Le menu basque de la Maison Blanche – Paris
Le menu basque de la Maison Blanche
Paris 8e
Vous vous en êtes sûrement déjà aperçus, Patrick et moi avons une dilection très marquée pour tout ce qui touche à l’extrême sud-ouest (départements 40 et 64). C’est lié à nos deux histoires.
C’est pourquoi nous sommes attentifs à tout ce qui se pare de qualificatifs du cru.
Ainsi, quand un ami attaché de presse m’invite avec deux autres amis journalistes à goûter le “ Menu basque” du restaurant « La Maison Blanche »… j’y cours !
Le cadre du restaurant est déjà en soi une réjouissance rien que pour la vue somptueuse sur Paris. En plus, il fait beau ce jour-là, ce qui la rend encore plus belle !
J’arrive la première et l’on me sert une coupe de Duval-Leroy pour me faire patienter.
Mes camarades arrivent peu après et comme l’un d’eux est très médiatisé, on nous sert immédiatement une cuvée supérieure qui, j’en conviens, a plus de panache. J’adore ce genre de détails qui démontre qu’un restaurant traite différemment les clients lambda et les VIP.
La compagnie est agréable et nous devisons gaiement.
Mais passons à table !
L’intitulé du menu est effectivement tout ce qu’il y a de plus basque et met en appétit.
En amuse-bouche, nous commençons par un « consommé de canard “garbure de Béarn” » fort joli et engageant. Mais est-ce bien raisonnable d’assimiler le Béarn au Pays basque, même si la garbure a été adoptée bien au-delà des frontières béarnaises? Et puis, les Basques ne rajoutent-ils pas du piment d’Espelette qui colorent le bouillon en rouge ?
Bon, la recette est revisitée, déstructurée même, avec un petit morceau de couenne grillée posé sur le dessus. C’est joli, c’est très bon — j’insiste, c’est très bon — mais c’est un peu antinomique avec la garbure telle qu’on la sert au pays : roborative et dans laquelle, rappelons-le, on dit que la cuillère doit tenir debout pour être réussie !
Comme entrée, suivent des « chipirons farcis et piperade ». L’assiette est jolie mais en trompe-l’œil puisqu’on a l’impression que les calmars sont eux-mêmes enfilés dans des piments piquillos, ce qui n’est pas le cas puisqu’ils sont simplement glacés avec un coulis desdits piments. Mais ça fait son effet. Hélas, moins en bouche car la farce des céphalopodes est très compacte, fade et manque très franchement de relief. On est d’autant plus déçu.
Bon, le « salmis de palombe, fricassée de cèpes » servi en plat de résistance devrait nous ramener à de meilleurs sentiments. Là encore, l’assiette est stylisée mais très belle. C’est bon et la cuisson est parfaite car dans un salmis, contrairement à une idée reçue, la chair doit être rosée, c’est le fond de sauce qui doit mijoter longtemps ! Mais le fond de sauce doit être abondant, il doit pouvoir « tremper » l’escoton de maïs traditionnel (sorte de bouillie proche de la polenta) et l’on doit aussi pouvoir y écraser la pomme de terre si on la préfère au maïs ! Quant aux cèpes qui ont la bonne idée de pousser au moment où passent les palombes, ils sont sans doute la garniture qui se marie le mieux avec le fumet du gibier. Seulement voilà ! La sauce et les cèpes étaient bien présents dans l’assiette mais un peu trop discrètement par rapport aux choux, même si l’accord était judicieux. De même que le morceau de foie gras « ajouté » pour renchérir était délicieux mais superfétatoire. Un salmis est un plat rustique, un plat de chasse, pas un plat de boudoir, aussi bon soit-il !
Cela dit, il est ici très bien réalisé, harmonieux, goûteux, mais avec sa belle mise des dimanches, est-ce encore un salmis ?
Mais concluons notre repas : ossau-iraty pour moi et tarte au chocolat au piment d’Espelette, sauce aux noix et glace mouchous de Pariès pour mes commensaux. Eh bien pour une fois, j’aurais mieux fait de prendre le dessert car le fromage était décevant.
Mais parlons vin.
