Légumes oubliés : ce qu’on vous a toujours caché !
Depuis quelques années, un certain nombre de légumes qui avaient disparu de nos tables depuis la fin de la Deuxième Guerre Mondiale ont fait un retour en force !
Comme par exemple les rutabagas, les topinambours, les panais, les crosnes, les salsifis (écorce blanche), les scorsonères (écorce noire), les navets boules d’or (jaunes), le cerfeuil tubéreux et autres tubercules plus ou moins rustiques et biscornus.
Cette longue désaffection a fait que, lorsqu’ils ont commencé timidement à réapparaître, on les a globalement appelés les « légumes oubliés ». Au vu de leur omniprésence aujourd’hui sur les cartes des restaurants (dont les plus prestigieux)… oubliés, ils ne le sont plus guère.
Ce n’est pas Alain Passard qui me démentira, ce fou génial qui parle aux fanes de légumes comme d’autres à l’oreille des chevaux lors de ses promenades matinales dans l’un de ses trois potagers. Le principal est situé à Fillé-sur-Sarthe (sous la houlette de Sylvain Picard) et les deux autres, l’un dans l’Eure et l’autre dans la baie du Mont-Saint-Michel (fondantes carottes des sables obligent).
Les rutabagas, si vous êtes d’un temps que les moins de deux ou trois fois 20 ans ne peuvent pas connaître, on vous en a certainement rebattu les oreilles pendant toute votre enfance : « Ils » en avaient tellement mangé pendant la guerre que ce légume était devenu tricard dans les potagers.
Et pour vous apprendre à vivre, votre mère a sans doute obligé la petite fille que vous étiez — ces salopiauds de frères étaient dispensés — à éplucher les salsifis… (à l’époque, c’est comme ça qu’on appelait encore la variété « scorza nera »), autrement dit les écorces noires qui vous laissent des mains de mineur de fond si vous ne mettez pas de gants. Et les gants de cuisine dans les années soixante…! Idem pour les crosnes qu’il fallait frotter dans un torchon avec du gros sel pour les débarrasser de leurs peaux diaphanes (ce qui reste d’ailleurs la meilleure méthode pour les nettoyer).
Personnellement, je n’ai jamais compris cet ostracisme vis-à-vis des rutabagas dont on a tellement répété qu’ils avaient sauvé tant de Français de la famine. Mais c’est un fait que je n’en ai jamais goûté petite et que, devenue adulte, pendant très longtemps, je n’en ai jamais trouvé au marché. Et même si je lorgnais de temps à autre des « salsifis noirs » à l‘étal des maraîchers, j’hésitais à me coltiner à nouveau la corvée de mon enfance, d’autant qu’il faut la faire suivre d’un rituel de cuisson dans un blanc, ce qui n’est pas non plus à la portée de la première foodista venue. Et pourtant, j’adore les beignets de salsifis ! Mais peut-être pas au point de leur sacrifier autant de temps et d’énergie.
C’est donc avec un étonnement non feint qu’à la fin des années 90, j’ai vu réapparaître des plantes potagères que je croyais en voie de disparition. Avec d’ailleurs beaucoup de plaisir parce qu’il fut un temps dans ma vie où j’eus un potager et que je sais ce que c’est que de devoir faire face à une récolte de 25 kg de navets boules d’or ! Au passage, je vous le dis confidentiellement, le congélateur ne leur réussit pas, les conserves non plus. Donc, si la perspective d’en manger matin, midi et soir pendant trois semaines vous effraie, l’alternative est simple : soit avoir beaucoup d’amis — mais le restent-ils après ce cadeau empoisonné ? —, soit démarrer un élevage de lapins (j’en avais aussi).
Bon ! Bien qu’absent des cuisines des années 1950 à 2000 — un demi-siècle ! — le panais dans le pot-au-feu… franchement… ça le fait ! Les topinambours — encore appelés héliantis ou artichauts de Jérusalem (parce que leur goût est proche de celui de l’artichaut) —, je vous l’accorde, en purée ou en fricassée avec du jus de viande, ça peut faire une garniture épatante ! Quant au cerfeuil tubéreux à goût de châtaigne, ça peut être tout simplement… magnifique !
