Les accords mets et vins… une foutaise ?
Ah ! Les accords mets et vins !
Depuis que je suis journaliste gastronomique — c’est-à-dire depuis toujours — j’entends dire par la majorité des « spécialistes » que c’est une foutaise, à tout le moins une diversion sinon une déviation pour les plus puristes. En tout cas, du bout des lèvres ou de manière plus offensive, beaucoup les méprisent.
Et combien de confrères ne m’ont-ils pas narguée — voire agressée pour l’un d’eux que j’apprécie pourtant beaucoup par ailleurs — parce que dans certains médias où j’ai sévi (certes… des « féminins », mais aussi des titres comme « Cuisine du Terroir » devenu par la suite « Cuisine & Terroirs », « GaultMillau » et d’autres), c’était « presque » ma seule manière de pouvoir parler du vin.
C’est aussi l’une des raisons pour lesquelles j’ai créé www.gretagarbure.com : une libre parole confisquée dans la presse écrite, sauf bien sûr dans quelques titres mythiques quand on a une signature établie.
Mais il faut savoir que lorsque un magazine féminin vous commande : « un vin pour chaque recette, 300 signes maxi (soit 5 lignes coordonnées comprises), prix plafond 5 € »… on fait ce qu’on peut !
Pourtant, je vous le jure, j’aime AUSSI boire le vin pour ce qu’il est intrinsèquement ! Je ne vous parle pas de ce verre de chardonnay formaté, tel qu’on en produit en Amérique du Sud ou en Australie, et qui fait les délices des Américaines en fin d’après-midi ! Pour moi, le vin, ce n’est pas ça non plus même si ça fait la fortune de certains winemakers qui sont tout aussi responsables que les acheteurs de la GD (grande distribution) sur le dos desquels on a tendance à coller tous les maux du vin. Car les distributeurs ne vendent jamais que des vins faits par des vignerons ou produits par des entreprises viticoles de grande envergure et autres wineries.
Mais l’acheteur sait-il toujours faire la différence entre vins personnels et vins standardisés pour le plus grand nombre quand il est béotien ? D’autant que, dans un cas comme dans l’autre, le statut et la méthode ne sont garants ni de la qualité ni des loupés.
Non, moi je vous parle de boire un verre, comme ça, quand l’occasion se présente, pour le plaisir de la découverte et du partage. Des vins qui réjouissent.
Malgré tout… JE NE RENIE RIEN !
D’une part parce que les lectrices de ces magazines ne s’attendent pas à trouver dans leur périodique les mêmes informations que dans les revues vinicoles spécialisées, mais aussi parce que les prix plafonds imposés disent assez bien qu’elles ne sont pas familiarisées avec l’achat de grands crus.
Néanmoins, si grâce à quelques lignes, j’ai pu donner envie à certaines de ces femmes d’OSER s’intéresser au vin, voire de l’apprivoiser — ou même seulement d’avoir réussi un dîner entre amis grâce à mes conseils — eh bien j’estime que je n’ai pas à rougir, encore moins à avoir honte.
D’autant que, si je n’ai pu occulter la grande distribution, j’ai toujours panaché avec des vins vendus chez les cavistes ou directement à la propriété (un tiers de chaque). Et des bons petits vins à moins de 5 € dénichés chez les vignerons (les vrais), croyez-moi, j’en ai trouvé au cours de toutes ces années.
Alors bien sûr… il y a tous les autres vins !
Les plus chers, les encensés, les reconnus, les ceusses dont l’étiquette accréditerait d’autorité la buvabilité !
Mais tout le monde ne peut pas mettre 56 € dans une bouteille, voire plus. Surtout que, même à ce prix-là, on peut quand même être déçu ! Et de toute façon, pour aller vers ces bouteilles au blason sans cesse redoré à coup d’opérations marketing, personne n’a besoin de moi.
Bon, ça c’est dit !
Revenons-en aux accords mets et vins.
Car quoi qu’on en dise, il y a aussi des vins de gastronomie, encore plus plaisants quand on les boit à table et qu’ils accompagnent harmonieusement un plat. Des vins qui ont besoin d’un partenaire pour s’exprimer, pour donner le meilleur d’eux-mêmes, pour s’épanouir.
Chair contre chair, comme dans une histoire d’amour, en somme !
Alors oui ! Ça vaut le coup d’essayer !
Les brèves rencontres, les amourettes, la passion qui dévore, le grand amour, les amours platoniques, les amitiés amoureuses, les amours coupables, les amours tarifées, l’amour au long cours, les liaisons dangereuses, etc.
Mais, pour ma part, je trouve qu’il y a plus grave que de mépriser ces accords quand on est un acteur du vin, que ce soit dans le mundovino bordelais, dans la mouvance des vins naturels ou même seulement dans le mundillo du vin facebookien !
C’est de les mépriser quand on est restaurateur.
Même dans les déjeuners de presse censés avoir été conçus pour…
Car, s’ils ne sont pas faits en respectant la personnalité du vin considéré, ils le desservent plutôt qu’ils ne l’exaltent. Ainsi, il ne suffit pas de « penser » accord vin et ingrédient majeur d’un plat — foie gras par exemple — si c’est pour ajouter autour du foie gras un tas de fioritures sucrées ou/et acides qui empêchent définitivement la dégustation, pire qui cassent le vin (… et le foie!).
Voir notre expérience désastreuse chez « Tante Marguerite » : http://gretagarbure.com/2013/09/26/dejeuners-de-presse-6/
Alors, à ceux qui prétendent que le vin se suffit à lui-même, je réponds : dans certains cas, oui !
Mais pas forcément, pas toujours !
Il peut être aussi sublimé par la bonne chère. Et réciproquement…
Il y a des vins d’apéritif, des vins de soif, des vins à casse-croûte et à saucissons, des vins d’été et des vins d’hiver, des vins gouailleurs et des vins racés, des vins pour faire face aux plats mijotés, des vins pour accompagner les poissons, des vins pour escorter la cuisine raffinée, des vins pour affronter la sauvagerie des gibiers et des fromages, des vins à boire en point d’orgue à la fin d’un repas.
Des vins pour toutes les circonstances de la vie.
Dont, comme en amour, la dégustation onaniste n’est pas forcément la plus jouissive.
Claude Thiry
27 septembre 2013 @ 16 h 27 min
« ..ce verre de chardonnay formaté, tel qu’on en produit en Amérique du Sud ou en Australie.. » produit en France aussi…faut pas rester sur des avis largement dépassés..!
tiuscha
28 septembre 2013 @ 16 h 35 min
Entièrement d’accord, pour moi, un cheval de bataille. rares sont les vins à siroter, le vin est d’abord fait pour boire accompagné, à table ou pas mais en mangeant quelque chose et pas que du pain sec ou du mauvais « gruyère » comme dans beaucoup de dégustation « pro ». Un bon vin peut devenir affreux et le plat aussi quand l’accord est raté. Quel dommage alors, surtout si on a mis le prix dans les ingrédients et/ou le flacon !