Agapé – Paris
Agapé
Restaurant 1*
Paris 17ème
Il y a des accouchements difficiles !
C’en fut un !
Il est toujours délicat de critiquer un restaurant où l’on est invité.
Rappelons que sur Greta Garbure, ce n’est pas toujours le cas :
http://gretagarbure.com/2012/11/16/la-chronique-de-greta-garbure-2/
Bon, quand il y a tromperie ou ce que nous appelons « foutage de gueule », nos scrupules sont étouffés par le fait qu’on alerte nos lecteurs sur la possibilité d’une grave déception. Encore une fois, quand une maison fait la démarche « commerciale » d’avoir un service de presse — car ce n’est pas pour nos beaux yeux que nous sommes invités ! — c’est qu’il y a un enjeu économique pour eux.
Mais ce n’est pas — comme le croient certains — donnant-donnant en ce sens que « puisqu’il y a eu invitation, il y a forcément des louanges à la clé », mais dans le sens où « l’hôte et l’invité doivent être en accord, et même… raccord ! Chacun doit faire la moitié du chemin avec la même honnêteté intellectuelle.
Si nous faisons ce préambule, vous vous doutez bien que c’est parce que, globalement, nous avons été déçus. Pourtant, nous y sommes allées avec beaucoup d’emballement !
Alors, nous sous sommes posé la question de savoir si cette chronique, on l’écrivait… oui ou non !
Et pour tout dire, ça fait trois mois que nous hésitons et que nous tournons notre plume dans notre encrier ! Car d’un côté, ne pas faire le récit de notre expérience, ce n’est pas très déontologique, mais de l’autre, souligner tout ce qui ne va pas, c’est délicat !
La problématique avec l’Agapé, c’est qu’il y a absolument tous les ingrédients pour que ce soit enchanteur ! Et néanmoins, ce fut, sinon un désastre, à tout le moins un fiasco !
Et ce, malheureusement dès l’accueil. Nous étions attendus pour 20 h et nous sommes arrivés à 19 h 55. Sans aucun doute un crime de lèse-majesté pour Shawn Joyeux, notre amphitryon, qui nous l’a fait immédiatement remarqué sur un ton glacial ! Tout juste s’il ne nous a pas demandé de poireauter 5 minutes sur le trottoir ! Certes, nous étions les premiers. Mais suivis 2 minutes plus tard par deux tablées d’Asiatiques à qui on n’a fait aucune remarque !
Bon. Nous est proposé après notre installation un menu-dégustation selon les envies du chef. Banco ! Mais…
Pour une fois, nous n’allons pas détailler tous les plats un par un car une chatte n’y retrouverait pas ses petits ! Ont donc défilé 7 plats, 3 desserts et des mignardises. Des assiettes comme on les fait aujourd’hui : extrêmement stylisées, composées comme des tableautins, avec un ingrédient majeur et une théorie d’ingrédients périphériques qui font penser à un cortège nuptial. Ce fut le cas pour tous les plats que nous avons dégustés, avec des produits d’excellence — disons-le ! — mais une telle sophistication dans l’élaboration et les mariages que c’en était plus que déstabilisant.
« Pas plus de trois saveurs dans l’assiette » disait Bernard Loiseau ! Et il avait bien raison.
Car pour notre dîner, la pléthore de composantes était telle que les intitulés des plats étaient longs comme des strophes du Mahâbhârata et que nous n’avons pas pu les noter car une fois énoncés, il n’était pas question de faire répéter et à peine de demander des explications.
Nous nous contenterons donc d’énumérer ce qui nous a été servi :
— Un « carpaccio de veau fumé au bois de hêtre » avec des saveurs de mandarine en contre-point, très subtil. Nous insistons car c’est le plat qui nous a le plus séduits.
— Une « huître en émulsion » dont l’identité iodée était masquée par une écume qui n’avait rien de maritime.
— Un « foie gras en pot-au-feu » au bouillon trop corsé, pas agréable à boire.
— Une digression crémeuse « à la betterave » à laquelle nous avons trouvé un goût très — trop — terreux.
— Des « langoustines du Finistère », bonnes mais sans rien d’original et où l’on retrouvait encore de l’écume.