Alors, me direz-vous : pourquoi ces légumes du temps passé ont-ils été « oubliés » pendant un demi-siècle ? Parce qu’ils rappelaient de mauvais souvenirs à nos parents ? Parce qu’ils n’étaient pas bons ? Que nenni ! Êtes-vous prêts à entendre, gentes dames et gentils damoiseaux ? Oui ? Non ?
Eh bien tout simplement…
PARCE QU’ILS FONT PÉTER !
Et que, malgré mai 1968, la révolution sexuelle et autres petits arrangements avec les convenances, péter, ce n’était pas considéré comme politiquement correct pendant ces années qui rejetaient le conservatisme. Dictature du féminisme, dictature de la diététique, dictature de la mode qui a révélé l’anorexie. Alors qu’avant la guerre, il y avait des concours de pétomanes, c’est dire si on savait vivre…
D’autres féculents et légumineuses peuvent néanmoins être également incriminés pour le même délit mais, allez savoir pourquoi ? ils ont traversé le siècle avec moins de boycottages : artichauts, flageolets du gigot dominical, cassoulet, etc.
Car malgré l’usage précautionneux de la pincée de bicarbonate de soude modératrice ou de quelques brins de sarriette (réputée éviter les flatulences), il y a des pets qui semblent plus diabolisés que d’autres.
Pourtant — me croirez-vous ? — péter, c’est dans l’ordre des choses ! Car il ne faut pas croire ! Les vaches ne sont pas les seules à trouer la couche d’ozone puisque, c’est un fait statistiquement établi, quoi qu’il arrive, les femmes pètent 9 fois par jour et les hommes 14 ! Et oui, Messieurs ! Aussi mesquines soient-elles, nos différences sont… patentes !
Corinne Paillaud
22 janvier 2015 @ 18 h 53 min
Ahhh le rutabaga! Il y a quelques années de ça, je lis un article sur « les légumes oubliés et quelle n’est pas ma stupeur de voir dans cette liste LE RUTABAGA, et là bien sûr je m’insurge, quoi mais comment ça, le rutabaga un légume oublié, mais l’auteur(e) de cet article a du riper de la souris en écrivant ceci, des rutabagas, on en mange tout l’hiver, on en trouve partout, jusque dans la moindre petite épicerie en passant par les supermarchés ou les étals des vendeurs de légumes, enfin bref sur le coup, je me dis, là il y a erreur! Puis quelques temps plus tard, nous rendons visite à notre fille qui vit à Toulouse, nous, nous vivons dans l’Indre. C’est donc en général l’occasion d’apporter quelques produits (souvent du fromage) et de prévoir quelques repas, je lui demande donc si elle a envie que je cuisine quelque chose en particulier et elle me dit « oui, du pot-au-feu ». Pas de problème, est-ce que j’apporte ce qu’il faut? Elle me répond que non, on fera les courses ensemble. Mais c’est là que ça se complique, car chez moi, il n’est point de pot-au-feu sans rutabaga. Or, j’ai bien du me rendre à l’évidence, il est des régions où il est (était?) bel et bien oublié! Après avoir fait moult magasins, nous avons fini par en trouver sur un marché « bio, terroir, producteurs » sur l’étal d’un producteur sous la dénomination de « légumes anciens ». Enfin notre pot-au-feu a été sauvé et les berrichons que nous sommes ont pu se sentir (ahah) solidaires des toulousains spécialistes du cassoulet! Ils restent toujours un peu oubliés puisque mon autre fille qui vit à Aix-en-Provence a rencontré les mêmes difficultés dans sa ville ce mois de janvier. Et j’ai une autre anecdote sur ce légume (décidément). Il se trouve que chez nous, même si c’est bien sous cette appellation qu’on l’achète, on l’appelle « chourave » (enfin peut-être pas les plus jeunes). Il y a une dizaine d’années, un maraîcher bio s’installe à côté de chez moi. La 1ère année, il produit un certain panel de légumes en attendant de voir ce que va être la demande et voilà donc que beaucoup de clients lui demande du chourave. Lui a très envie de satisfaire sa clientèle et produit donc pour l’hiver suivant des chou-raves. Le pauvre s’est donc retrouvé avec toute une production de légumes qu’il a eu bien du mal à écouler. Il faut préciser qu’il vient de la région parisienne et ne maîtrisait pas encore les erreurs de langage des berrichons.
P.S. vous avez bien du courage si vous êtes allés jusqu’au bout, je crois que je suis un peu trop bavarde! 🙂