Le Dôme à Montparnasse, superbe restaurant de poissons et de coquillages (Paris 14e)
Fief des frères Bras — Edouard et Maxime — depuis des décennies, adresse réputée pour sa cuisine en général et ses produits de la mer en particulier, le Dôme reste au top niveau depuis l’arrivée d’un nouveau chef japonais en mai dernier : Yoshihiko Miura. Mieux, sans rien trahir de l’esprit du lieu mythique de Montparnasse, il apporte à l’excellence déjà reconnue des produits la technique de découpe propre à son pays d’origine, leur donnant ainsi un nouveau cachet et quelques touches d’impertinence bienvenues qui modernisent sans aucun doute les assiettes.
Passionné de cuisine française depuis son plus jeune âge, après avoir obtenu son diplôme de cuisine européenne, Yoshihiko Miura a cependant d’abord travaillé dix ans au Japon avant de venir en France en 1998. Il travaille en tout premier lieu à Saint-Jean-Pied-de-Port à l’Hôtel des Pyrénées, sous la houlette de Firmin Arrambide, puis chez Marc Meneau à l’Espérance à Vézelay, puis à l’Oasis à Mandelieu la Napoule; où il officie en tant que second. Il continue son périple chez Bernard Loiseau (mais c’est l’année de son décès) et se retrouve au restaurant la Bretêche à La Varenne Saint- Hilaire, où il gagne sa première étoile. Il y passe 7 ans avant de continuer son parcours à l’auberge des Templiers dans le Loiret. Pendant toutes ces années, il apprend à maîtriser la langue française et peaufine son style, fait de simplicité étayée par une technique qui ne se soupçonne presque pas.
Yoshihiko Miura est les 4ème chef japonais étoilé en France et il fait partie des rares chefs à possèder la licence Fugu, poisson venimeux et mortel s’il n’est pas découpé correctement.
Mais mettons-nous à table.
Pendant que nous faisons notre choix sur l’alléchante carte — je suis avec mon amie Brigitte Chamarande, comédienne et rockeuse — nous picorons quelques crevettes grises qui sont déjà comme un voyage au bord de la mer tant le produit respire les embruns iodés. Un peu comme si nous avions laissé l’épuisette au vestiaire.
Finalement, nous jetons notre dévolu sur des coquilles Saint-Jacques en provenance d’Erquy, cuisinées avec une crème aux épices tandoori (48 €). Nous les prenons en entrée et elles nous revivifient elles aussi. C’est comme si nous prenions un bain de jouvence en nous baguenaudant sur une plage des Côtes d’Armor. Les épices sont douces et ne masquent nullement le charnu et le nacré des noix de Saint-Jacques, fondantes en bouche. Et bien que la tradition soit plutôt le curry — et même le kari breton — pour ces ports de Bretagne qui recevaient les épices des Indes, le mariage est heureux.
En plat de résistance, et bien que nos estomacs soient déjà comblés — au sens noble du terme — nous capitulons devant le homard à l’armoricaine (65 €), mets de luxe quand il s’agit bien d’un homard français de casier comme c’est le cas… mais comment résister à la tentation même si nous ne sommes pas deux faibles femmes ?
Cette fois, ça y est, nous avons chaussé bottes, marinières et cirés et la terrasse du Dôme qui s’avance sur le trottoir du boulevard Montparnasse ressemble de plus en plus à l’estran d’une plage bretonne quand des petits bateaux de pêche rapportent la pêche du jour. Vous m’en mettrez deux Le Bihan !
Bon, nous n’épiloguerons pas sur le fait que l’appellation exacte est « à l’américaine » et non « à l’armoricaine » malgré des querelles intemporelles. Montparnasse étant le quartier breton de Paris (gare Montparnasse oblige), soyons indulgents. Mais lisez ma rubrique « Le mot à la bouche » dans le magazine Le Chef où je défends les appellations culinaires, preuves à l’appui.
Que dire d’autre sinon que nous nous régalons ? Le produit est magifique, la cuisson est parfaite, la sauce épicée juste ce qu’il faut — on oublie trop souvent que la Bretagne est un pays qui aime les épices car c’est longtemps par les ports bretons qu’elles sont arrivées des comptoirs de Pondichéry et de Chandernagor — et enrobe les chairs du crustacé comme une caresse. Une petite garniture de feuilles de bettes apporte le côté « argoat » (terre).
Yoshihiko Miura a traité son « américaine/armoricaine » avec élégance et subtilité. Nous voilà rêvant de voyages exotiques, embarquées en passagères clandestines sur des bateaux de marins pêcheurs et terminant notre voyage sur des jonques voguant de l’autre côté des mers. Ah ! L’imaginaire ! La cuisine a ce pouvoir… aussi !
Sur cette cuisine de la mer délectable, nous avons bu une bouteille de Montlouis-sur-Loire « Remus » 2016 du domaine de la Taille aux Loups, un blanc remarquable (cépage Chenin) de Jacky Blot (75 €) qui a fait face au vent marin et aux vagues iodées de notre repas, apportant une jolie douceur à cette cuisine saline mais sans mièvrerie. Là encore, invitation au voyage…
Nous aurions pu nous arrêter là et c’eut été raisonnable.
Mais c’était sans compter sans le dessert emblématique de la maison : un millefeuille d’anthologie au feuilletage impressionnant, tant par son volume que par sa légèreté ! Parfumé au rhum et à la vanille (12,50 €).
Ça tombe bien, il reste un peu de montlouis dans nos verres et l’accord se fait en point d’orgue. N’est-ce pas Brigitte ?
Repas mémorable donc que cette échappée marine dans l’un des quartiers les plus artistiques et les plus intellectuels de Paris, riche d’un passé fondateur qui perdure heureusement grâce à quelques établissements comme celui-ci.
Certes, les prix ne sont pas donnés mais la qualité est au rendez-vous avec des produits d’exception. Également une très belle offre d’huîtres. Les commandes en Normandie, en Bretagne, dans le bassin d’Arcachon sont passées quotidiennement à 10 h le matin et les produits arrivent le lendemain matin à 6 h. Tous les poissons arrivent entiers et les filets sont levés sur place. Du travail d’artisan et d’artiste à la fois. Bref, du travail d’orfèvre ! Hisse et ho !
Blandine Vié
Le Dôme
108, bd du Montparnasse
75014 Paris
Tél. 01 43 35 25 81
Ouvert ous les jours : déjeuner de 12 à 15 h et dîner de 19 h à 23 h 30.
Invitation d’une attachée de presse