Le Quinte & Sens, nouveau restaurant de l’hôtel Pullman à Paris La Défense
S’il y a bien une chose que je déteste, c’est d’aller à la Défense. Parisienne de naissance et plutôt bien dans ma ville dont j’apprécie le charme des différents quartiers, je ne me sens plus du tout citadine lorsqu’un escalator gigantesque me crache avec un flot de marée humaine sur une immense plage de béton où pousse une forêt champignonesque et artificielle de gratte-ciels de toutes hauteurs, de toutes formes et de toutes laideurs. Le tout dans un vacarme assourdissant de hauts-parleurs vomissant une musique « disc jockeyenne » improbable.
Bienvenue à Pandémonium !
C’est dire si mon effort a été considérable pour me rendre — quasiment à la boussole — jusqu’à l’hôtel Pullman (presque lilliputien au regard des buildings environnants) qui surplombe le boulevard circulaire de la Défense face au « Pouce » de César… dont on se demande bien ce qu’il fait là ! Du stop pour aller ailleurs ?
Mais bon, entrons !
Le restaurant est au rez-de-chaussée. Moderne. Mieux, contemporain. Je veux dire que le design a encore frappé sous la houlette de Marcelo Joulia, architecte franco-argentin. Mais l’agencement est astucieux et ménage des espaces différents : table d’hôtes, recoins plus discrets, espace-bar, vinoteca.
C’est la pré-ouverture après plusieurs mois de travaux.
Le nom du restaurant est joli : Quinte & Sens. Et réfléchi puisque nous allons apprendre que cette quinte est un « concept ». Cinq sortes de cuissons sont en effet déclinées dans la cuisine qui est en vitrine au cœur de la salle : rôtisserie (broche), gril, plancha, wok et four tandoor. Mouais…
L’apéro d’accueil est concocté conjointement par Olivier Poussier qui manage la cave de l’établissement et par Alberto Herraiz qui a préparé les tapas. Ça commence bien car les deux vins proposés sont épatants : un IGP Côtes de Gascogne blanc « Terres Blanches » (terroir de Ténarèze) 2011, Domaine de Chiroulet (Philippe Fézas) associant gros manseng, ugni blanc et sauvignon (28 € la bouteille) et un vin portugais, un D.o.c Douro blanc Redoma Niepoort 2011 élaboré à partir de vignes poussant à 600 m d’altitude (70 € la bouteille). Côté tapas : pulga palette bellota/chorizo, pulga tarama/saumon fumé, pulga aubergine fumée/fromage de chèvre, verrine de saumon cru mariné/espuma de raifort, sardine (dans sa boîte) millésime 2009/ananas/fenouil/mangue. Tout ce que j’ai goûté était top. J’y reviendrai.
Le repas se veut copieux. En voici le menu :
Les mises en bouche (naans au Saint-Marcellin et miel et naans aux épinards, sauce au Boursin) et les entrées (cheesecake salé au saumon fumé écossais, crème brûlée — très sucrée — au foie gras et pop corn, pétoncles en soupe de lait de coco et vermicelles éphémères) sont décevantes malgré une présentation étudiée. Ah ! les vermicelles éphémères et le pop corn, quelle blague !
Heureusement le sancerre « La Moussière » 2011, domaine Alphonse Mellot (52 € la bouteille sur la carte) nous console d’une banalité « dans le vent » (je sais, l’expression date…). Aromatique et minéral, son très léger boisé ne l’empêche pas de rester cristallin. On a le temps de l’apprécier car le plat — une assiette démonstratrice de la fameuse quinte — se fait attendre.
Elle arrive enfin, panachant coquille Saint-Jacques de plongée (format XXL) et son mini-fenouil grillé, queue de lotte marinée, tronçon de turbot…pour illustrer les cinq cuissons. On devine de beaux produits mais on ne peut guère en apprécier la saveur tellement ils sont hélas trop cuits ! Mon voisin de droite me souffle « y a au moins dix ans que je n’ai plus mangé du poisson aussi cuit ! ». En plus, le serveur nous a versé sur le tout une sauce au curcuma sans aucune subtilité — on sent la granulométrie de l’épice sur la langue, ce qui donne un effet poussière — qui annihile les derniers fumets iodés. Quel dommage ! Car il y a de la qualité et du savoir-faire. Mais…
Les mini-cocottes — notons au passage que le chiffre d’affaires de la société Le Creuset a dû doubler depuis cette mode envahissante — de pâtes (cinq sortes) aux légumes au wok (ou plutôt à la mirepoix de légumes) qui escortent le plat sont quant à elles froides, également trop cuites et fadasses. Aïe aïe aïe aïe aïe…
Là encore, la gourmandise est dans le vin, un condrieu « Le grand vallon » 2009 de chez François Villard (85 € la bouteille).
Une assiette de desserts compliquée avec un macaron ganache au chocolat blond et sa pipette de carambar en exergue — l’effet mode toujours ! — et tout est dit.
Ah non ! Il y a aussi l’acoustique qui est détestable d’autant qu’une musique « club de vacances » nous oblige à élever la voix alors que les conversations sont déjà bruyantes.
Bon, ne vendons pas la peau de l’ours avant de l’avoir tué.
Déception ne veut pas dire zéro pointé.
Comme c’est souvent le cas lors d’un déjeuner-découverte, le chef (Jean-Paul Corbillet) a sûrement voulu trop bien faire et nous démontrer toutes les facettes de ses talents.
Résultat : trop de choses dans les assiettes et trop de saveurs annexes perturbantes ! Un fouillis qui ne révèle pas les produits mais au contraire les masque.
Et puis il y a le stress de l’ouverture et peut-être une période de rodage nécessaire avant de porter un jugement définitif. C’est vrai que nous étions très nombreux et vouloir nous faire tout goûter était un pari peut-être un peu trop ambitieux qui explique sans doute les surcuissons et les tiédeurs.
Côté prix, le 5 — et même le 5 x 5 — est toujours à l’honneur puisque toutes les propositions de la carte — entrées, plats, desserts — sont à 25 euros. Quand même…
Il est vrai qu’on est dans un restaurant d’hôtel à clientèle internationale.
Bon, finissons tout de même par un très bon point qui devrait faire plaisir à tous les business men trimant dans les tours de la Défense : l’espace bar After et Tapas où l’on peut boire des apéritifs ou les vins choisis par Olivier Poussier en dégustant les tapas mises au point par Alberto Herraiz. De vrais moments conviviaux, apéros et afterworks en perspective, qui devraient humaniser un peu ce quartier très science-fictionnesque.
Bref… une quinte qui pour l’heure s’effiloche un peu mais à laquelle on souhaite de devenir… une quinte floche !
BV
Restaurant « Quinte & Sens »
Pullman Paris La Défense
Défense 6-11 avenue de l’Arche
92081 Paris La Défense Cedex
Tél : 01 47 17 50 00
Fax : 01 47 17 56 78
Courriel : H3013@accor.com
Site : www.pullmanhotels.com