— Des « Saint-Jacques de Brest crues contisées » avec une mirepoix de légumes et des pichenettes pointillistes de sauces hésitant entre crème et mousse.
— Une « tourte de colvert de chasse française », fort savoureuse. Là encore nous insistons.
Une cuisine faite à partir de produits d’exception mais où les herbes, les jeunes pousses, les fleurs, les sauces, les mousses, les écumes, les jus, les mirepoix de légumes, les épices, les condiments, les compléments d’objet directs et indirects dénaturent l’altérité de ces produits. Une cuisine tellement apprêtée — même quand le produit est cru ! — que tout n’était pas identifiable.
Bien sûr, nous n’avons rien mangé de mauvais. Mais trop d’ingrédients dans l’assiette, ce n’est pas notre idée du raffinement car cette accumulation va à l’encontre du goût. Comme si l’esthétique de l’assiette primait le goût.
Disons que là où nous aurions aimé une symphonie, il y a eu surtout embrouillaminis, voire cacophonie ! N’évoquons même pas les desserts, simplets ou au contraire tape à l’œil mais sans réel intérêt gustatif.
Certes, nous aurions été sans doute plus indulgents si le service n’avait pas été d’un genre que nous n’avions encore jamais rencontré : à la fois distant, condescendant, obséquieux et cassant.
Ainsi, le serveur qui s’est occupé de nous n’avait jamais le temps de nous donner des explications ni de répondre à nos questions mais en revanche, il n’en manquait pas pour venir interrompre notre conversation à tout bout de champ et nous demander : « ça vous a plu ? » !
L’option qui nous a été proposée d’assortir chaque plat d’un verre de vin a emporté notre adhésion enthousiaste. Le sommelier a même accepté de nous les servir à l’aveugle afin de rendre le dîner encore plus récréatif.
En fait, ledit sommelier s’est révélé bientôt être un grand amateur de vins et, à l’usage, surtout un amateur !
La succession d’appellations pas très contrôlées, de notions incertaines de la géographie du Sud de la France (Faugères dans le Roussillon !), d’approximations dans le nom des domaines et, après des dénégations formelles, sa surprise incrédule quand on lui a fait remarquer que son muscat du Cap corse était un vin doux naturel et non botrytisé…
Tout ça a donné une fin de repas tournant à la franche poilade, ce qui tranchait carrément avec la rigueur souhaitée par la direction. On voyait leurs sourcils se froncer de minute en minute.
Alors que dire ?
Cet établissement a tous les atouts pour être une adresse d’excellence.
Les produits sont formidables mais le chef, Toshitaka Omiya, a trop à cœur de vouloir démontrer toutes les facettes de son talent dans le cadre d’une même assiette, ce qui annihile leur vérité.
Résultat : ce repas nous a laissé un goût amer et une vive déception.
Surtout au prix où sont les additions… quand on les paye !
Et d’autant que l’accueil, comme nous l’avons dit…
Comme si le client dérangeait… ce qui est tout de même un comble !
À moins que ce soit notre statut de journalistes qui leur ait mis la pression au point d’être perturbés par notre présence, ce qui expliquerait ce côté « sur le qui vive » de nos hôtes, mais toujours pas une certaine arrogance dans la manière de nous envisager.
Certes, nous ne nions pas être sévères dans notre jugement.
Nous comprenons parfaitement les chefs qui refusent d’inviter des journalistes. C’est un parti-pris que nous respectons. Mais s’il y a invitation, alors que ce soit avec un esprit de convivialité, dans la joie et la bonne humeur !
Surtout quand on s’appelle « Agapé » !!!
Bon, pour finir sur une note drolatique, évoquons notre passage aux toilettes… chacun à notre tour, il va sans dire ! Qui valent le détour ! Car ce sont des toilettes électroniques commandées par un tableau de bord digne d’une navette spatiale dont nous vous laissons deviner toutes les options plus ou moins investigatrices, plus ou moins chatouilleuses…!!!
Déjeuner de saison 35 €
Menu Agapé 90 €
Menu Carte Blanche 120 €
Invitation d’une attachée de presse.
Blandine & Patrick
Agapé
51, rue Jouffroy d’Abans
75017 Paris
M° Wagram
Tél. 01 42 27 20 18
Site : www.agape-paris.fr