Dégustation des vins du « Mas de la dame » en accord avec la cuisine de Mathieu Pacaud à l’Hexagone

Bon, ne boudons pas notre plaisir ! D’une part, ordinairement j’aime bien les vins du « Mas de la Dame », cette propriété provençale tenue par Anne Poniatowski et Caroline Missoffe. Et d’autre part, j’ai beaucoup aimé la cuisine de Bernard Pacaud à une époque où j’ai eu la chance de fréquenter son établissement de temps en temps. Je suis donc curieuse de connaître la cuisine de son fils Mathieu. Deux bonnes raisons de me rendre à ce déjeuner de presse !

Ça commence très bien avec un verre de Baux-de-Provence « La Stèle » blanc 2013 (9,70 €), sec et aromatique à souhait (rolle, roussanne, clairette), citronné, avec une pointe d’amertume en finale — comme j’aime — épatant pour l’apéritif mais que j’aurais bien gardé sur un poisson. Pour ma part, j’ai délaissé le rosé du Mas 2014 (8,60 €), assemblage de grenache, syrah, cabernet-sauvignon et mourvèdre.


Le repas peut s’annoncer : un amuse-bouche qui prépare le palais, puis en entrée un plat appelé « Sancerroise », composé d’une langoustine, de légumes-racines en linguine, d’une mousseline de chou-fleur et d’une fine gelée de badiane sur lequel nous buvons une IGP Alpilles Coin Caché 2012 (21,50 €), un excellent blanc (sémillon, roussanne, clairette) floral, gras, avec une finale un peu sur la muscade. Le vin me réjouit mais je ne me sens pas assez une âme de lapin pour apprécier la pelote de lanières de légumes crus que je trouve trop acidulée et pour l’accord avec la langoustine et pour le vin.



Mais continuons avec le plat suivant qualifié de « Diable », un suprême de volaille de Bresse servi avec les condiments d’une diable, une bulle d’échalote et du cerfeuil tubéreux, et escorté par un verre de Baux-de-Provence « La Stèle rouge » (13,70 €), un assemblage de syrah et de cabernet-sauvignon avec un nez superbe, une bouche friande de fruits noirs mûrs, poivrée, et une belle longueur, qui va très bien avec la volaille même si, objectivement, la rondeur du Coin caché blanc (que j’ai gardé exprès) fonctionne mieux.


Un deuxième vin rouge est proposé : un baux-de-Provence Coin caché rouge 2011 (21 €) mêlant grenache et syrah, très fruité (fruits rouges confiturés), opulent. Un peu trop riche pour le plat cependant. Qui est délicieux même si ce n’est pas un suprême au sens stricto sensu comme je vous l’expliquais là : http://gretagarbure.com/2013/12/28/les-mots-des-mets-la-saveur-cachee-des-mots-30/. Or, vous savez que je déplore qu’on ne respecte pas les appellations.

Nous poursuivons par une « Pastorale », à savoir une selle d’agneau de Lozère recouverte d’un croustillant de noix et surmontée d’un méli-mélo d’herbes. Une purée de pommes de terre est servie à part. Dans nos verres : le baux-de-Provence Le Vallon des Amants 2012 (19,30 €), composé majoritairement de syrah avec un peu de mourvèdre, de carignan et de cabernet-sauvignon, à la bouche chaleureuse, épicée, et un baux-de-Provence L’Infernal 2011 (35 €), fait de cabernet-sauvignon et de syrah, intense, très complexe, riche en fruits.




Le plat se laisse déguster agréablement mais ressemble au précédent dans sa facture et son traitement : même découpe rectangulaire des morceaux de viande, purée de légumes, même bulle héritée de la cuisine moléculaire et surtout, ce même jus brun si typiquement présent dans la cuisine de Bernard Pacaud… père !
Les vins sont plaisants mais puissants et je les imagine aisément accompagner une côte de bœuf ou du chevreuil, du gibier à poil, de la daube de taureau ou de sanglier. Sans doute plus que l’agneau.
Terminons par le dessert baptisé « Marigny », une architecture de croquant noisette, de sarrasin glacé et soufflé et de glace au miel sur lequel l’Infernal se révèle en harmonie.

Bon, pas de quoi porter plainte comme dirait Patrick mais quelques remarques.
Sur les vins d’abord. Qui ont une vraie buvabilité, une vraie richesse mais qu’une cuisine plus musclée aurait peut-être mieux mis en valeur.
Une cuisine néanmoins excellente et faite avec des produits d’exception mais à mon goût un poil trop compliquée. Normal, Mathieu Pacaud est jeune et veut sans doute tâter de tout ce qui est tendance. Mais je trouve pourtant qu’un peu de dépouillement ne lui nuirait pas.

Mais revenons au Mas de la Dame que les sœurs Faye ont repris en 1995 après avoir été toutes les deux journalistes : Anne Poniatovsky dans le domaine de l’économie et de la finance (c’est la commerciale du tandem) et Caroline Missoffe dans le secteur de la mode (c’est elle la vigneronne, qui a dû faire des études d’œnologie pour s’y coller).
Le domaine appartenait déjà à leur grand-père Auguste et fut peint par Van Gog en 1889. La toile s’appelle Un mas sur la route de Saint-Rémy. Mais c’est Robert, leur père, qui a planté les vignes et les oliviers. Le domaine fait 57 hectares dont 20 d’oliviers. Et depuis 2003, toutes les vignes sont cultivées de manière biologique sous le contrôle d’Ecocert. Ni insecticide ni désherbant ne sont utilisés.
Terminons par la jolie histoire du nom du domaine : le Mas de la Dame. C’est Robert qui a retrouvé la trace d’Hélène Hugolène, la dame de Fos, devenue propriétaire du lieu au XVe siècle après avoir perdu son chevalier aux croisades au creux du rocher des Baux-de Provence. D’où les noms de « Vallon des Amants » et de « Coin Caché » ! Et pour couronner le tout, Nostradamus a écrit : « Un jour, la mer recouvrira la terre et s’arrêtera à la Stèle du Mas de la Dame. », phrase que l’on retrouve sur les étiquettes.