Batifol, la brasserie face à la gare de l’Est, Paris 10e
Un peu d’histoire
Au début des années 1900, les dadaïstes — Aragon, Breton, Éluard, Buñuel, Man Ray, Max Ernst, Dali —, un courant du mouvement surréaliste, ainsi que des musiciens et des comédiens en vogue, avaient l’habitude de se réunir au Café Batifol, rue du faubourg Saint-Martin dans le 10e pour refaire le monde dans une ambiance joyeuse et légère, ce que traduit bien le mot batifoler. Ils s’y retrouvaient pour l’apéritif et ripaillaient en confrontant leurs idées.
À la fin des années 80, plusieurs restaurants de type brasserie avaient ressurgi avec cette enseigne mais la mayonnaise n’avait pas pris et les établissements avaient été revendus à une chaîne de steaks-houses.
30 ans plus tard, Batifol est revenu sur le devant de la scène parisienne face à la gare de l’Est, en lieu et place de l’ex Strasbourgeoise. Le groupe Joulie revendique le lieu comme étant dans le registre bistrotier, je dirais plutôt qu’il est la parfaite illustration d’une brasserie traditionnelle.
Le décor a été entièrement refait par Pierre Canot dans un esprit justement très »tradi » (grand comptoir en zinc, banquettes de cuir bordeaux, chapelières en laiton doré, chaises en bois, grandes plantes vertes et objets vintage comme deux grands phonographes, des caisses enregistreuses d’époque, ainsi qu’un standard téléphonique datant du temps du sketch du 22 à Asnières interprété par Yves Montand et Simone Signoret). La grande salle à manger (180 couverts) est tout de même fragmentée en petits îlots pour ne pas faire cantine. Bref on est bien dans le jus d’autant que les nappes sont blanches et les serveurs habillés de noir avec un long tablier blanc, à l’ancienne.
Le repas
Avec mon commensal Michel Bridenne avec qui vous êtes maintenant familiarisé, nous voici installés par une soirée très fraîche qui incite à bien se restaurer pour supporter le froid. Un verre d’Alsace Edelzwicker Klipfel (19 € la bouteille) n’ayant jamais fait de mal à personne, nous le dégustons tranquillement tout en concoctant notre menu. Nous craquons tous les deux pour une robuste « terrine de campagne » (porc et foies de volaille) aimablement rustique, pas trop grasse, absolument délicieuse, cornichons bien croquants en prime, avec un fort goût de revenez-y et ça tombe bien parce qu’elle est servie à discrétion (6 € la portion). Mais le temps de siroter notre verre, nous avons longuement hésité avec des « lentilles vertes du Puy servies en jatte, vinaigrette moutardée (5 €), des « escargots de Bourgogne persillés par 6 » (9 €), une salade de bœuf à la parisienne (7 €) ou une « traditionnelle soupe gratinée à l’oignon » (6,50 €).
Pour le plat, nous sommes plus déterminés : ce sera « Rognons de veau à la bourguignonne » (18,50 €) pour Michel et l’un des plats incontournables de la maison pour moi : « Le traditionnel pot-au-feu à l’os à moelle » (18 €). Encore qu’un « Cabillaud sauvage cuit au plat, haricots lingots confits » (18,50 €), qu’un « Suprême de poulet fermier rôti, pommes grenaille et champignons » (14 €) ou une « Pièce du boucher sauce Batifol, frites maison » (19,50 €) nous eussent également convenu. Et comme nous y étions un mardi, le plat du semainier étant ce jour-là un « Petit salé aux lentilles vertes du Puy » (16,50 €), j’aurais pu aussi céder à la tentation. Il faudra que je revienne un lundi pour la « Saucisse au couteau aligot » (16 €) ou un jeudi pour la « Tête de veau sauce ravigote » (18 €).
Bon, j’ai spontanément offert à mon camarade de partager un toast de moelle mais grosse déception, l’os à moelle avait un trou pas plus gros qu’un dé à coudre et nous avons été terriblement frustrés. Sinon, la présentation est sympathique dans la cocotte individuelle avec un énorme poireau, deux tronçons de carotte, deux quartiers de navet et quelques pommes de terre qui surmontent la viande.
En vérité, celle-ci est si bien cachée (bien que copieuse) que j’en ai oublié de la photographier. Il y avait trois morceaux différents, du paleron, du collier et du gîte. J’aurais aimé qu’un morceau de jumeau apporte un peu de gélatineux mais c’était très bon.
En face de moi, l’assiette de rognons de mon ami était parfaite, cuisson rosée comme demandé, joli jus goûteux, assaisonnement équilibré. Des haricots verts étaient servis à part, venant certainement du bout du monde vu la saison mais cuits impeccablement et avec un bon goût de frais.
Pour accompagner ces nourritures requinquantes, nous avons choisi une bouteille de rouge Coteaux du Lyonnais 2018 « sélection Georges Dubœuf » (21 €) tout à fait honorable, la carte des vins, très courte, étant surtout composée de maisons traditionnelles de négoce typiques des brasseries.
Le moment du dessert étant arrivé, comme vous vous en doutez peut-être, je n’ai guère pu résister au « baba au rhum» (8,50 €) qui est mon péché mignon tandis que Michel portait son choix sur des « profiteroles au chocolat chaud » (8 € ), ma foi très appétissants. Du très correct.
Ce fut donc un agréable moment, dans une atmosphère très brasserie d’autrefois, tant par le cadre que par les plats et le service. Une petite réserve quant à ce dernier : il est fait avec une très grande gentillesse mais ce serait bien que les serveurs connaissent la composition des plats. J’ai ainsi demandé de quoi se composait la terrine de campagne (ce n’est pas marqué sur la carte) et quelles étaient les trois viandes du pot-au-feu et chaque fois, notre serveur a dû aller se renseigner en cuisine. Mais ne chipotons pas, je ne peux que vous inviter à faire étape chez Batifol si vous passez dans le quartier ou si vous êtes entre deux trains.
Batifol
5 rue du 8 mai 1945 (face à la gare de l’Est)
75010 Paris
M° Gare de l’Est
Tél. 01 42 05 20 02
Ouvert tous les jours de 7 h 30 à minuit
Invitation d’un attaché de presse.