coing. Pour moi, ce sera brie truffé pour rester dans des saveurs d’humus.
Et pour finir et se rafraîchir la bouche, un très joli dessert : une déclinaison d’agrumes qui mêle saveurs et textures, un leitmotiv du chef.
Pour accompagner ce joli repas, nous avons — comme il se doit — déguster des vins argentins. Malheureusement, j’avais pour voisine une très jeune consœur plus férue de mode que de gastronomie, peu bavarde (sauf pour nous vanter les charmes de Los Angeles où elle travaille en partie) mais surtout, qui s’était inondée d’un parfum très capiteux qui, olfactivement, a altéré en partie ce qu’aurait dû être ma promenade en sous-bois, et totalement ma dégustation des vins.
C’est donc sans commenter leur nez que je vous les présente :
D’abord un vin blanc Colomé 2018 de Torrentès sur la première partie du repas, appellation Salta de la Valle Calchaqui, vignoble situé à 1700 m au nord-ouest de l’Argentine, région qui semble jouir d’un micro-climat grâce à son exposition solaire, ce qui donne des vins d’une belle fraîcheur et d’une grande acidité, cette dernière donnant son équilibre au vin. La bouche révèle une expression sur les agrumes (citron et pamplemousse) et des notes épicées. Un vin rond, bien structuré, avec une longue et élégante finale.
Puis une AOC Salta toujours (donc également produite dans la Valle de Calchaqui), Amalaya de Amalaya mais en rouge, millésime 2017, qui associe 85% de malbec, 10% de tannat et 5% de petit verdot. Profond par sa couleur violacée et puissant par sa bouche aux tanins veloutés, assez juteux, il épousait parfaitement la densité des chairs giboyeuses.
En tout cas deux vins qui se laissaient boire.
Un petit verre de Legui — liqueur de canne à sucre élaborée avec une infusion d’herbes aromatiques, de caramel et d’écorces d’agrumes pour clore le tout — c’est bon pour la digestion — et nous voilà prêts à regagner nos pénates.
En conclusion, on peut dire que le chef maîtrise parfaitement son sujet, qu’il est inventif et talentueux, qu’il intègre judicieusement les produits argentins dans une cuisine de très bonne bistronomie, sans esbrouffe, conjuguant les saveurs avec maîtrise et audace, toujours dans le respect du produit et dans la véracité et la sincérité du résultat final. Une bonne adresse à noter dans son calepin !
Un petit regret cependant : ce repas était presque « tout cerf » puisque dépendant évidemment des gibiers dernièrement chassés.
J’aurais personnellement apprécié un beau plat de sanglier. Mais ça me donnera l’occasion de revenir pour goûter l’os à moelle, le poulpe à la braise… et la bête rousse !
Ce dîner de chasse est proposé à 55 € hors boissons.
BIONDI
118, rue Amelot
75011 Paris
Tél. 01 47 00 90 18
Réservation quasi indispensable
Ouvert du lundi au samedi de 12 h à 14 h 30 et de 19 g 30 à 23 h
Fermé le dimanche.
M° Filles du Calvaire / Oberkampf / République
Michel BRUNON
Marché Place d’Aligre
75012 Paris
Ouvert de 8 h à 13 h et de 16 h à19 h 30 du mardi au samedi.
Ouvert le dimanche de 8 h à 13 h 30.
Tél. 01 43 40 62 58