Sublimation de l’époisses au restaurant « Les climats » !
Voilà une excellente surprise ! Un déjeuner de presse où tout est raccord : le produit, les recettes conçues par le chef pour ce produit, et les accords mets et vins proposés par le sommelier ! Nous avons donc été conviés (en très petit comité) dans la belle verrière du restaurant « Les Climats » (41 rue de Lille, Paris 7e) pour un déjeuner à la découverte de l’époisses Berthaut.
Rappelons tout d’abord que l’époisses est un fromage de Bourgogne à pâte molle et à croûte lavée. Devenu AOC « Époisses de Bourgogne » en 1991 (le premier dossier d’AOC remonte à 1965), puis AOC « Époisses» en 1999, il est AOP depuis 2003. Son aire géographique est comprise entre la moitié nord-ouest de la Côte d’Or, deux cantons de la Haute-Marne et trois cantons de l’Yonne. Il doit son nom au village d’Époisses.
Il est fabriqué avec du lait de vache produit dans la zone et exclusivement issu de trois races laitières : la Brune, la Montbéliarde et la Simmental française. Objectivement, tous les fromages que nous avons goûtés étaient d’une qualité sans reproche, très typés et très goûteux. Le format le plus courant est un petit cylindre d’un poids de 250 g (il faut 2 litres de lait par fromage) mais il existe aussi des formats plus larges et moins hauts (d’un poids d’environ 750 g) appelés perrières (6 litres de lait par fromage).
Selon son degré d’affinage — les fromages sont frottés deux fois par semaine au marc de Bourgogne —, l’époisses (50 % de matières grasses) a une belle couleur qui va de l’ivoire orangé au rouge brique, couleur parfaitement naturelle (les colorants sont interdits).
L’époisses est savoureux toute l’année mais sa période optimale de dégustation va de mai à novembre, quand les fromages sont élaborés avec les laits des premières mises à l’herbe des vaches laitières, ou à l’entrée de l’hiver quand ils sont faits avec un lait riche et aromatique, produit par les vaches pâturant les regains de l’automne.
Mais passons à la dégustation et au menu :
En soi, l’apéro est déjà un casse-croûte à lui tout seul puisque nous dégustons trois époisses à des stades d’affinage différents — avec leurs vins — et qu’une tartine en appelant une autre, ma foi, nous sommes déjà bien lestés en passant à table ! Mais goûtons donc ces fromages !
Comme il se doit,nous commençons par le plus jeune (40 à 50 jours d’affinage), plus clair et plus ferme, avec un arôme frais, fruité et acidulé. Très agréable en bouche, il se révèle parfait à l’apéritif, surtout avec un verre de chablis 1er cru « L’homme mort » 2011, de la Chablisienne.
Puis, nous passons à l’époisses affiné 60 jours, au goût végétal plus marqué, mais avec aussi des notes beurrées de brioche. Délicieux ! En revanche la texture se cherche et semble hésiter entre la mâche de sa jeunesse et la langueur de la proche maturité. Elle panache un peu les deux. Conflit qu’un verre de chablis grand cru Grenouilles 2009 (La Chablisienne, toujours) vient promptement résoudre.
Enfin, nous goûtons l’époisses affiné à 70 jours, plus sauvage, avec des notes de musc et une texture souple et onctueuse, légèrement coulante, jamais trop forte, beaucoup plus douce en bouche que le nez fort et bouqueté, aux arômes de sous-bois, ne pourrait le faire craindre. Le goût est franc et la maturité épanouie. Somptueux ! Et même si j’aurais bien vu un blanc bourguignon très rond pour l’escorter voluptueusement, j’avoue que le choix d’un pommard village Rossignol Changarnier 2009 par le sommelier Franck-Emmanuel Mondésir, nous a tous bluffés par son audace et sa justesse. Un beau mariage entre deux partenaires de caractère !
Et si nous « rincions tout ça avec un verre de crémant de Bourgogne avant de passer à table ?
Ce qui fut dit fut fait !
Attaquons donc ce repas tout fromage maintenant que nous avons la bouche fraîche !
Le « croustillant d’époisses, salade de lentilles du Puy aux pieds de porc » qui ouvre le bal est remarquable. Le contraste croquant/moelleux du fromage est émoustillé par la salade canaille. Voilà du terroir comme je l’aime : revisité, mais avec intelligence !
Pour suivre, un grand plat du dimanche qui la joue modeste mais qui est d’une grande pertinence : un « gratin de macaroni à l’époisses, fricassée de volaille de Bresse au vin jaune » ! Là encore, le terroir affleure mais avec élégance. Sans sophistication mais débarrassé de ses pesanteurs terriennes. Que du bonheur !
Et l’accord avec le vin est pertinent lui aussi car ce mâcon-chardonnay fait bien face au plat — et pourtant, la présence du vin jaune aurait pu être conflictuelle ! — tout en ne plombant pas sa subtilité.
Pour terminer ce petit festin, pas question de savoir si c’est fromage ou dessert ! Ce sera les deux en un seul plat avec un étonnant « crémeux d’époisses, feuille de pain d’épices et sorbet à l’eau-de-vie de poires » ! Et c’est une absolue réussite : frais, primesautier, mais toujours dans la note, comme la coda d’une symphonie que vient ponctuer un petit verre de fine de Bourgogne véritablement balsamique !
Même les mignardises — dont je ne raffole pas outre-mesure — sont excellentes !
Alors, félicitons le jeune chef, Julien Boscus, qui a orchestré ce repas avec brio, non seulement par sa technicité, mais également par sa créativité qui dénote une vraie compréhension du produit !
Et pour clore ce repas tout en sirotant notre fine de Bourgogne, louons une dernière fois ce fromage que Brillat-savarin avait déclaré être « le roi des fromages », en nous remémorant ces vers de l’abbé Charles Patriat, écrits en 1900 à la gloire de l’époisses :
« Achète qui voudra le Camembert trop doux,
Le Roquefort massif à l’arôme sauvage,
Le Brie et le Gruyère interlopes, le sage
Choisira son fromage, ô Bourguignon, chez nous.
Gourmet, qui que tu sois, si d’abord tu te froisses
D’entendre formuler ce principe certain,
C’est que tu connais mal, ou j’y perds mon latin,
Ce mets des connaisseurs: le fromage d’Époisses.
Regarde-moi, voyons, sa rougeâtre patine,
Vois les pleurs épaissis qui coulent sur ses flancs,
Sens ce fumet subtil adoré des gourmands,
Et conviens que c’est là dessert de haute mine. »
Mais peut-être serait-il temps de retourner travailler, non ?
Comment ça, retourner travailler ?
Nous n’avons pas fait autre chose pendant ce repas, me semble-t-il !!!
Michel Poymiro
12 juin 2014 @ 8 h 22 min
La vie est belle ! Et la Belle est en vie…
Deo gracias…
Déjeuners de presse | The fisheye of gou...
12 juin 2014 @ 9 h 27 min
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Les Climats, un jardin extraordinaire | Goût de Food
2 juillet 2014 @ 8 h 59 min
[…] Ma collègue Blandine Vié l’a parfaitement raconté en détail sur son excellent blog Greta Garbure, je vous mets le lien vers son article. ICI. […]
Bonne table ou évitable |
20 janvier 2015 @ 7 h 01 min
[…] En juin dernier, j’ai eu une première fois l’occasion de goûter la cuisine de ce jeune chef lors d’un déjeuner de presse autour de l’époisses qui m’avait enthousiasmée, comme je vous l’ai narré ici : http://gretagarbure.com/2014/06/12/dejeuners-de-presse-13/ […]