Parce qu’il n’y a pas que les frites !
En l’honneur de l’année Parmentier
Ce lundi 23 septembre, sont prévues diverses manifestations à l’occasion du bicentenaire de la mort d’Antoine-Augustin Parmentier.
1 – Pommes Pont-Neuf
Ce sont les frites traditionnelles, du moins, c’est ainsi qu’on les appelle en restauration. Mais pourquoi Pont-Neuf ? Eh bien, c’est parce qu’au XVIIIe siècle, on en vendait sur ce pont de Paris où étaient installés des boutiquiers, notamment des « friteurs ». Attention toutefois : ces frites-là ont quelque chose de militaire. Elles doivent avoir la coupe bien « au carré » : les bâtonnets doivent mesurer 1 cm de section et être coupés net à chaque bout de manière à mesurer 6 à 7 cm de long. Sinon… corvée de pluches !
2 – Pommes allumettes
Ce sont toujours des frites, mais celles-ci ont la taille mannequin : un tour de taille de 5 mm seulement pour 6 à 7 cm de long. Bref, en forme d’allumettes, d’où leur nom. Encore plus minces et plus croustillantes, les pommes paille sont ainsi nommées parce qu’elle ressemblent à des fétus. Elles font environ 3 mm d’épaisseur. Encore plus minces ? Oui, les « pommes cheveu », non plus taillées, mais râpées en longs filaments à peine plus gros que des cheveux d’ange. Aujourd’hui tombées en désuétude, autrefois elles servaient surtout à préparer les nids. Mais leur nom n’est guère appétissant. Aujourd’hui, on fait plutôt les nids avec des pommes paille.
3 – Pommes Darphin
Les pommes de terre sont taillées ou râpées à cru en « julienne » (longs filaments), puis cuites à la poêle sous forme de galette très plate, un peu comme une crêpe. Pourquoi Darphin ? S’agissait-il d’un cuisinier, d’un notable à qui on rendait hommage, d’une courtisane ? La réponse est hélas tombée dans les oubliettes et même les bibles culinaires (Escoffier, Alexandre Dumas, Pellaprat, Ali-Bab et autres Madame de Sain-Ange) n’en donnent pas l’explication. Râpées plus finement et cuites à la poêle en galette plus épaisse, elles deviennent des « pommes paillasson », par métaphore. En Suisse, on les râpe aussi avant de les faire dorer à la poêle, mais une fois cuites à l’eau. Ce sont les fameux röstis.
4 – Pommes Anna
Cette fois les pommes de terre sont tournées en cylindres, puis coupées en fines rondelles. Ensuite, il faut les disposer en rond dans un plat à four, rond lui aussi (ou une tourtière à bord haut), en les faisant se chevaucher légèrement. On fait ainsi plusieurs couches circulaires avant d’enfourner. Coucouche-panier, papattes en rond… En fait, il s’agit d’une sorte de charlotte. Le gâteau de pommes de terre se sert démoulé et retourné à l’endroit. La recette aurait été inventée par Dugléré, cuisinier du Second Empire, chef du Café Anglais, en l’honneur d’Anna Deslions, une célèbre cocotte.
5 – Pommes (à la) boulangère
Il s’agit de pommes de terre coupées en fines rondelles panachées avec des oignons émincés revenus au beurre. Cette garniture est placée au fond d’un plat à four, mouillée d’eau ou de bouillon et l’on pose dessus une pièce de boucherie, généralement un gigot ou une épaule d’agneau. Puis l’on fait rôtir au four. Autrefois, ce plat se préparait dans le four du boulanger, d’où son appellation.
6 – Pommes sarladaises
Contrairement à une idée reçue, bien que Sarlat soit en Périgord, les pommes sarladaises ne comportent pas la moindre brisure de truffe. Ce sont des pommes de terre coupées en quartiers et revenues dans de la graisse d’oie auxquelles on ajoute de l’ail haché et du persil.
