Carpaccio… ou l’histoire d’un massacre à la tronçonneuse !
Pas une carte de restaurant, pas une revue culinaire où ne fleurissent des carpaccios en veux-tu, en voilà !
À tout seigneur, tout honneur, d’abord le carpaccio de bœuf, qui est effectivement la recette originelle. J’y reviendrai.
Mais ont fait florès aussi : les carpaccios de thon, de saumon, de dorade, d’espadon (en fait, presque tous les poissons s’y prêtent), de Saint-Jacques, de langoustines, de foie gras, de magret de canard, de veau, de tête de veau, de cèpes, de truffes, de comté, de courgettes, de tomates, d’avocats, et même d’improbables carpaccios d’ananas, de mangues, de figues… ou de fraises.
Car le mot « carpaccio » est tout bonnement devenu synonyme de couper en tranches très fines, d’émincer.
Le pauvre Vittore Carpaccio, peintre vénitien (né en 1460, mort en 1526) — de son vrai nom Scarpazza —, doit s’en retourner dans sa tombe. Car avant d’être devenu un terme culinaire, Carpaccio, c’est avant tout un peintre de l’école vénitienne. En marge de la mode picturale de son époque, il fut même l’un des premiers à utiliser la présence de l’architecture dans ses toiles. Et il aimait particulièrement les tons violacés et les rouges profonds.
C’est d’ailleurs ce qui, en 1950, donna l’idée à Giuseppe Cipriani, chef du Harry’s Bar de Venise, de créer une recette en hommage à ce peintre lors d’une exposition en son honneur dans sa ville natale. Il adapta une recette traditionnelle en Italie du Nord : la « viande crue à la piémontaise » (carne cruda alla piemontese), viande de bœuf finement émincée à cru et classiquement assaisonnée d’une vinaigrette au citron avant d’être parsemée de copeaux de truffe blanche (à la rigueur de parmesan).
Pour l’occasion, Cipriani inventa une sauce de type mayonnaise artistement présentée sur la viande en un camaïeu de couleurs purpurines.
Succès immédiat, à tel point que, du jour au lendemain, la recette de la viande crue à la piémontaise fut rebaptisée… carpaccio !
Et voilà comment, au fil des années, de glissement sémantique en dérapage culturel, un peintre est passé à la postérité en se faisant découper en fines rondelles !
Jean-Louis
28 novembre 2012 @ 10 h 02 min
Très bel article, avec la gourmandise à la sauce culturelle, où comment le Piémont se peint en fines tranches. Voilà la vérité à partager, apprendre, apprendre, apprendre. Merci
Un p’tit goût de revenez-y ! |
29 juin 2014 @ 6 h 01 min
[…] http://gretagarbure.com/2012/11/28/les-mots-des-mets-la-saveur-cachee-des-mots/ […]
Nos mille-feuilles (nos feuilletages de la semaine) |
10 janvier 2017 @ 7 h 01 min
[…] salade au thon mais aussi carpaccio dont nous vous avons déjà narré l’étrange histoire : https://gretagarbure.com/2012/11/28/les-mots-des-mets-la-saveur-cachee-des-mots/Vous y trouverez aussi des recettes de polenta aux petits oiseaux, de pintade, de canard (sauvage) […]