Le plaisir de faire et déguster des grillades
La grillade fut sûrement la première expérience culinaire après l’invention du feu. Au cours des âges vinrent ensuite améliorations et sophistications : pierres chauffées, fosses étayées d’argile, papillotes végétales et bien sûr barbecue, technique inspirée du simple trou creusé à même la terre que les Indiens d’Amérique utilisaient pour rôtir leur viande. L’étymologie du mot barbecue (de l’espagnol barbacoa, probable héritage des Indiens) semble d’ailleurs attester cette filiation.
Toujours est-il que cette méthode de cuisson ancestrale connaît toujours un franc succès, qu’elle soit pratiquée à la manière « sauvage » (ramassage du bois, réalisation d’une fosse, élévation d’un feu de bois, etc.), ou à la « paresseuse », avec un équipement moderne et fonctionnel qui ôte tout côté instinctif et sportif à cette pratique en en simplifiant les préparatifs, mais qui rend le plaisir des papilles plus rapidement accessible.
Il est d’ailleurs symptomatique de noter que, par-delà les siècles — et même les ères — le feu est resté symboliquement l’apanage de l’homme, les vestales ne faisant que le veiller et le préserver : art de faire du feu dans la cheminée, mais pratique du barbecue aussi… même quand il est électrique ! À l’origine, c’est sans doute parce qu’il démontrait ainsi sa suprématie de mâle : le feu est dangereux et l’art du barbecue primitif implique une connaissance avérée de la nature (vents, identification des essences arboricoles, etc.), ainsi qu’un certain savoir-faire (étayage de la fosse, empilage du bois, etc.). Mais il est toutefois significatif de constater que même avec le plus sophistiqué des appareils, c’est presque toujours l’homme qui se met aux fourneaux quand il s’agit de barbecue !
Quant à la dégustation, si elle recueille autant de suffrages et procure autant de plaisir, c’est sûrement parce que le barbecue permet une grande convivialité, qu’il s’agisse d’un barbecue tout simple improvisé sur la plage ou au jardin, ou d’une véritable barbecue-party, fête longuement planifiée que l’on prépare avec un matériel sophistiqué et coûteux comme une voiture-barbecue. Dans tous les cas, si le barbecue est aussi consensuel, plaisant aux petits comme aux grands, c’est sans nul doute à cause de la liberté d’action qu’il autorise, de l’ambiance de fête qu’il suscite spontanément (tout le monde participe), mais aussi parce que les grillades ainsi préparées sont véritablement délicieuses avec leur petit goût de fumé caractéristique et leur aspect croustillant, zébré d’appétissantes rayures brunes qui contrastent agréablement avec la texture moelleuse et la saveur juteuse de l’intérieur.
Quel bois choisir ?
L’un des secrets de la réussite d’un barbecue est d’utiliser des combustibles de bonne qualité, ceux bon marché donnant des feux de qualité inférieure difficiles à allumer et ne produisant pas une chaleur aussi intense.
Bois : c’est le matériau idéal des feux « sauvages » de plein-air car il donne d’excellentes braises, mais il faut savoir le choisir car il en est qui s’allument difficilement et d’autres qui flambent très rapidement, ou qui ne sentent pas bon. Mieux vaut donc choisir des bois durs et secs qui fournissent un bon matelas de braises et se consument lentement, formant une braise incandescente et dégageant des effluves aromatiques agréables, quitte à les panacher : bouleau, chêne, frêne, pommier, sorbier, mais aussi aubépine, charme, hêtre, noyer, platane et sureau, ou même gênets.
En revanche, il vaut mieux éviter les bois tendres et résineux qui brûlent vite, crépitent, projettent des étincelles et peuvent imprègner les denrées d’odeur de résine. Certaines essences peuvent être utilisés en appoint pour leur pouvoir aromatique (sarments de vigne, genévrier), mais comme elles brûlent assez vite, il faut les mettre sur le dessus, quand les braises rougeoient déjà. Enfin, non seulement le noisetier convient pour le feu, mais de fines branches encore vertes et écorcées feront d’excellentes brochettes.
Bien entendu les branches doivent toujours être bien sèches, empilées en croix et entremêlées de brindilles, surtout à cœur afin de constituer « l’âme du fagot ».
Pour allumer le feu, on utilisera de préférence de l’écorce de bouleau, des pommes ou des aiguilles de pin, des glands ou des faînes (tout cela bien sec), à la rigueur du papier froissé.
Charbon de bois : combustible noir et léger qui provient de bois déjà brûlé en circuit fermé dans un four qui chauffe le bois à cœur sans le consumer. De bonne qualité, il doit surtout comporter des gros morceaux.
Et ceux que nous ne conseillons pas :
Charbon de bois instantané : charbon de bois imprégné d’un produit inflammable, ce qui évite d’avoir à utiliser un allume-feu. Pour obtenir un feu encore plus intense, on peut l’activer par l’ajout éventuel de combustible ordinaire (tablettes de méta plutôt qu’alcool à brûler).
Briquettes de charbon de bois : combustible léger se présentant sous forme de morceaux de taille uniforme, constitués de particules de charbon de bois agglomérées. Les briquettes ont tendance à brûler plus longtemps que le charbon de bois traditionnel.
Briquettes : briquettes meilleur marché contenant des copeaux de bois, de la sciure, du charbon et du sable agglomérés avec un produit liant dérivé du pétrole.
