La purée de vitelottes
La purée de vitelottes
ou quand l’esthétique prime le goût
chez les gogos de la planète food !
Manger une bonne purée faite avec des pommes de terre à purée — et ce ne sont pas les variétés appropriées qui manquent — tenez-vous-le pour dit, c’est ringard ! Pire, c’est réac !
Eh oui ma bonne dame, la purée de nos grands-mères, c’est trop bon !
Mais surtout bien trop rustique !
Même dans les familles, la purée en flocons type « Mousline® » (Nestlé® ayant encore frappé !) l’a bien souvent hélas détrônée au quotidien.
On en arrive à être obligé d’aller au restaurant pour déguster une vraie purée ! C’est le monde à l’envers. Enfin, quand je dis restos, pas tous, seulement les vrais, on est d’accord !
Quoique !
Même au resto la purée n’est plus une valeur sûre !
Il n’est pas jusqu’à la purée à l’huile d’olive, l’une des recettes emblématiques de Joël Robuchon — qui n’en est d’ailleurs pas le créateur malgré la légende car le premier à l’avoir lancée fut José Lampreïa, trop tôt décédé, lorsqu’il était chef de « La Maison Blanche » — qui ne soit en passe d’être ringardisée.
Non, ce qu’il faut désormais aux foodistas, c’est de la purée… jolie !
Adieu donc la grosse cuillerée renversée dans l’assiette façon dôme, adieu le puits creusé au milieu pour y verser la sauce du poulet, tout ça date du temps de votre grand-mère et aujourd’hui même votre grand-mère veut avoir l’air « djeun’s » !
Et la purée jolie, c’est une purée… violette !
Donc tant pis si la vitelotte — puisque c’est d’elle qu’il s’agit — n’est pas à proprement parler une pomme de terre qui convient pour la purée, du moment qu’on peut épater le chaland (le client au restaurant) ou ses invités, fussent-ils des amis !
Variété ancienne longtemps disparue car elle est très sensible aux maladies (notamment au mildiou), ses qualités gustatives sont très discutées et ne font guère l’unanimité même chez les pépiniéristes.
En fait, « cette couleur est considérée comme son seul mérite » (Vilmorin, Plantes potagères, 1891).
En réalité — ne la condamnons pas complètement — elle a parfois (pas toujours) un petit goût de châtaigne qui peut se révéler bienvenu.
Mais là où elle pèche vraiment, c’est par sa texture ! Impeccable pour faire des frites ou des chips, elle n’assure plus quand on lui incorpore du lait. Il faut donc l’écraser en lui mêlant du beurre — et si l’on veut absolument ajouter du liquide pour la détendre, il vaut mieux que ce soit de l’eau de cuisson — ou la panacher impérativement avec une variété à purée c’est-à-dire dite à chair ferme : Bintje, Belle de Fontenay, B.F. 15, Monalisa, Estima, Nicola, Safrane, Spuntina, charlotte, ratte, etc.
Bref, avec seulement du beurre, elle est très compacte et quasiment indigeste, et avec du lait, elle se délite et doit être maintenue, par exemple dans un contenant de type verrine ou ramequin, ou à tout le moins cerclée.
Nous vivons hélas dans une société où le paraître est plus important que l’être, les emballages plus importants que les contenus, le superficiel plus important que l’essentiel !
Tant pis pour ceux qui se laissent séduire par cette inversion des valeurs !
Et qui — entre autres distorsions — servent à leur table de la purée de vitelottes non pour se régaler… mais pour faire joli !
Car voilà bien le maître-mot : joli !
Aujourd’hui, on ne mange plus parce que c’est bon mais parce ce que c’est joli ! Et nous ne cuisinons plus en fonction de nos cinq sens mais seulement par rapport à la vue qui domine tous les autres.
Raison pour laquelle nos assiettes sont désormais parsemées de fleurettes en veux-tu en voilà !
Et le troupeau des snobs applaudit et s’engouffre !
Dois-je vous rappeler l’étymologie du mot snob ?
Quand c’était encore l’Église qui tenait les registres d’état-civil, on y inscrivait les mentions « nob. », abréviation de noble (du latin nobilis) pour les personnes de la noblesses et « s.nob », abréviation de « sine nobilitate » (sans noblesse en latin) pour les autres !
Plus tard, le mot a évolué pour désigner ceux qui singent le comportement et les codes d’une élite à laquelle ils rêvent d’appartenir en vrai. Mais ce ne sont que singeries…
Comme disait ma grand-mère — dont la purée était un pur chef d’œuvre et le langage plus fleuri que les assiettes de nos restaurateurs grégaires — en fin de compte, un snob, c’est juste… « un parvenu qui pète plus haut que son cul » !
Darya
25 novembre 2013 @ 9 h 18 min
Merci pour un chouette billet d’humeur et surtout pour le rappel de l’étymologie du terme snob que je ne connaissais pas ou que j’avais oubliée ! Je ne suis pas experte en purée de pommes de terre, mais je suis d’accord avec vous : je trouve dommage que l’esthétique prime sur le goût de nos jours.
Je ne sais pas si vous trouverez mon argument en défaveur de la purée de vitelottes acceptable mais il me semble que la forme, souvent bosselée, la taille, souvent petite, et la peau, souvent épaisse, rendent l’épluchage de la vitelotte plutôt difficile. Enfin, je dis peut-être ça parce que je suis paresseuse…
Ariane
25 novembre 2013 @ 10 h 11 min
Tout à fait d’accord, je trouve la purée vitelotte sans intérêt, vive le goût et le plaisir de tous les sens ! Et bravo pour vos billets d’humeur, continuez !
SOIZE
25 novembre 2013 @ 13 h 33 min
J’ai essayé il y a quelques années et j’ai trouvé cela sans intérêt. J’aime la purée avec du beurre, du lait entier, du poivre ! Je l’aime onctueuse et généreuse comme mes hanches où elle s’accroche !
christine
25 novembre 2013 @ 20 h 38 min
une bonne purée, une vraie avec des PDT normales n’est pas si évidente à réussir, trop liquide ou pas assez… alors en ce qui me concerne je vais en rester là ! A l’occasion, si vous nous donniez une recette de bonne purée je suis preneuse. le plus simple en cuisine est parfois bien compliqué, suis-je bien claire !!!!
P'tit billet d'humeur | The fisheye of gourmet ...
27 novembre 2013 @ 11 h 19 min
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