Rita Hayworth en mieux !
Un coin de cave mal éclairé…
Un carton presque vide…
En-dessous, coincée par des plus jeunes, une bouteille…
Poussiéreuse…
Domaine de la Prose, Blanc, Grande Cuvée 2001.
Certes, jolie maison mais entre nous, le bouche-à-bouche ne peut pas réparer tous les outrages du temps qui est passé trop vite…
Voyons quand même !
Et alors là…
Une incroyable robe de soirée, dorée, ambrée.
Le fourreau d’une star des années 40/50, coup d’œil volé dans Cinémonde ou Ciné Revue. Odeur de vamp, trace de parfum derrière les oreilles, essence rare qui nimbe la silhouette de la femme-fleur, fleur d’été presque entêtante. Et puis, de la pâte de coing, des chaudes épices venant de l’image que l’on se fait de l’Orient, proche ou lointain. Nous n’irons pas à Madère, ou alors une autre fois : il n’y a pas le moindre indice, le premier soupçon d’oxydation. Ce vin est frais et franc comme l’or : opulent, puissant, volumineux mais sans la moindre lourdeur. Seize ans après avoir célébré ses 14° de naissance, nos prières à Saint-Georges d’Orques ont été entendues au-delà de nos espérances. Tant de vins de très nobles extractions sont morts avant d’avoir vécu… Cette bouteille est devenue respectable non seulement par son âge mais surtout pour son élégance aristocratique, la distance qu’elle établit instinctivement face à un éventuelle pignouf égaré dans sa proximité. Elle se fait aimer pour ce qu’elle est : une grande dame. Rita Hayworth plus que Zaza Gabor ou Marilyn. Sensuelle et séductrice, pas michetonneuse. Les 20 nouveaux euros que ses charmes coûtaient à l’époque étaient en fait des cadeaux, presque des offrandes.
Sublime surprise que ce vin survivant d’une ère dorénavant révolue. Si je me souviens bien, le vignoble était en conversion bio, pas encore en biodynamie. En tout cas, il était déjà soigneux Bertrand de Mortillet, bien avant que son domaine ne soit aujourd’hui certifié « demeter ». Vermentino et grenache blanc à très petits rendements ont procuré à ce vin une remarquable ampleur, une si grande précision. Face à une pintade rôtie escortée par un risotto aux pois petits et frais, fèves et brocolis, on a eu les yeux humides quand le cul de la bouteille a affiché le mot « fin ».
Merci belle dame, du Languedoc ou de Shanghai, je ne sais plus…
Patrick de Mari