Aubert & Mathieu : des vins qui se veulent modernes
Parlons d’abord de la philosophie de ces deux jeunes créateurs négociants, Anthony Aubert et Jean-Charles Mathieu, deux amis d’enfance qui se sont associés dans le but de faire des vins « modernes » et pleins de fraîcheur, élaborés dans le respect de l’environnement. Ils ont décidé de changer la façon de produire… et même de consommer le vin ! Leurs mesures concrètes : neutralité carbone, soutien à la biodiversité, packagings éco-conçus et production de vin à faible teneur en sulfites.
Vous me direz, rien de nouveau sous le soleil, ils ne sont pas les premiers à le faire mais saluons la fougue de la jeunesse à vouloir bousculer les codes et refaire le monde. Cela dit, ils vont assez loin dans leur démarche éco-consciencieuse en matière de neutralité carbone puisqu’ils adhèrent à l’initiative d’ECOLOGI qui leur permet de planter des centaines d’arbres chaque année. Ils soutiennent aussi des projets humanitaires et environnementaux : en Érythrée, avec la construction de puits utilisant moins de bois dans leur méhode de purification ; en Uruguay, en contribuant à la revalorisation des sols par la reforestation. Plus localement, ils soutiennent l’AMPA qui protège les abeilles si utiles à la vigne.
Par ailleurs, la marque utilise du papier-fleur pour sa communication, un papier recyclé et fait main qui contient des graines et qui se replante. Les bouteilles sont fabriquées à partir de verre allégé dans le sud de la France. Les étiquettes et les cartons proviennent de matériaux bio et recyclés. Enfin les bouchons de liège sont également certifiés, ce qui contribue à une gestion responsable des forêts. On ne peut que dire bravo.
Mais passons aux vins
Les vins sont présentés comme issus des meilleurs terroirs du Languedoc Roussillon, garantissant une faible teneur en sulfites. La marque compte aller encore plus loin en passant à une gamme certifiée agriculture biologique.
Leur positionnement est de cibler une clientèle exigeante et jeune.
Il y aurait donc des vins pour les jeunes et des vins pour les vieux !
Bon, moi qui ai plusieurs fois vingt ans, garçons, permettez-moi de rigoler. Comme disait Jacques Puisais, un grand Monsieur du vin — mais un ancêtre puisqu’il a 93 ans (et vinifie toujours en Corrèze) — : « Un vin doit avoir la tête de l’endroit où il est né et les tripes de celui qui l’a fait. » « Tout le reste n’est que litres et ratures » comme disait aussi Antoine Blondin à propos du métier d’écrire, lui qui s’y connaissait particulièrement en dégustation de vins. Car écrire et faire du vin ne sont pas des activités si éloignées que ça l’une de l’autre.
Personnellement, j’ai goûté leurs Terrasses du Larzac et leur Côtes du Roussillon Villages Caramany.
Terrasses du Larzac 2018
Disons-le tout net, je l’ai beaucoup aimé car il est très expressif.
Il se compose des cépages mourvèdre (50%), syrah (25%) et grenache (25%).
Le vignoble est cultivé en altitude sur les contreforts du Larzac (rendement 25 hl/ha), sur un terroir argilo-calcaire et schistes, en biodynamie. Sa maturation est lente. Les raisins récoltés à la main puis, après la vinification traditionnelle, élevés 12 mois en fûts de chêne 30% neufs, 40% en barriques d’un vin et 30% en barriques de deux vins). J’explique tout pour nos plus jeunes lecteurs afin qu’ils se familiarisent avec des notions importantes quand on veut découvir le monde du vin.
Chaque gorgée est une balade qui vous prend d’abord au nez, comme lorsqu’on s’aventure en forêt et que plein d’effluves vous saisissent voire vous agressent par leur manifestation. C’est tout aussi évident en bouche où le mourvèdre s’identifie bien. On a l’impression de sucer du bois de réglisse et que des notes subtiles d’épices viennent soudain titiller vos papilles comme le macis et le poivre noir mais aussi un peu de fruits noirs, de cassis, du laurier et de l’eucalyptus (bien présent) et même du cade. Pour un peu, on se croirait dans une garrigue provençale même si la presqu’Audoise que je suis — comme mon nom en témoigne — aimant à parcourir ces landes touffues de ce coin du bout du monde et à s’écorcher les mains pour cueillir des mûres dans les halliers de ronces pendant l’été, sait bien que la garrigue ne manque pas non plus en Languedoc. C’est donc un vin robuste (14°) mais dont le charnu reste souple en bouche. Un vin qui apprécie donc des plats de bonne compagnie à table.
Côtes du Roussillon Villages Caramany 2018
Comme on ne connaît pas tout même en prenant de l’âge, j’avoue que même si j’adore généralement les Côtes du Roussillon, je ne connaissais pas l’appellation Villages Caramany. Comme quoi, c’est bien de s’y coller le plus tôt possible.
Pour ce vin, le vignoble est planté en coteaux sur les contreforts des Pyrénées, situation parfaite pour apporter de la fraîcheur et de la complexité, sur un terroir de gneiss et de granit, sur la commune de Caramany où les fortes amplitudes de température permettent aux raisins de mûrir lentement.
Il est composé de 40% de carignan, 40% de syrah et 20% de grenache. La récolte et le triage de la vendange se font à la main puis la vinification dure 3 semaines. C’est le carignan, si particulier à la région qui, vinifié en macération carbonique, est assemblé à la syrah et au grenache noir vinifiés quant à eux de manière traditionnelle. La cuvée est alors élevée pendant un an en fût de vin blanc, ce qui lui apporte incontestanlement de la douceur. Cela donne un vin aromatiquement très complexe avec des notes mentholées de sous-bois, de fruits mûrs et même de truffe, à conjuguer là encore avec des plats qui en valent la peine, surtout en péride de frimas. Étonnamment, en bouche il garde une fluidité subtile malgré ses 14,5°.
Toute la gamme des vins Aubert & Mathieu est à 24,90 € la bouteille. Voir conditions sur le site.
Pour conclure, ces vins m’ont tout à fait convaincue de leur potentiel.
Par ailleurs, étant la première à souhaiter que les jeunes boivent du vin — des vins — plutôt que des sodas et à souhaiter aussi qu’ils s’alimentent avec de la vraie cuisine plutôt qu’avec des improbables cochonneries de fast food, la démarche d’Aubert & Mathieu est méritante et me séduit évidemment. Mais je me dis tout de même que si ces vins s’adressent prioritairement aux jeunes, d’une part, il faut qu’ils soient éduqués à la gastronomie et d’autre part, suffisamment argentés pour se payer des bouteilles à ce prix-là. Mais faisons le vœu que ça marche.
Aubert & Mathieu – 22, rue Courtejaire – 11000 Carcassonne
courriel : contact@aubertetmathieu.com
Site : aubertetmathieu.com