Voyage dans les bistrots de l’Ouest, un livre de mémoire de Pierrick Bourgault !
La couverture donne le ton. Avec cet ouvrage, nous sommes carrément à l’Ouest. L’Ouest de la France : Sarthe, Mayenne, Normandie, Bretagne… jusqu’à l’île de Groix tout au bout ! Ce ne sont pas pour autant des « bars de la marine » mais des bistrots atypiques, lieux de mémoire avec chacun sa personnalité, c’est-à-dire le reflet de la personnalité d’un tenancier ou d’une tenancière qui ont su fédérer, pour des raisons différentes, une clientèle d’habitués ou plus excatement une famille de personnages.
C’est émouvant, parfois drôle, parfois triste, le portrait d’une certaine France majoritairement composée d’ouvriers et de paysans, des gens que l’on croise tous les jours, des gens du peuple, des petites gens si l’on veut, mais aux vies riches d’anecdotes, d’émotions, de bienveillance, d’entraide, de rires, de joies, de petits ou grands chagrins, de tendresse… et bien sûr de verres partagés. Une somme de souvenirs qui est une peinture sociale de la vie quotidienne. Comme dit l’auteur : « Le bistrot, c’est l’art de vivre l’éphémère. »
Par-delà les petites histoires personnelles partagées, de celles qui font le tissu social, j’ai appris des choses cocasses que j’ignorais comme le fait qu’autrefois, on n’avait pas le droit de tenir un tabac si l’on était divorcé, et d’autres sidérantes comme d’apprendre qu’aujourd’hui, il reste à peine 30 000 cafés en France alors qu’il y en avait un demi-million au début du XXème siècle… soit vingt fois moins, ou encore que des petites bourgades de moins de 1000 habitants pouvaient compter jusqu’à quinze cafés. Les règles administratives de plus en plus complexes en sont pour la plupart la cause, au point que la rentabilité d’un bar est devenue aujourd’hui très hasardeuse. Mais il y a pire : c’est que ces bars de campagne, de villages ou de petites villes étaient beaucoup fréquentés par des retraités qui, sans cette chaleur humaine trouvée dans ces lieux confraternels où l’on pouvait taper la belote ou la discute tout un sirotant un verre de vin, une anisette ou une bière, se retrouvent désormais confrontés à la solitude.
Triste aussi que beaucoup des établissements qui nous sont racontés dans ce livre soient hélas fermés, soit parce que leur patrons ou patronnes sont décédés, soit par décision administrative pour insuffisance de mise aux normes, soit, plus navrant encore, parce que l’installation d’un rond-point a dévié les automobilistes de passage des ces lieux si pittoresques et si humains. Sans même parler de la pandémie actuelle.
Mais finissons tout de même sur une note d’espoir car de nombreux jeunes se sont investis dans des projets associatifs pour éviter justement que des villages ne meurent et beaucoup de bonnes idées sont en train de voir le jour pour que la fraternité de ces lieux, la musique que l’on y fait parfois (malgré les taxes ogresques de la Sacem) perdure et que vive toujours ce réconfort que l’on trouve simplement à être les uns avec les autres, avec ou sans cafard, juste pour l’ambiance et la chaleur humaine.
C’est un livre de mémoire qui nous raconte ce qui nous a façonnés et qui est plein de belles images pour nous le rappeler.
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Journaliste et photographe, Pierrick a écrit une cinquantaine d’ouvrages dont une quinzaine de livres et guides sur les bistrots.
Voyage des les bistrots de l’Ouest
Textes et photos Pierrick Bourgault
Éditions OUEST FRANCE
Prix : 15,90 €