7 – Pommes chateau
Ce sont des pommes de terre « tournées » en forme de grosses olives, puis sautées au beurre avec du persil. On les appelle ainsi parce qu’elles accompagnent traditionnellement le chateaubriand dit lui aussi « chateau ». Raison pour laquelle il n’y a pas d’accent circonflexe sur le « a » de chateau.
« Tourner » un légume signifie lui donner une forme harmonieuse et calibrée. Ainsi tous les légumes ont le même aspect dans l’assiette.
8 – Pommes duchesse
Ce sont des croquettes qui se la jouent snobinarde, au moins par leur nom dont on ne sait d’ailleurs nullement d’où il vient. Il s’agit d’une purée très sèche additionnée de beurre et d’œufs, puis façonnée en boulettes roulées dans la farine et frites. En restauration, une fois la purée liée, elle est façonnée à la main en forme de palets ou de galettes, ou bien dressée à la poche à douille et cuite au four. Détail croustillant : si l’on ajoute de la purée de tomate très réduite à la préparation (dans la proportion de 5 cuillerées pour 500 g), on obtient, non plus des pommes duchesse, mais des pommes… marquise ! Allez savoir pourquoi…
9 – Pommes dauphine
Une dauphine de France les appréciait-elle pour qu’elles s’appellent ainsi ? Ni la grande Histoire, ni la petite histoire de la cuisine ne nous le disent. Ce sont des pommes de terre cuites en robes des champs, pelées, réduites en purée, puis mélangées à du beurre, des œufs et de la pâte à choux très ferme (non sucrée évidemment). Roulées en forme de boulettes, elles sont, soit roulées dans la farine, soit panées à l’anglaise (dans la chapelure) avant d’aller se faire dorer dans un bain de friture. Si l’on ajoute du fromage râpé à la préparation (environ 30 g pour 500 g d’appareil), ça devient des pommes Lorette, probablement à cause de l’une de ces courtisanes qui fréquentait les boudoirs parisiens aux siècles passés.
Et le Parmentier ?
On connaît le rôle que Parmentier a joué pour faire adopter la pomme de terre par les Français, très méfiants au départ. Par reconnaissance, on lui a rendu hommage en donnant son nom à plusieurs plats à base de purée. Le hachis Parmentier — une couche de bœuf bouilli (ou braisé) puis haché entre deux couches de purée, le tout gratiné au four — est le plus connu d’entre eux. Il se décline aujourd’hui en versions revisitées : parmentier de queue de bœuf, parmentier de canard, etc. Il y a aussi la brandade de morue Parmentier, brandade nîmoise mélangée à de la purée de pommes de terre. Il est d’ailleurs bon de savoir que, selon la législation, une brandade de morue « tout court » ne doit jamais être mêlée de pommes de terre… ce que les traiteurs oublient souvent, qualifiant de brandade ce qui n’est en réalité qu’une brandade Parmentier.
Blandine Vié
Palombella Rossa
23 septembre 2013 @ 7 h 04 min
Et la crique ardéchoise ? http://www.ardeche-decouverte.com/gastronomie/recettes/la-crique-ardechoise_408.php
gretagarbure
23 septembre 2013 @ 7 h 13 min
C’est loin d’être un inventaire exhaustif, Palombella ! Nous avons passé en revu les recettes incontournables de la cuisine dite classique, pas les recettes régionales qui sont effectivement nombreuses et variées.
Cad
23 septembre 2013 @ 9 h 49 min
Il y a aussi la pomme Byron, un grand classique aussi de la patate
Question : les fotos sont celles de plats que tu as réalisés? si oui je viens manger chez toi dès que tu m’invites 😉
Nos mille-feuilles (nos feuilletages de la semaine) |
29 novembre 2014 @ 7 h 03 min
[…] 2013 : « Parce qu’il n’y a pas que les frites ! » — que vous pouvez consulter là : http://gretagarbure.com/2013/09/23/savoir-faire-9/ — thème que j’ai d’ailleurs déjà développé dans mes livres pour […]