Nous avons bu les vins conseillés avec le menu : un irouleguy blanc 2011 (12 € le verre, 64 € la bouteille) sur les chipirons et un irouleguy rouge 2009 (13 € le verre, 74 € la bouteille) sur le salmis, tous les deux du domaine Brana dont la réputation n’est plus à faire. Cependant l’irouléguy rouge, nous l’avons trouvé un peu rustre avec la palombe — cette palombe-là, trop distinguée peut-être — et nous l’avons « échangé » contre un Bourgogne pinot noir de Thierry et Pascale Matrot dont je n’ai plus souvenance du millésime (10 € le verre, 54 € la bouteille) mais qui faisait mieux face au gibier.
Impressions mitigées donc pour ce repas où tous les ingrédients étaient là pour que ce soit bien mais où l’émotion n’était pas au rendez-vous.
Car, comme disait Joseph Delteil dans La cuisine paléolithique : « La nourriture a double fonction, elle répond au rêve de notre âme comme à l’appétit de nos entrailles. »
Ainsi, même belle à regarder, même bonne à manger, une assiette peut décevoir parce qu’elle ne répond pas à notre imaginaire.
La vraie question est peut-être : est-ce que la cuisine régionale supporte d’être déstructurée et est-elle encore de la cuisine régionale ?
Je m’attendais à manger basque.
Attention, je n’ai pas dit une cuisine caricaturale avec bandas en musique d’ambiance. Je n’oublie pas le lieu où nous sommes : un établissement de luxe à Paris.
Qui contente certainement sa clientèle d’hommes d’affaires (à notes de frais).
Nous sommes dans le « triangle d’or » de la capitale, il faut manger chic et raffiné, plutôt léger, gastronomiquement correct, loin des fondamentaux.
En ce sens, cette cuisine touche certainement sa cible.
Cependant, si je peux comprendre qu’une très jolie présentation s’impose et qu’un chef — en l’occurrence Hervé Nepple — tienne absolument à mettre sa patte personnelle dans sa cuisine, à vouloir trop bien faire, à trop épurer, ne transgresse-t-on pas l’identité d’un plat ?
Ce que je veux dire, c’est que je n’ai pas vraiment mangé basque.
Parce qu’il manquait l’accent, la générosité, le petit supplément d’âme.
Un peu comme si j’étais venue voir une toile de Rubens et qu’en fait, elle ait été réinterprétée à la manière de Bernard Buffet !
On peut préférer l’un à l’autre, ça ne se discute pas.
Car les deux ont leur charme mais, avec la meilleure volonté du monde, l’esthétisme policé et ascétique du second ne peut rendre la prodigalité exubérante du premier.
Vaste débat !
Menu des régions 87 € : basque jusqu’au 5 janvier (midi et soir).
+ Vins
Voir aussi nos articles :
— La garbure : http://gretagarbure.com/2013/03/02/plats-mythiques/
— Le salmis de palombes : http://gretagarbure.com/2013/10/28/traditions-us-et-coutumes-9/
J’aimerais ajouter quelque chose de triste et dédier ce papier à Michel Creignou.
Un journaliste discret qui depuis plus de quarante ans, avait mis sa plume au service de la gastronomie. Avec talent, efficacité et gentillesse.
Je n’avais pas l’intention de nommer mes compagnons de bouche, mais la vie, qui est parfois bien cruelle, a fait que ce repas fut le dernier repas en ville de Michel.
Et ça m’émeut profondément de l’avoir partagé avec lui.
L’essentiel est que nous ayons été heureux de ce moment passé ensemble.
Et que nous le gardions en mémoire dans nos cœurs.
Michel, je lève mon verre en ton honneur et à ta mémoire !
Et que ton repos te soit doux comme un verre de château d’Yquem…
Invitation d’un attaché de presse.
Blandine Vié
La Maison Blanche
15, avenue Montaigne
75008 Paris
De 12 h à 14 h et de 20 h à 23 h en semaine,
de 20 h à 22 h le week-end.
Réservation : 01 47 23 55 99
Brizou
26 novembre 2013 @ 18 h 10 min
« est-ce que la cuisine régionale supporte d’être déstructurée et est-elle encore de la cuisine régionale ? »
Non bien sûr. La cuisine régionale se doit d’être chaleureuse dans son intégrité, et pourquoi pas des fleurs de capucine pendant qu’on y est ?
Cléophée
Bonne table ou évi-table ? | The fisheye...
27 novembre 2013 @ 11 h 10 min
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