La chronique de Greta Garbure
Chez Greta Garbure,
les ustensiles de cuisine ont une âme !
« Objets inanimés, avez-vous donc une âme » ?
Lamartine posait la question dans son poème « Milly, la terre natale »,
tiré du recueil « Harmonies poétiques et religieuses ».
Et vous, qu’en pensez-vous ?

Il y a des cuisines-laboratoires qui ressemblent à des cabinets chirurgicaux. Tout y est aseptisé et méthodiquement rangé : racks à verres, bacs à casseroles, blocs à couteaux, répliques de pots à farine, sucre et sel en aluminium brossé alignés par ordre décroissant, tourniquets à épices et j’en passe ! Couleur dominante : acier. Aucun fumet perceptible si ce n’est celui du nettoyant ménager qui a servi à tout astiquer. À croire qu’on n’y a jamais fait la cuisine ! Déprimant…
Il y a aussi des cuisines-déco bobo avec îlot central, tabourets de bar multicolores, imposante cuisinière Aga®, frigo américain vert pomme ou fushia à distributeur de glaçons intégré, bocaux en verre garnis de pâtes polymorphes ou boîtes sérigraphiées Pylônes® et, trônant immanquablement au centre du corner repas, le presse-agrumes poulpe de Philippe Starck et le dernier tire-bouchon au design en vogue ! Joyeux et coloré, souvent convivial le week-end… mais stéréotypé !

Et puis il y a la cuisine de Greta Garbure !
Pas vraiment le genre à être photographiée dans « Art et décoration » ou « Déco Maison » si vous voyez ce que je veux dire ! Même pas dans « Maisons de campagne » car il n’y a ni batteries de casseroles en cuivre, ni crémaillère, ni moule à gaufres en fonte, ni flambadou* (hélas !).
Mais…
Mais chez Greta Garbure… les ustensiles de cuisine ont une âme. Ils ont vécu !
Et même si je reçois parfois des « machins » en plastique censés faciliter ma vie de ménagère de plus ou moins de 50 ans, ils se retrouvent au fond des placards. Parce que j’aime bien cuisiner avec mes vieilleries !
Il faut dire que chacune d’elles à une histoire, et moi, j’aime bien les histoires… et accessoirement les vieilleries ! (Tiens, pourquoi en écrivant ça, j’entends Patrick dire : « merci d’être gérontophile ! »)
Par exemple, il y a les « outils » achetés fièrement pour ma première cuisine : couteau d’office, couteau-économe, ouvre-boîtes, passoire, écumoire, etc. dont je ne me séparerais pour rien au monde ! Ils m’ont suivie dans toutes les séquences de ma vie de femme (célibataire, mariée, divorcée… et je ne vous dis pas tout !) et dans tous mes déménagements (et Dieu sait s’il y en a eu !).
Certes, le couteau d’office a la pointe un peu tordue parce qu’il a servi de tournevis à un ex-mari qui faisait semblant de savoir bricoler !
Certes, mon économe a le manche un peu pâlichon à force de corvées de pluches mais, croyez-le ou pas, je suis émue quand je l’attrape et que je me dis qu’il a bien dû éplucher une tonne de patates et de carottes !
Entendez-vous ça, amis végétariens ?
Certes, la passoire est cabossée et a une patte de guingois mais est-ce une raison suffisante pour la mettre au rebut et la troquer contre une Alessi® plus fringante, comme font certains hommes qui échangent leur femme contre une jeunette ? De toute façon, comme elle est surdimensionnée, elle ne tiendrait pas dans le bac de mon évier !
Certes, le presse-purée en bois branle un peu du manche et il faut le rafistoler avant chaque utilisation !
Certes, l’ouvre-boîtes est un peu rouillé mais j’en ai moins l’usage que pendant mon apprentissage de jeune femme émancipée !
Et je ne vous parle même pas de l’écumoire qui a dû soulever des palanquées de jumeaux, de gîtes et de macreuses pour tant ressembler à un accessoire de jardinage !
Ni des planches à découper tailladées comme des billots de boucher !
Ni des cocottes qui n’ont plus leurs couvercles d’origine !
Ni des moules à tarte dont les fonds ont été rayés par des enfants trop impatients !
Ni des cuillères en bois au manche zébré parce qu’une apprentie cuisinière zélée mais flemmarde les a laissées dans la casserole entre deux remuages un peu laxistes, croyant sans doute que la manœuvre se ferait toute seule !
Ni des maniques cramées aux entournures (je me brûle plus que je ne me coupe en cuisine !).
Ni du vieux moulin à poivre Peugeot® offert par ma Maman pour mon premier chez moi…
Ni de la scie à pain de mon enfance…
Ni… ni…
Même que je trimballe encore des clés à sardines qui ne peuvent plus me servir à rien… c’est dire !