Gérer son temps
L’installation d’un barbecue traditionnel (feu de bois) requiert quelques précautions et un peu de patience. En effet, contrairement aux apparences, le feu n’est pas un simple tas de bois que l’on fait brûler à même le sol. Pour l’allumer facilement — et surtout le maintenir allumé — le premier critère à respecter, c’est de choisir un endroit plat et dégagé, à bonne distance des arbres, des haies ou des buissons (pour éviter tout risque d’incendie), mais également bien orienté par rapport au vent afin que le feu puisse prendre (donc à l’abri des vents dominants pour pouvoir entretenir le foyer sans que la fumée se rabatte). Ensuite, il faut creuser une petite tranchée dans le sens du vent afin d’assurer le meilleur tirage possible. Si le vent risque de changer, mieux vaut faire une double tranchée et placer le bois à l’intersection afin que le feu ne puisse pas mourir. Si on préfère (quand on ne peut pas creuser le sol), on peut très bien faire un feu « en couloir », c’est-à-dire disposer des bûches sur le sol, qui vont jouer le même rôle qu’une tranchée. Enfin, il ne faut pas oublier qu’il faut compter environ 30 minutes avant que le feu ne devienne incandescent et qu’il n’y ait plus qu’à poser le gril dessus… voire un peu plus si l’on veut faire cuire certains aliments (petits oiseaux, pommes de terre) dans la cendre, c’est-à-dire dans de la braise qui couve.
Pour les barbecues mobiles, il faut impérativement leur assurer une parfaite stabilité (surface plane, voire aplanie, cales ou même freins si le barbecue est muni de roues). Commencer par faire du feu avec du charbon de bois pendant 45 mn à 1 heure (30 à 35 min pour les briquettes de charbon de bois instantanées) avant de démarrer la cuisson des aliments. Arranger les plus petits morceaux du combustible choisi à la base du barbecue, faire un puits juste au centre et y enfouir l’allume-feu choisi. L’allumer à l’aide d’une allumette-tison (allumette géante) et, en superposant des morceaux de combustible plus gros, construire un dôme au-dessus du feu tout en ménageant une cavité d’air au centre (un peu comme un igloo). Laisser brûler 30 à 40 minutes sans oublier d’ouvrir tous les clapets d’aération. Une fois que les flammes ont réduit et que le charbon de bois est couvert de fines cendres blanches, bien ratisser, même à la base du barbecue. Pour entretenir le feu, disposer des combustibles supplémentaires (morceaux de bois, de charbon de bois ou briquettes) tout autour des braises et, dès qu’ils sont chauds, les incorporer aux braises par fournées, au fur et à mesure des besoins.
Savoir-faire | The fisheye of gourmet food &...
8 juin 2014 @ 8 h 45 min
[…] Le plaisir de faire et de déguster des grillades La grillade fut sûrement la première expérience culinaire après l’invention du feu. Au cours des âges vinrent ensuite améliorations et sophisticatio… […]
Bénédicte
8 juin 2014 @ 14 h 56 min
Une jolie chronique déjà lue hélas dans les archives. Mais des meilleurs choses on ne se lasse pas..
Bonnes fêtes de la Pentecôte et bon veau (pardon!)
gretagarbure
8 juin 2014 @ 15 h 19 min
C’est vrai Bénédicte ! Cette chronique est déjà passée en avril 2013.
Nous avons 19 mois d’existence et nous publions TOUS LES JOURS !
365 jours par an !
C’est beaucoup !
D’autant que nous avons de multiples activités par ailleurs.
C’est pourquoi depuis la mi-avril, nous nous octroyons le droit de rediffuser d’anciennes chroniques le dimanche et les jours fériés !
Juste une respiration !
Mais qui contente aussi beaucoup de nouveaux lecteurs n’ayant pas lu ces anciennes chroniques.
Mais merci en tout cas pour votre fidélité… et votre franchise !
Savoir-faire |
9 juin 2014 @ 8 h 33 min
[…] Pour les généralités sur les grillades, le choix du bois, voir là : http://gretagarbure.com/2014/06/08/savoir-faire-27/ […]
Bénédicte
9 juin 2014 @ 15 h 56 min
Et vous avez tout à fait raison. J’en profite la première.
D’ailleurs, je voulais depuis longtemps vous témoigner mon admiration pour votre travail. J’écris moi-même des petites chroniques sur la gastronomie (juste pour le plaisir) et je mesure le travail de documentation et de réécriture que cela requiert. Alors, tous les jours, chapeau bas!
J’ai constaté en « fouillant » dans les archives que votre ton s’était un peu modifié, je dirais même bonifié. Vous avez pris plus d’assurance et de distance. Il y a plus d’humour aussi et un peu plus d’intransigeance, d’où certaines réactions d’internautes sans doute…
C’est d’ailleurs très curieux car nous avons les mêmes « tropismes »: les erreurs sur les menus (j’en ai fait aussi une chronique), les étymologies des appellations culinaires, les noms des pâtes, ceux des sauces, etc. La seule chose que nous différencie (enfin sur le plan de la cuisine!), c’est que moi je ne sais pas cuisiner. Vous me direz que c’est une différence de taille! J’en conviens et c’est pourquoi, vous m’apportez beaucoup.
J’ai lu dans une de vos chroniques « d’humeur » que certains n’hésitaient pas à vous plagier sans même vous citer. C’est tout à fait illégal et scandaleux. La meilleure parade serait de réunir toutes vos chroniques (ou une sélection des meilleures selon votre goût) en un volume et de le faire éditer. Elles le méritent, d ‘autant que vos photos sont superbes.
En attendant de vous lire et relire,
Très cordialement,
Bénédicte
Un p’tit goût de revenez-y ! |
15 août 2015 @ 6 h 01 min
[…] http://gretagarbure.com/2014/06/08/savoir-faire-27/ […]
Pierre-Marc
15 août 2015 @ 22 h 41 min
Pour la racine du mot barbecue, j’aime bien retenir l’idée de la broche enfoncée de la barbe jusqu’au c…