Et puis, il y a les ustensiles rapportés de voyages qui racontent d’autres histoires encore.
Poteries culinaires surtout : cassoles à cassoulet du Sud-Ouest, plats à gratin espagnols, tripière de Normandie, terrines d’Alsace, diables charentais, vaisselle basque, tajines du Maroc, couscoussier en terre de Kabylie, plats sabots récupérés chez mon tripier qui fait du vide une fois par an, etc.
Mais aussi une machine à faire les pâtes, une planchette à rouler les gnocchi, un couteau à parmesan et quelques autres bricoles témoignant de mes années passées en Italie, une plaque à faire cuire les fines feuilles de pâte à ouarka (servant à monter la pastilla) qui m’encombre un peu et dont je me demande bien, depuis plus de vingt ans que je l’ai rapportée du Maroc, si j’aurai un jour l’audace de l’essayer (faut que je demande ses conseils à Fatema Hal !) et tant d’autres râpes à criques et ustensiles magiques (comme ce tourniquet à faire des pommes chatouillard, ces ciseaux à décalotter les œufs de caille, cet entonnoir à grains de poivre ou cet appareil à faire les œufs durs carrés !) achetés sur les marchés de province.
Eh oui, vous l’aurez compris, la cuisine de Greta Garbure est un joyeux bordel !
La bassine à confitures est rangée sur le frigo faute de place au lieu de montrer son cul sur le manteau de la cheminée (que je n’ai pas), les marmites et les chaudrons cachent également le leur mais c’est parce qu’il est tout noir à force d’avoir régalé des tripotées d’amis !
Quand je vivais dans les Landes, j’aimais beaucoup la manière dont les anciennes cuisines étaient conçues. Il y avait la cuisine proprement dite et, attenante, une petite pièce appelée souillarde où ranger tout ce capharnaüm, faire les conserves et tout ce qui est vraiment encombrant et salissant dans une cuisine ! D’ailleurs, peut-être bien que je ferai un petit papier sur ce sanctuaire de la gourmandise un de ces jours…
Ah ! si je pouvais avoir une souillarde à Paris !
Ah ! Et puis cerise sur le gâteau, chez Greta garbure… il y a une grosse tine à gâteaux remplie à ras-bord de tire-bouchons de toutes formes et de toutes couleurs ! Et ils fonctionnent très bien !

Diou biban,
« Objets inanimés, avez-vous donc une âme
Qui s’attache à notre âme et la force d’aimer ? »
Voyons Alphonse, quelle question !
Tu sais bien que oui !!!
* Si vous ne savez pas ce qu’est un « flambadou », allez vous promener par-ici :
http://gretagarbure.com/2013/11/03/serviettes-torchons-2/
15 janvier 2015 @ 12 h 53 min
Bonjour,
Si je peux apporter une modeste contribution, il semble me souvenir qu’en Cevennes, du moins vers Sainte Croix Vallée Française, la souillarde se faisait appeler » la patouille » et pouvait d’ailleurs avoir une belle surface.
Malheureusement je crains fort que tous les délicats instruments qui la garnissaient n’aient plus beaucoup d’avenir.
François